Ayrault fait sa rentrée, une rentrée pas normale: une interview matinale à la radio, une longue communication pendant et
après le conseil des ministres sur le « programme de travail » du gouvernement pour les semaines à venir; une autre réunion avec des représentants des gens du voyage, puis avec
Manuel Valls et, pour finir, un dîner de travail avec ses ministres.
La mise en scène est rodée puisque la France manque de spectacle. Il fallait annoncer un programme lourd, puisque la sphère
médiatique s'inquiétait de manquer de sujets. La « normalité » était-elle terminée ? Pas forcément. François Hollande n'était pas si
médiatiquement organisé que son prédécesseur, même s'il n'y avait aucune raison de penser qu'il ne procédait qu'en improvisation.
Au final, 25 mesures ont été annoncées. Les critiques, comme souvent, sont diverses et si
prévisibles: le gouvernement en ferait trop fort ou... pas assez. Mercredi 22 août, vous aviez le choix de la critique.
Certains moutons criaient donc au loup et d'autres se prenaient pour des loups.
Mercredi, sur le perron de l'Elysée, le premier ministre répète son crédo: ce sera « le redressement du pays dans la
justice » sinon rien.
Hormis les projets de séminaires (sur la Compétitivité), conférences (sur l'environnement le 14 septembre), réunions (sur la
Fonction Publique, avec les syndicats, le 4 septembre) et séminaires (sur le financement de la protection sociale; comité interministériel sr l'égalité hommes/femmes), voici à quoi ressemble le programme des semaines
à venir:
1. Une réforme fiscale, rien que ça, afin de rendre notre système « plus juste et plus efficace, qu’il s’agisse des
ménages ou des entreprises. » La barre est haute, sacrément haute. On n'en demandait pas tant. Nous espérions une grosse taxation des plus riches (la fameuse tranche à 75% sur les fractions
de revenus supérieures au million d'euros).
2. Des économies et des impôts pour respecter « l’objectif de réduction à 3% du déficit public en 2013 et tracera une
trajectoire de retour à l’équilibre des comptes publics en 2017 ». Echéance: le 24 septembre en Conseil des ministres.
3. Un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour le 10 octobre: « les dépenses d’assurance maladie (ONDAM)
progresseront de 2,7% en 2013, contre 2,5% en 2012, ce qui permettra d’améliorer l’accès aux soins et de conforter l’hôpital public.»
4. L'adoption du Pacte européen d'une part, et du « pacte européen pour la croissance et l’emploi de 120 Mds d’euros
» sera proposée au Parlement d'ici 15 jours. La droite couinera mais votera, la gauche râlera, et
une partie s'opposera.
5. Chaque ministère devra identifier les projets éligibles de son périmètre aux futurs crédits européens dudit Pacte («
project bonds, nouveaux moyens de la Banque européenne d’investissement grâce à sa recapitalisation »).
6. La création de la banque publique d’investissement « dans les semaines qui viennent ».
7. Une réforme du secteur bancaire « au cours du dernier trimestre 2012 ».
8. Stéphane Le Foll a du pain sur planche. Il lui faut travailler son « projet de loi d’avenir pour l’agriculture, la
forêt et les industries agro-alimentaires » pour l’année prochaine.
9. Mise en oeuvre des 80.000 emplois aidés supplémentaires (en sus des 340.000 consommés par le gouvernement Sarkozy/Fillon
au premier semestre).
10. Proposition de loi portant sur la création des emplois d'avenir (le 29 août au Conseil des ministres et seconde
quinzaine de septembre au Parlement en session extraordinaire).
11. « Le contrat de génération sera également adopté avant la fin de l’année », après la négociation avec les
partenaires sociaux sur certains de ses aspects « qui s’ouvrira sur la base du document d’orientation remis en septembre par le gouvernement ».
12. Lancement de la négociation sur la sécurisation de l’emploi entre les partenaires sociaux. Ayrault espère une «
traduction législative » pour le début de l'année prochaine.
