Le soleil jette des feux soudains dans le dimanche d'août, teinte d'argent les anges au sommet de l'autel, les stucs, le manteau de Saint Roch, les yeux de la fillette dans l'église de montagne.
Hier aussi, le soleil avait des scintillements subits sur les eaux de la rivière qui prend son nom du lis. La fillette en vacances sautait de pierre en pierre avec son grand cousin, celui qui l'a déjà initiée aux pentes abruptes de la fosse à fumier et qui aujourd'hui jouera du violon pendant la messe et qui est bien plus beau que l'enfant de bois, là dans le coin de l'église.
Maintenant c'est à elle de lire la phrase inscrite sur un feuillet, c'est son tour, tandis que le soleil pointe à nouveau et fait resplendir le bleu de la colonne sur laquelle grimpent des grappes d'or. Le soleil a des reflets couleur polenta sur les stucs, hier soir la fillette est allée manger sur le terrain herbeux au bord de la rivière, tous rassemblés autour de la table de pierre, et le grand-père a coupé la polenta au fil. Là, dans ce noir habité, la fillette a vu une lumière nouvelle: le feu de joie sur la rive, le feu de la mi-août. Elle est restée sur la grève, avec sa soeur aînée qui sourit déjà aux garçons, elle est restée à fixer la flamme et à écouter le crépitement des fagots. Les poissons aussi, sous les pierres, épiaient l'incendie des eaux, le vol des étincelles.
Maintenant un petit homme s'approche du micro, cheveux gris, sac banane sur le ventre. Aussitôt la fillette pense à son chat: il trouverait place dans cette poche de kangourou. Hier, elle l'a installé pour dormir dans l'étable et elle a tiré le verrou, parce qu'il se peut que, la nuit, la fouine entre et le mange, ou bien la paysanne le prendra, elle qui a déjà liquidé dix chiots qui venaient de naître et qui était prête à supprimer aussi son chaton grand comme une souris.
A présent le cousin attaque Vivaldi. Et les stucs s'enflamment à nouveau, rappellant la rivière, le feu de joie, les yeux du chat. La fillette lève les yeux vers la tribune, elle voit son cousin avec son violon qui rutile et il lui fait l'effet d'un ange, plus beau que ces ahuris accrochés sur l'autel, oh, tellement plus beau!
Quand le soleil fait scintiller les clochettes du sanctus, la fillette pense au pré là-haut qui, en mai, s'illumine de narcisses. Hier, avec sa mère, elle est montée trouver Lucia. Et tandis que Lucia cueillait les courgettes pour les vacanciers, elle ne pouvait détacher son regard de cet enfant: il boitait en rond dans le pré sans dire un mot, puis il s'asseyait, aidé par une fille à la robe trop longue, et il restait là à se balancer d'avant en arrière sur une couverture étendue sur l'herbe. Toujours la même chose. En cage. Et Lucia a expliqué que ce gosse, à neuf mois, avait fait une otite: le médecin avait laissé à la mère les gouttes à mettre dans l'oreille et il était parti.
Au sanctus, tandis que le soleil brille sur le calice que le prêtre élève, la fillette file loin de l'église, vers l'éclat du violon avec son cousin, loin des grands! Elle va retrouver le pré aux narcisses, elle va libérer l'enfant qui tourne en rond sur l'herbe comme un chat blessé.
Alberto Nessi, Scintillements - Fleurs d'ombre (La Dogana, 1997)
traduit de l'italien par Christian Viredaz
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