Ô doux Jésus, si tu réchauffes,
De l’enfant jusqu’au vieillard chauve,
Tous les humbles et tous les pauvres
Qui pour dormir n’ont pas un toit,
Si tous ceux qui suivent ton culte
Et la loi d’amour qu’il inculque
Ne descendront dans le sépulcre
Que pour ressusciter en toi,
Si ces mots, comme tu l’attestes,
Affranchis des liens terrestres,
Seront relevés par ta dextre,
Et verront le trône de Dieu,
Seigneur, il faut que tu m’épargnes
Lorsque Satan sur moi s’acharne,
Et, prenant pitié de mes larmes,
Que tu me mènes aux Saints-Lieux.
Ainsi qu’un fol enfant du siècle,
Je me laissais aller sans règle
À tous les penchants d’un coeur faible
Et j’étais mort selon l’esprit,
Et quand sur moi venait le monstre,
J’allais moi-même à sa rencontre,
Je l’appelais pour me corrompre
Au lieu de lutter contre lui.
Si mon repentir ne t’ébranle,
Pourrai-je plus, sans que je tremble,
Tourner mes regards vers ce temple
Que tu t’es construit dans l’azur ?
Devant ta face, ô Juge intègre,
Après mon passé que j’exècre,
Comment oserai-je paraître ?
Je n’ai rien en moi que d’impur.
Le soir, quand l’horizon s’entrouvre
Et s’enflamme en lueurs de pourpre,
Je crois voir se creuse le gouffre
Où doivent sombrer les méchants,
Car je suis un fils des Ténèbres,
Car mon esprit, mes yeux, mes lèvres,
Et la main que vers toi je lève
Se sont employés pour Satan.
Que si ton tonnerre passe outre
Et si tu consens à m’absoudre,
Touché des pleurs que tu vois sourdre
Dans un coeur où tu n’étais pas,
Prends pour guérir mon âme triste
Cette main que l’angoisse crispe
Quand je songe au ciel que je risque
En ne marchant point sur tes pas.
Sans chercher rien qui me disculpe
Des plaisirs faux dont je fus dupe,
J’entrerai dans la route abrupte
Qui est le chemin de la croix,
Et si par grâce tu m’acceptes,
À jamais courbé sous ton sceptre,
Je fais voeu de suivre à la lettre
Les commandements de ta loi.
Émile SCHALLER.
Paru dans La Conque, Anthologie des plus jeunes poèes, 1891-1892.
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