[Guest : Camille / Le Kiwi]
Tant qu'à partir dans un pays, autant en voir le plus possible. Armée de cette conviction, et, à la fois pour fuir la chaleur estivale, le trop grand nombre de gens (en vivant à Clermont-Ferrand, c'est très oppressant, tu comprends) et aussi un peu pour se rincer l'oeil sur la population locale — j'avoue — je suis partie en Suède. Pas qu'à Stockholm ou Göteborg, non non non, en Laponie et dans des contrées peuplées uniquement par des moustiques, des arbres, des lacs, et des petites maisons en bois rouge. Et c'était cool.
Là t'as en gros le trajet qu'on a emprunté, histoire de situer le truc.
GÖTEBORG
Göteborg en soi c'est pas plus intéressant que ça à visiter, ça ressemble plus à un immense centre commercial avec ses nombreux immeubles récents qu'à une ville suédoise comme on se l'imaginait. Ceci dit la scène musicale y est extrêmement active, si bien que la ville est souvent considérée comme "la ville indé de la Suède" — genre devant Stockholm. C'est là que tu trouves grand nombre de labels suédois et surtout où se déroule le Way Out West — mais déjà qu'on loupait la Route du Rock, autant faire le doublé et être à Stockholm pendant le WOW — festival mastodonte de la musique (plus ou moins) indé. En gros, Göteborg donne plus l'air d'être une ville sympa où vivre plutôt qu'à visiter — mais c'est peut-être les douches glacées à répétition qui ont eu raison de notre enthousiasme. C'est aussi là qu'on a compris que dire qu'on était originaire de Clermont-Ferrand en France ça faisait moyennement rêver les gens, alors on a retenu la leçon et pour les suédois d'après on vivait à Paris. On a quand même trouvé le moyen de tomber sur une palmeraie dans un des nombreux parcs (Trädgardföreningen), et ça c'était un peu l'highlight de notre séjour dans la "deuxième ville de Suède". Le Slottsskogs est un autre des grands parcs de Göteborg, c'est d'ailleurs là qu'a lieu le WOW. Véritable labyrinthe, on oublie totalement le fait d'être en ville une fois enfoncé dans ces arbres juchés sur une colline méga haute — la Suède un pays plat, mon oeil… Mais on était quand même content de sortir de là pour commencer à monter au nord et voir à quoi la Suède ressemblait vraiment.
LA CÔTE DU BOHUSLÄN
Au nord de Göteborg tu trouves la côte du Bohuslän : plein de petites îles, avec de nombreux villages peuplés par ces petites maisons en bois traditionnelles aux couleurs diverses — le rouge prédominant quand même. Pour parfaire la carte postale imaginez ces maisons posées au bord de la mer, bâties autour des petits ports, pas loin des gros rochers arrondis, arborant souvent fièrement le drapeau jaune et bleu suédois. Moi c'est comme ça que j'ai toujours fantasmé la Suède. Pour ça, l'île d'Orust, la "troisième plus grande île de Suède" est idéale, elle ressemble à un gigantesque rassemblement de maisons secondaires où les Suédois des villes viennent manger des crevettes en famille. La vie est plutôt tranquille de ce côté-ci… Et comme ils n'ont pas froid (aux yeux), ils se baignent aussi dans la mer du nord comme si c'était la méditerranée — sauf que pendant ce temps là toi t'es en pull tellement on se les pèle au mois d'août. Le seul truc qu'ils évitent de te dire quand tu décides de louer des vélos pour explorer l'île aussi c'est que ce pays n'est pas PLAT. En soit ça serait pas plus gênant que ça, mais voilà, en Suède, ils ne connaissent pas grand chose d'autre que le fixie. Bref, à force de se balader dans ces endroits paisibles on s'est dit quand même que les petites criques, le arbres et les rochers donnaient à l'île de Flatön des airs de Moonrise Kingdom.
