Après la polémique sur les dispendieux « coussins de Brégançon » - dont l’UMP se réjouirait de faire l’équivalent du Fouquet’s - ce fut ensuite le voyage en TGV pour se rendre de Paris à Hyères qui prit la relève. La droite lui reprocha donc d’avoir médiatisé son départ - comme si Nicolas Sarkozy s’en fût privé ! - ainsi que l’inopportunité et le coût pharaonique d’un tel déplacement. Je m’emploierais à faire litière de ces griefs infondés.
Acte 2 - Un départ médiatisé avant un voyage trop cher
Marion Brunet sonna donc la charge dans Le Figaro Le médiatique départ en vacances de Hollande en train (3 août 2012). Le ton est donné dès l’introduction « François Hollande continue de filer la métaphore du "président normal" y compris quand il s’agit d’entamer ses vacances ». Tellement normal qu’avant son départ, un autre article du Figaro nous apprend qu’il a fait des emplettes à la FNAC (Flash-actu 3 août 2012) accompagné d’un seul garde du corps et qu’il n’a pas été immédiatement reconnu par le personnel et les clients. Cela change de « ma tronche partout » de Sarkozy ! Ensuite, « il a pris le temps de discuter et de poser pour des photos avec les curieux qui l'avaient reconnu » avant de regagner à pied sa voiture, garée une bonne centaine de mètres un peu plus bas, rue de Rennes.
Marion Brunet rappelle que « Depuis son accession à l'Élysée, François Hollande a exprimé à maintes reprises sa volonté de rester proche des Français, en donnant notamment l'image d'une présidence «sobre». Ce nouveau déplacement en train - le troisième depuis son élection - contribue à renforcer cette stratégie de communication bien huilée ». Pourquoi devrait-il se priver de cette façon de « faire savoir » dont Nicolas Sarkozy ne s’est jamais privé ? « coup de communication » et alors ?
François Hollande a donc reconnu la valeur symbolique de ce voyage. « Le TGV correspond à mes principes ». Lis-je sur le Nouvel Obs Hollande prend le TGV pour aller en vacances (2 août 2012). En politique, les symboles sont de la plus grande importance, à condition toutefois que les actes fussent en accord avec le discours. Nicolas Sarkozy qui se faisait si fort d’aimer ses « amis les ouvriers » et la « valeur travail » réussit à n’être perçu que comme « le président des riches » !
Pour François Hollande il s’agit donc d’un geste « important » à l’heure où « beaucoup de Français voudraient partir en vacances » et « ne le peuvent pas ». Et de vanter « l'un des meilleurs modes de locomotion et de voyage pour beaucoup de Français ». Il a justifié également son choix par le temps de trajet « Pour aller où je vais, il n'y avait pas plus rapide ». Ce qui selon la journaliste serait faux : « Alors que la durée d'un trajet direct Paris-Hyères en train est de 4h15, elle n'est que de 1h20 en avion. Même en comptabilisant le temps de transport jusqu'à l'aéroport, le voyage reste plus court en empruntant les airs ».
Sans doute. Mais entre perdre du temps dans la circulation - à supposer qu’il n’y pas de bouchons ! Ce qui peut très bien se produire à cette période de départs en vacances - entre Paris et l’aéroport ou préférer prendre le train dans une gare parisienne en débarquant du RER ou d’une voiture (à fortiori quand elle est conduite par un chauffeur) j’y vois plutôt la recherche d’un confort qui peut fort aisément se moquer des quatre heures de trajet. J’en ai fait souventes fois l’expérience entre la Gare de Lyon et Sète ou Agde en descendant dans l’Hérault. A condition que l’on soit pourvu de suffisamment de lecture, que voyageant en agréable compagnie la conversation soit intéressante et qu’on ait de surcroît le loisir de s’absorber dans la contemplation de splendides paysages de moyenne montagne qui varient sans cesse, les quatre heures de trajet passent à une vitesse incroyable.
Enfin, l’argument du coût des mesures de sécurité ne vaut pas tripette, n’en déplaise notamment à l’inénarrable Henri Guaino qui persiste et signe dans les sarkonneries d’usage en envoyant une volée de critiques à l’égard de Hollande prenant le train (24 mai 2012) dont la diatribe mérite que l’on s’y attardât tant ses arguments sont aussi ignobles que fallacieux.
Selon lui, prendre le train serait plus coûteux et donc il ne s’agirait pas « d’un problème d’exemplarité » - je reviendrais sur cette affirmation qui, pour être exacte en théorie ne l’est dans les faits. Guaino se pose donc en donneur de leçons de bonne pratique présidentielle. Plutôt tordant lorsque l’on sait que son modèle de référence est Nicolas Sarkozy !
Il critique donc François Hollande qui le 23 mai s’était rendu à Bruxelles en Thalys pour participer au sommet européen informel. « Quand on est président de la République, on ne choisit pas son petit confort, les solutions qui vous amusent le plus ou vous plaisent le plus. On opte pour les solutions les plus efficaces, les moins coûteuses qui correspondent aux contraintes de la fonction ».
Comme si Nicolas Sarkozy n’avait jamais fait autre chose que satisfaire son confort voire ses lubies et les solutions qui lui plaisent le plus, peu important les réalités et les contraintes normales.
D’autre part, Guaino prend sous son bonnet qu’il devait y avoir un avion d’appui à Bruxelles, car « quand le président de la République va quelque part, il y a toujours un avion de sécurité qui l’attend, au cas où... (…) Tout cela, ce n’est pas très sérieux ». Ce fut sans doute vrai du temps de Sarkozy. Deux avions de la flotte présidentielle faisant l’aller-retour Paris-Bruxelles. Et j’ai même le parfait souvenir qu’il y en eut trois une certaine fois. Je ne perdrais pas du temps à chercher l’article dans mes dossiers.
