Des conditions, toujours des conditions. Le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a apporté mercredi 22 août son soutien à la Grèce à condition qu'elle redouble d'efforts pour assainir ses comptes. Ce sera le sujet d'un énième sommet de la dernière chance à Berlin. Le choix du lieu est symbolique puisque depuis le départ l'Allemagne, par son intransigeance, fait danser le sirtaki au peuple grec, oubliant que jusqu'en 1953 elle était elle aussi sous le joug des créanciers.
"Les peuples cessent de vivre quand ils cessent de se souvenir". La mise en garde de Foch est plus que jamais d'actualité. L'arrogance contemporaine allemande contraste avec les années difficiles de la première moitié du XXéme siècle. Comme nous l'a rappelé cet été le quotidien Helvétique Le Temps dans une série d'articles, la dette publique, c'est une vieille histoire.
A cet égard, le patronyme du Premier ministre Grec, Samaras, sonne comme le nom d'une bataille homérique de l'Antiquité. Là où le gouvernement d'Athènes réclame du temps, "un peu d'air pour respirer, remettre l'économie en route et accroître les revenus de l'Etat", les créanciers répondent nouveau train de réformes structurelles et privatisations. Le risque c'est évidemment que les saignées répétées finissent par tuer le malade. Cela fait déjà deux ans et demi que le tour de vis a été donné et payé de bien peu de retour sinon une récession économique et de fortes tensions sociales. Peu importe, psychorigide, l'Allemagne par la voix de sa chancelière refuse toute renégociation du plan d'aide.
C'est oublier que miracle économique Allemand d'aujourd'hui est le fruit de l’Accord de Londres, signé le 27 février 1953, qui a permis à la RFA d’effacer la moitié de sa dette d’avant et d’après-guerre. Yves Hulmann le journaliste du Temps nous rappelle qu'à l'issue du second conflit mondial, la RFA doit rembourser à la fois les obligations financières issues du Traité de Versailles, les emprunts internationaux contractés durant la République de Weimar, dont le paiement des intérêts a été suspendu au début des années 1930 à quoi s’ajoutent encore les aides financières accordées par les Alliés pour reconstruire le pays ravagé après 1945…
A l’issue de la conférence de Londres, la dette initiale de la RFA de près de 30 milliards de Deutsche Marks, est ramenée à moins de 14 milliards favorisant ainsi un redémarrage rapide du pays. Certes les considérations géopolitiques de la guerre froide ont joué ainsi que l'intérêt économique à voir émerger un marché allemand. Mais ces deux éléments sont applicables à la situation actuelle de la Grèce puisqu'il s'agit désormais de stabiliser l'UE et de maintenir un niveau de consommation qui profite largement aux entreprises allemandes.
Reste la question des réparations dues par l'Allemagne à la Grèce au titre de l’occupation du pays de 1941 à 1944 soit une somme dont les estimations varient. Au minimum 7 milliards de dollars, jamais versés. Pour mémoire, pour sauver son ami Mussolini d’une défaite humiliante, Hitler envahit la Grèce en 1941. Le pays est non seulement pillé, victime d'exactions, mais il doit également acquitter des dépenses d’occupation exorbitantes.
Le 15 février 2012, Daniel Cohn-Bendit harangue le gouvernement allemand au Parlement européen au lendemain du refus de la troïka européenne d'octroyer un deuxième plan d'aide de 130 milliards d'euros à Athènes. "Les Allemands, qui rechignent à financer un second plan de sauvetage pour la Grèce, devraient se souvenir de tout ce qu'ils ont pillé dans ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale [...] Avec les intérêts, ce sont 81 milliards d'euros qui sont dus à Athènes. C'est là une autre façon de voir l'Europe et son histoire".
En acceptant la réunification de la RFA et de la RDA dans le cadre du Traité de Moscou, la Grèce s’est privée de la possibilité de réclamer des réparations, s'est contenté de répondre Berlin.