MONTER DANS LE NORD
On va pas se mentir, l'objectif principal de ce voyage pendant une bonne semaine était de monter au dessus du cercle polaire. Grosse obsession qui nous a amené à nous farcir plus de 24h de train au total — masochisme primaire. Monter dans le Grand Nord est vraiment pas chose facile, mais pour plus de folklore, prendre l'Inlandsbanan est la meilleure solution. Le wagon-train s'enfonce à l'intérieur des terres à partir de Mora dans le Dalarna, pour remonter d'abord à Östersund puis à Gällivare, au dessus du cercle polaire arctique. Le truc marrant c'est qu'il va en moyenne à 50km/h et te fait arrêter dans des villages sur lesquels JP Pernaut ne rechignerait pas à faire ses reportages. Sérieusement, pendant les 8 heures que séparent Mora d'Östersund, tu te demandes souvent comment les gens arrivent à vivre au milieu des forêts, sans rien autour. Et si jamais l'image que tu as de la Suède c'est celle de ses forêts et lacs, prends donc l'Inlandsbanan. Tu en friseras presque l'overdose tellement le paysage est monotone. Ajoute à ça l'écoute de chansons traditionnelles suédoises à la gloire des forêts et tu comprends pourquoi au bout de 8h t'es content d'arriver. On pensait aussi que les guides se foutaient vraiment de notre gueule quand ils parlaient des moustiques, "bla bla y'en a partout" "bla bla c'est des gros carnivores", puisqu'on en avait encore pas vu un seul mais tu comprends vite dès que tu mets un pied dans le nord que c'est pas des conneries. Surtout que les moustiques du nord sont des putains de mutants ultra gros résistants, au froid polaire, au nord, et à l'humidité. Signalons également que ces petites putes vont jusqu'à te piquer à travers ton jean. L'enfer sur terre c'est un peu le Jämtland en été.
LA LAPONIE
14 heures. 14 longues heures, c'est le temps qu'il faut à l'Inlandsbanan pour faire Östersund - Gällivare. À force de voir des sapins sur des terres à peine troublées par des lacs et des collines, on était contents de se dire qu'on allait bientôt gagner les terres désertiques de la Laponie, et surtout ses gigantesques montagnes. Et parce que Gällivare était pas encore assez au Nord, autant aller jusqu'au bout du truc et monter jusqu'à Abisko. C'est en discutant avec des Suédois qu'on a compris que monter autant au nord c'était pas trop une habitude pour eux et qu'on était pas très normaux de vouloir aller se planquer là-haut en plein été. Grosse connerie puisque ça valait amplement le coup.
La raison pour laquelle je voulais aller en Laponie c'était surtout pour ces immenses montagnes vides et sauvages. Bon, comme Abisko c'était encore beaucoup trop fréquenté, on est allés se planquer à Björkliden, encore un peu plus près de la frontière norvégienne. Le village surplombait un lac gigantesque et était entouré de ces montagnes, plus grosses que hautes, mais surtout impressionnantes. On aurait un peu dit un fjord, ce qui n'est pas étonnant que ça quand on sait que la frontière norvégienne n'était qu'à une trentaine de kilomètres. Il faisait tellement froid qu'on a pu toucher la neige, alors qu'on devait être à 500m d'altitude grand max, et qu'il n'y avait plus un seul arbre à l'horizon. Juste les montagnes. Le paysage est en fait quasi-désertique et surtout spectaculaire. "When we go hiking, we never bring water with us. We drink front the rivers" nous avait prévenue la mamie qui tenait l'auberge de Björkliden : bah ouais, pourquoi s'embarrasser d'un truc aussi superflu que des gourdes quand l'eau est si pure là-haut que tu peux la boire dans les rivières… Mai c'est surtout qu'on était dans des trop grosses montagnes pour qu'y vivent les rennes — les seuls qu'on aura vus auront donc été ceux que l'Inlandsbanan a écrasé. Okay, on est venus trop tard pour le soleil de minuit, mais on a quand même pas vu la nuit noire, rien de plus bizarre que de regarder les JO là-bas et constater qu'il fait nuit noire à minuit à Londres alors que là-bas le soleil éclairait encore le village.
