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On ne s’improvise pas « restauratrice »

Publié le 22 août 2012 par Kamizole

On ne s’improvise pas « restauratrice »

Ni en matière d’art - c’est le cas en l’espèce - ni s’agissant de sustenter ses semblables puisque notre langue utilise le même mot pour l’une et l’autre de ces activités. Deux métiers à part entière qui exigent une formation. Des études d’art et scientifiques pour le premier, de cuisine pour le second encore que l’on parle volontiers « d’art culinaire » pour les meilleurs. Je ne pus m’empêcher d’ouvrir l’article en découvrant le titre sur la Une du Monde HOLY SHIT – La restauration d’une peinture du Christ tourne au massacre  (22 août 2012) Bien évidemment le jeu de mot « holy shit » est marrant comme le faisait remarquer un commentaire mais sous celui-ci une volée de bois vert cul béni :« Franchement, il n’y a rien de drôle. Toucher au Sacré, est un blasphème suprême. J’espère que le ou la coupable payera sa faute. Je suis totalement choqué et outré »…

On se calme ! Bonté divine. C’est pas Dieu possible. « Blasphème » ? "J’entends murmurer des mots comme" « Pussy Riot » et « Inquisition ». Il ne s’agit nullement de la destruction volontaire d’une œuvre pie mais de la restauration complètement ratée d’une œuvre d’art représentant le visage du Christ en croix. « Ecce homo » selon ce que je lis sous l’une des représentations. Mon Dieu, délivrez-nous des intégristes. Ils n’ont plus aucun sens commun. Prêts à mettre le monde à feu et à sang. Je suis d’ailleurs intimement convaincue depuis plus de 50 ans qu’ils crucifieraient à nouveau Jésus s’il revenait sur terre. Même intolérable intolérance. Quand je pense que Malraux avait prédit - le mot serait apocryphe mais non l’idée - que « le XXIe siècle serait spirituel ou ne serait pas ». Pour avoir si peu le sens de l’humour, cela n’en prend guère le chemin.

Pourtant, l’histoire qui nous est narrée sur le blog Bib Browser - décidément une mine d’or en ce moment - n’a rien de compliqué. Au départ, nous avons dans une église de Borja, ville de la région de Saragosse, une peinture murale représentant donc le visage du Christ, réalisée au XIXe siècle par un peintre espagnol, Elias Garcia Martinez. Comme vous pouvez le constater sur la photo de gauche la peinture n’était pas dégradée quand elle fut prise il y a deux ans. La photo centrale, prise en juillet dernier témoigne d’une dégradation rapide dont on peut se demander quelle peut en être la cause : humidité, pollution chimique ou parasite ?

La photo de droite est le résultat de la « restauration » entreprise par une personne « pleine de bonne volonté » mais « sans deman-der la permission ». Il s’agirait d’une octogénaire, vaguement « artiste » et vivant à proximité de l’église où se trouve la peinture. « Constatant l'état de délabrement de l'œuvre, elle aurait décidé par elle-même d'épargner au Christ les ravages du temps ». Finissant par comprendre qu’elle était complètement dépassée elle s’est confiée aux autorités locales. L’Enfer n’est-il pas « pavé de bonnes intentions » ?

Le résultat est positivement atroce. Je ne saurais dire si un(e) véritable restaurateur/trice d’art peut encore sauver la situation.

J’ai vu avec un très grand intérêt il y a quelque temps un documentaire sur la monumentale restauration des peintures murales ainsi que celles de la voûte de la célèbre Galerie des Glaces du Palais de Versailles (qui a été rouverte au public le 25 juin 2012). Du grand art ! Un immense chantier qui aura duré 8 années. Financé par Vinci (BTP) mécénat d’entreprise oblige. La jeune restauratrice d’art qui était à l’œuvre dans le reportage était aussi visiblement passionnée par ce qu’elle faisait que compétente. Il semble me souvenir qu’elle était titulaire d’une maîtrise de sciences et techniques. Quel rapport avec l’art ? me direz-vous.

Précisément la restauration d’art n’est pas qu’une question de peinture - ce que visiblement la « barbouilleuse » de Borja, tout « artiste » qu’elle fût (peut-être) ignorait - mais implique nécessaire-ment de mettre en œuvre différentes techniques, études chimiques des peintures, imagerie scientifique; Etc.

Le conservateur du château de Versailles suivait les progrès de la restauration avec une attention très soutenue. S’enquerrant pour savoir si tout allait bien. Un brin d’inquiétude. Il doit être drôlement soulagé aujourd’hui. Et les visiteurs pourront à nouveau contempler ces merveilles. Encore plus belles.

On ne s’improvise pas « restauratrice »


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