13. Un projet de loi pour la construction de 150.000 logements sociaux l'an prochain, et la modification de la loi SRU
pour augmenter à 25% le taux nécessaire de logements sociaux (seconde quinzaine de septembre). Le gouvernement espère mobiliser la centaine de milliards d'euros non encore utilisés des fonds récoltés par le livret A. Il
annonce aussi des « mesures fiscales pour un effort national de construction de logements privés ».
14. Relèvement immédiat de 25% du plafond du livret A. Un second relèvement de 25% sera mis en place plus tard, « en
fonction des besoins ».
15. Création d'un système de caution facilitée « pour lever les obstacles à l’accès au logement »
16. Proposition de loi relative à la tarification progressive de l'électricité et de l'eau (avant la fin septembre): «
Le gouvernement travaille sur la question des prix des carburants et prendra des décisions sur la base des expertises en cours et des discussions avec les distributeurs qui seront conduites
par le ministre de l’économie et des finances. »
17. Un projet de loi sur le renforcement des moyens de l'Education nationale, pour la fin novembre (après la consultation
ouverte en juillet dernier).
18. Un projet de loi présenté pour la mi-décembre sur la gouvernance et les moyens de l’enseignement supérieur et de la
recherche.
19. Le rapprochement de l'ARCEP et du CSA (fin
novembre). La veille, ce chantier avait été lancé. Trois ministres concernés (Montebourg, Pellerin et Filippetti), sous l'autorité du premier ministre. La première autorité régule les tuyaux
numériques, la seconde l'audiovisuel (télévisions et radios françaises). L'idée était déjà défendue par la ministre Fleur Pellerin avant qu'elle ne soit ministre. Certains posent des questions
légitimes (de quelles régulations nouvelles la nouvelle entité devrait se saisir concernant l'Internet prétendument libre
?). D'autres hurlent déjà au sarkozysme déguisé. Pour d'autres
encore, l'affaire est pliée. Pour l'heure, Ayrault a simplement lancé
une concertation, avec une feuille de route officielle très succincte.
20. Un projet de loi sur la décentralisation (en décembre), visant à « donner des compétences nouvelles aux collectivités
locales ».
21. Une loi sur la modernisation de la vie politique (scrutin, cumul des mandats, etc) pour décembre.
22. La mise en place des zones de sécurité prioritaires (notamment à Amiens). A Nice, ce mercredi, l'ineffable Christian Estrosi maire de nice
expliquait qu'il installait la sienne, tout seul... On se demandait pourquoi donc la ville d'un ancien protégé de Nicolas Sarkozy semblait encore si mal lotie en matière de sécurité, après dix
années de sarkozysme sécuritaire...
23. Deux circulaires sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’action publique « dans les prochains jours
».
24. Un projet de loi relatif « au mariage pour tous » pour la fin octobre.
25. L'encadrement des dépassements d'honoraires de médecins, pour la fin de l'année.
Pour être bien complet, le chef du gouvernement annonça aussi quelques perspectives pour le début de l'année prochaine:
encadrement du crédit renouvelable, introduction en droit français de l’action de groupe (une véritable rupture !), loi d’orientation sur la création et le spectacle vivant, une loi sur
l'audiovisuel (« l’acte II de l’exception culturelle, alliant la défense des droits des créateurs sur Internet et un accès aux œuvres facilité pour les citoyens »), ou une nouvelle
loi de programmation militaire.
En passant, Ayrault expliqua que les prix des carburants ne seraient pas gelés malgré le récent regain d'inflation. Une
baisse « modeste » des taxes sur les carburants serait rapidement mise en place. Voilà de quoi alimenter les gazettes UMPistes sur le thème des promesses non tenues.
Plus tard dans l'après-midi, l'association Romeurope était presque satisfaite. Elle avait été reçue, après quelques
semaines de polémiques sur le démantèlement de camps illicites. Certes, Ayrault rappela que ces derniers se poursuivraient. Mais la ministre Duflot a levé quelques interdictions de travail:
suppression de la taxe pesant sur les employeurs des Roms et un un élargissement des métiers auxquels Roumains et Bulgares (nationalités de nombre de Roms) avaient
droit.
Tiens, nous pouvions nous demander quand et si le gouvernement allait supprimer ces quotas d'immigration par nationalité
hérités du sinistre Hortefeux.