C'était quand même dur de devoir quitter Björkliden tellement les paysages étaient à couper le souffle. Surtout pour devoir gagner Kiruna, ville concurrente de Gällivare pour le titre de ville la plus déprimante de Suède. Les deux sont des villes minières où presque rien ne se passe. Dans le genre ville fantôme, elles se débrouillent très bien. Du coup on était bien contents de faire nos gros flemmards et d'aller à Stockholm le lendemain par avion — les prix des vols intérieurs sont dérisoires quand tu es jeune.
STOCKHOLM
Stockholm ne ressemble à aucune autre ville que j'ai pu voir en Suède. Et le choc de la civilisation quand on vient de Kiruna est assez spectaculaire. Ça fait déjà bizarre de retrouver de grands immeubles, mais ils ne ressemblent en aucun cas à ceux qu'on trouve à Göteborg. Même si le nouveau centre de Normalm s'en rapproche fortement. Stockholm est une grande ville mais elle n'est pas gigantesque pour autant, si bien que presque tout peut se faire à pied. Le mieux pour visiter Stockholm c'est encore de louer un vélo, non seulement t'as des pistes cyclables à peu près partout mais surtout, quand t'es cycliste, t'as approximativement priorité sur tout le monde — les voitures, les piétons, les femmes enceintes, TOUT LE MONDE. On a même vu des camions qui s'arrêtaient pour nous laisser passer. Rep a sa la France. Plutôt que se contenter de rester sur Gamla Stan, l'île vieille ville, où se trouvent le palais royal, le musée du prix nobel et tout le toutim, aux rues étroites et maisons colorées, qui font plus penser à une ville hollandaise ou italienne que suédoise, aller sur l'île du Sud, Södermalm est tout aussi intéressant.
Considéré comme le quartier branchouille de Stockholm, SoFo (pour South of Folkungsgatan) est un véritable paradis si vos principaux centres d'intérêts sont la musique et les fringues. C'est ici qu'on trouve les disquaires les plus intéressants de la ville — avec ceux situés à Sankt Eriksgatan — ou les bureaux de Labrador Records. Et où les musiciens prennent leurs habitude : un tour au Snotty, bar décoré avec des pochettes de The JAMC, eutécé suffit à s'en convaincre. Les gens là-bas sont cools sans être de gros hipsters détestables et la probabilité d'y croiser les puputes suédoises y est extrêmement proche de leur QI. Le mieux c'est de se balader sur Skanegatan, et de s'y rincer l'oeil sur les spécimens masculins : le paradis c'est là-bas, sans déconner. Beaucoup mieux en tout cas que d'aller voir le Moderna Museet ou le trésor royal, gros attrape-nigauds en puissance.
Et comme je suis une meuf cool je vous file les meilleurs plans disquaires que j'ai trouvé là-bas :
-An Ideal For A Living : l'endroit est tellement génial que je rechigne un peu à l'idée que l'un de vous y aille pour me piquer le 45t des Go-Betweens que j'y ai laissé sous peine de ruine. Sans dec', dans cette espèce de cave se trouvent des milliers de vinyles, il y en a tellement partout qu'il ne faut pas hésiter à pousser des boîtes pour tomber sur des 45t de The Field Mice. Par exemple.
-Pet Sounds : l'institution sur Skanegatan, c'est grand, t'as plein de trucs, mais c'est un peu reuch
-Record Hunter : sur Sankt Eriksgatan, si t'es dans les vieux machins, mais ils font des prix assez sympas globalement
- Delicious Goldfish Records : ok, pas eu le temps d'aller voir celui-ci mais il a l'air d'avoir de bonnes références, surtout en matière de musique scandinave récente, ce qui est forcément une évidence chez les autres.
LA BOUFFE
Parce qu'un voyage c'est également de belles rencontres culinaires, pour vos beaux yeux, le top 5 des trucs les plus dégueulasses qu'on peut trouver en Suède :
5- Du fromage de chèvre norvégien : un machin pâteux orange en forme de cube bien barbare qui a plus le goût de lait concentré que de fromage. Et dont l'odeur envahit ton palet pour une durée très agréable — sans rire, c'est complètement dégueulasse ce truc.