De même, que lors d’un voyage dans l’Est de la France Nicolas Sarkozy fit venir une berline de Paris - il était parti en avion comme de bien entendu - car les modèles qui auraient pu être mis à sa disposition sur place ne lui convenaient pas. La voiture en question repartit ensuite à vide, avec son chauffeur jusqu’à Paris. Si ce n’est pas là un exemple emblématique de gabegie de l’argent public j’aimerais que le sieur Guaino m’expliquât comment il faut l’interpréter.
Il n’y avait pas d’avion en soutien à Bruxelles. François Hollande est un adulte responsable qui sait prendre les initiatives qui conviennent en fonction des circonstances. Pas un petit gamin en culottes courtes qu’il faut constamment prendre par la main. Si François Hollande est revenu de Bruxelles en voiture nonobstant la durée du trajet - trois heures - c’est parce que le sommet s’est terminé tard dans la nuit et qu’il n’y avait vraisemblablement plus de Thalys desservant Paris à partir de Bruxelles.
Et quand bien même un avions l’aurait-il attendu à Bruxelles « au cas où » le choix n’aurait pas été judicieux. L’aéroport de Roissy est sans doute ouvert 24/24 heures mais je sais de source bien informée qu’à cette heure de la nuit il fonctionne au ralenti. Notamment le personnel de piste - pompiers, conducteur des engins qui remorquent les avions vers le lieu de débarquement, ceux qui sont affectés au nettoyage et à l’entretien des pistes ou amènent la passerelle de débarquement au pied de l’avion et l’y arriment, etc. - qui est certes de garde pour répondre à des urgences mais sans être pour autant en activité comme dans la journée. Faudrait-il les mobiliser pour un seul avion - et sans nulle urgence - parce que le président de la République aurait décidé de débarquer si tardivement ?
Henri Guaino d'y aller de son antienne favorite: «Un président de la République ne peut pas avoir une vie normale, ce n’est pas un citoyen comme les autres ». Quand j’ai lu cette remarque il y a quelque temps cela fit tilt dans ma tête : j’avais en effet le souvenir d’un conseiller - anonyme - de Nicolas Sarkozy disant en 2007 au moment de l’affaire de son appartement à Neuilly - il avait bénéficié de travaux et autres aménagements à prix d’ami de la part de l’entrepreneur qui avait construit l’immeuble - que « les Français comprennent bien que Nicolas Sarkozy ne peut pas avoir le même train de vie qu’eux ». Je suis aujourd’hui quasi certaine qu’il ne pouvait s’agir que de Guaino. Les Français l’ont appris - à leurs dépens - pendant le quinquennat de Sarkozy mais si bien compris qu’ils lui ont signifié son congé le 6 mai 2012. Mieux vaut tard que jamais.
Or donc, pour en terminer avec ce voyage, il est tout à fait exact - comme l’expliquait il y a un an Guillaume Pepy, président de la SNCF « qu'une réglementation vieille de 60 ans impose en cas de présence du chef de l’Etat à bord d’un train de faire garder tous les ponts du réseau ferroviaire par des gendarmes ». Il faudrait de surcroît qu’un train circulât à vide devant le convoi où voyage le chef de l’Etat.
Or, je lis sur un article de Mathias Destal François Hollande et le train, une fausse bonne idée ? (Marianne 2, le 5 août 2012) que ces mesures sont dans les faits déjà tombées en désuétude pour une raison bien simple qu’explique un cadre de la SNCF : « c’est une vieille réglementation que personne n’a jamais appliquée puisque les prédécesseurs de François Hollande ne prenaient pas le train. Et de tout façon on est prévenu par les services de l’Elysée à la dernière minute donc on ne peut rien prévoir avant qu’il monte... ». Quant à savoir si ce règlement sera remis au goût du jour « On ne s'est pas posé la question mais c'est vrai qu'aujourd'hui ça change un peu »…
Et de quoi clouer définitivement le bec à Henri Guaino, cette remarque d’une communicante de l’Elysée qui précise qu’il n’est fait « aucun commentaire concernant le dispositif de sécurité qui est confidentiel car le président veut rester discret sur le sujet »… C’est bien le moins ! Mais qui « assure que le train permet de faire des économies et que tout est prévu en cas de problème - sans pour autant qu’un hélicoptère ou un avion ne fasse le déplacement en parallèle du train dans lequel de trouve le cher de l’Etat : On a beaucoup dit ça au moment de son voyage à Bruxelles mais c’est absolument faux »… CQFD.
Si François Hollande persiste dans son intention louable de prendre le train plutôt que la voiture ou l’avion chaque fois que c’est possible - du point de vue du « bilan carbone » c’est à l’évidence la décision la plus pertinente : l’électricité dépensée est la même ou peu s’en faut quelque fût la longueur de la rame, qu’il circule à vide où avec des wagons totalement remplis - de toute façons, il est totalement libre de prendre les décisions qui lui paraissent les meilleures. La SNCF et les forces de l’ordre devant s’y adapter.
Et s’il doit voyager non plus en tant que vacancier mais président de la République, ce qui suppose que parfois il fût entouré de collaborateurs voire de journalistes s’il les invite - mais ils payent désormais leur place dans les avions donc itou dans les trains - il est évident que réserver à cet effet un wagon est une bonne solution, permettant de travailler pendant le trajet.
A suivre…
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