Le très haut parleur de la Lune

Publié le 23 août 2012 par Detoursdesmondes


"J'ai appris autrefois, quand j'étais jeune,
À peindre des tableaux, de beaux tableaux corrects,
À jouer de belles sonates sans fausse note
-Sonate du Printemps, Sonate à Kreutzer -
Je courais dans le monde clair, ouvert
J'étais jeune, aimé, célèbre...
Par la fenêtre, toutefois, un jour,
Riant de ses mâchoires édentées,
La mort m'a regardé, et de ce jour
Le gel n'a plus quitté mon coeur.
Je me suis enfui,
J'ai couru, j'ai erré partout.
Ils m'ont rattrapé, ils m'ont enfermé
Année après année. Par la fenêtre,
Au-delà de la grille elle regarde.
Elle regarde et rit. Elle me connaît.
Elle sait.
Je peins souvent des hommes sur du mauvais papier,
Je peins des femmes, je peins le Christ,
Adam et Eve, Golgotha,
Ce n'est ni beau ni correct, c'est exact
Je peins avec de l'encre et du sang, je peins vrai. La vérité est terrifiante."

Hermann Hesse : Louis Soutter in Die späten Gedichte. Insel, Frankfurt am Main 1963.


Louis Soutter : Vingt années enfermé dans un hospice de vieillard ! La vie, toute sa vie évoquée dans ces quelques lignes d'Hermann Hesse. Si justes !
Le "tremblement de la modernité" dans son travail, allez le palper, le toucher dans l'expostion actuelle de La Maison Rouge. Car dans la peinture au bout des doigts, il n'y a pas de médiation entre la violence et le spectateur ; ses pantins désarticulés sont faits de la chair des hommes.

Louis Soutter, le tremblement de la modernité... par lamaisonrouge

L'exposition se termine le 23 septembre...
Le titre de l'article est emprunté à celui d'une oeuvre de Louis Soutter.
Photo 1 : La vierge martyrisée, 1930-1942, Musées d'Art et d'Histoire de la Ville de Genève © Louis Soutter.
Photo 2 : Glace d'argent, miroir d'ébène, 1938, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne © Louis Soutter.