4- Du jus d'orange concentré (à noter qu'il était aussi à base de concentré, le pur jus ils connaissent pas là-bas) : tu vois les bouteilles de lessive ultra-concentrées ? Là c'est pareil, sauf que c'est à diluer dans de l'eau, sauf que c'est écrit petit et sauf qu'on pige que dalle au suédois. Imagine la douce sensation d'avaler du sucre liquide aromatisé à l'orange maintenant.
3- La bouffe fumée : c'est marrant au début, mais au bout de 15 jours t'as quand même envie de manger autre chose que du "jambon fumé / saumon fumé / dinde fumée / renne fumé" ETC.
2- Les harengs au petit-déjeuner dans un bocal en verre : ok la charcuterie fumée le matin, mais des harengs ????
1- LA BOUFFE EN TUBE : sérieusement, je sais pas quel est leur putain de problème avec la bouffe en tube, mais ils entubent TOUT : du bacon au bleu en passant par les harengs, la bouffe en tube a souvent le droit à son rayon au supermarché.
BULLSHIT
-Les Suédois comprennent très bien les Norvégiens et vice-versa, même si la langue varie un peu, il n'est pas rare de les voir converser chacun dans sa langue maternelle. Par contre ils aiment moyen moins se coltiner une soirée karaoké des chansons traditionnelles suédoises — un peu comme deux français perplexes devant cette chose très angoissante qu'est Allsång.
-D'ailleurs le suédois est une sorte de mash-up d'anglais et d'allemand si l'on omet la prononciation des mots, grosse angoisse permanente de mon séjour. Ça les a bien fait marrer qu'on prononce Östersund "eusteursounde", quand en fait c'est "eustecheune". On a aussi mis une semaine avant de comprendre que les supermarchés Hemköp se prononçaient "emcheupe et pas emkope". La win permanente en somme.
-Le rapport à la température des suédoises est également quelque chose de curieux. Apparemment le soleil est une raison suffisante pour se mettre à moitié à poil, peu importe qu'il fasse 15° dehors ou 25°. Charmante occasion pour les puputes locales de vous décoller la rétine du matin.
LA MUSIQUE
Ouais, un peu dur d'évoquer la Suède sans parler de la musique qu'il y a là-bas. Pour se faire, je vous ai concocté une petite playlist avec des groupes suédois, plus ou moins récents. Avec mes chouchous d'Ions, signés chez Service, un des 3 maillures labels suédois à mes yeux : avec — of course — Labrador Records et Fraction Discs.
Korallreven - The Truest Faith
Alpaca Sports - Just For Fun
The Tough Alliance - Holiday
Death In The Afternoon - Francis & The City
Ikons - Polaroid Cocaine
PAL - Weeks
The Garlands - Never Notice Me
Holograms - ABC City
Cocoanut Groove - A Dream Of Two Summers
The Radio Dept. - David
Westkust - Surf
Badlands - Never Dry Out
jj - Let Go
Taken By Trees - Dreams
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Je m'appelle Camille et je suis née la même année que sont sortis les premiers EP de Moose. Je change d'orientation universitaire à peu près tous les ans (cette année je tente le grand LOL en école de commerce) et je suis très amoureuse du personnage de Christopher Owens mais si j'avais eu 20 ans dans les 80s ç'aurait probablement été de Lawrence. J'écris sur Le Kiwi des articles très longs que personne n'a le courage de lire et moi d'écrire, et avec des amis on a même créé une association sous le même nom avec laquelle on a organisé des concerts et des soirées à Clermont-Ferrand. J'ai aussi choisi le nom de DJ le plus ridicule possible à savoir MODEAVION. Je pense que la truffade est le meilleur plat du monde et on me retrouve souvent près du bar en festival. Sinon mes obsessions musicales sont toutes plus ou moins à relier au shoegaze, à Sarah Records ou Creation Records. J'aime bien les palmiers et les chatons aussi.