Dans certaines stations-service, le prix du litre de super vient de dépasser deux euros le litre . L'inexorable, et difficilement supportable, augmentation de la facture carburant participe à la morosité économique. Quelle politique faut-il alors mener?
Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault promet, ce 22 août 2012, une diminution "modeste" et "provisoire" des taxes sur le carburant. Mais il affirme l'installer "en attendant de mettre en place un mécanisme qui régule le prix des carburants" et il ajoute "si vous gelez les prix pendant trois mois et que vous les laissez repartir après, vous n'avez rien résolu."
Le même jour, le gouvernement allemand fait savoir qu'il est opposé à une diminution des taxes pour contrer la flambée du prix des carburants. Le porte-parole du ministère des finances, Martin Kotthaus, rajoute "faire baisser le prix des carburants ne fait pas partie du rôle du gouvernement".
S'agit-il seulement d'une opposition de style? Les socialistes français étant volontaristes, les conservateurs allemands plus libéraux? Le gouvernement Ayrault veut-il se débarrasser rapidement d'une promesse de campagne de François Hollande en l'appliquant a minima?
Allons au-delà de ces questions, prenons du recul. Ce qui est certain, c'est que les positions allemandes et françaises, illustrent des visions diamétralement opposées des politiques énergétiques. C'est une certitude: la baisse des taxes, allégeant la facture du carburant pour le consommateur sera, à long terme, une véritable erreur politique.
Pourquoi? Tout d'abord, parce que la TIPP, la taxe sur le carburant, joue un rôle important dans le budget de l'Etat. Dans le contexte actuel de déficit public, il sera difficile de baisser fortement un impôt qui rapporte près de 15 milliards d'euros par an.
Ensuite, parce que les prix des carburants vont probablement continuer à monter dans les mois et les années à venir : il est donc fortement probable que les baisses de taxes sur les carburants soient sans effet sur les prix à la pompe. On se sera donc privé de recettes indispensables pour la Nation, sans que le consommateur (et l'électeur !) ne voit la différence.
Plus fondamentalement, nous n'avons pas intérêt à envoyer un signal de baisse des prix à l'automobiliste. Si nous voulons préparer les ménages et les entreprises à l'inéluctable pénurie de pétrole, il faut -au contraire- laisser faire l'augmentation des prix qui reflètent l'inexorable tension mondiale autour de l'accès aux hydrocarbures.
Il faut alors accompagner les consommateurs pour les aider à trouver des solutions à cette implacable évolution. Pourquoi alors ne pas consacrer une petite partie de la TIPP pour aider les entreprises, les particuliers et les collectivités locales à trouver des solutions qui les aideront à sortir de leur dépendance de plus en plus dangereuse aux carburants?
Une petite contribution (de l'ordre de quelques centimes par litres) ne changera guère la facture à la pompe mais pourra permettre des investissements qui amorceront une sortie de notre dépendance.
Cette contribution alimentera un fonds d'investissement public qui favorisera les tentatives de découplage de notre économie à l'économie du pétrole.
Prenons quelques exemples de l'usage possibles de ces fonds:
-aider les municipalités des grandes villes à installer des stations en libre accès pour louer des voitures électriques ou des vélos à assistance électrique
-aider les communes péri-urbaines éloignées des centres des métropoles à installer des bus à grande vitesse qui puissent aider leurs habitants à sortir de leur dépendance à leurs voitures lors de leurs migrations pendulaires
-soutenir les entreprises qui veulent se doter de flottes de véhicules électriques ou hybrides rechargeables.
-installer un parc de taxis collectifs réservable par portable
Le lecteur réticent à la seule idée de voir sa facture encore monter doit savoir que, de toute manière, elle augmentera encore car la demande mondiale de pétrole excède de plus en plus une offre rendue de plus en plus difficile à trouver (pétrole de schistes, forage en eaux très profondes, ...).
Se préparer à ne plus dépendre de cette ressource non renouvelable est donc une nécessité.
Si le lecteur craint que les plus pauvres soient les premiers perdants de ces augmentations, il doit encore plus redouter le laisser-faire et l'impréparation qui condamnera encore davantage le laxisme et les promesses intenables.
Seule une politique d'investissement et d'augmentation des prix à la pompe peut nous aider à sortir de notre addiction au pétrole.
Pour en savoir plus sur ces propositions: le site fiscalité environnementale