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Prix révélation au festival d'Angoulême 2012
L’auteur :
Gilles Rochier est né en 1968 à Ermont.
« J'ai commencé à dessiner dès que j'ai pu tenir un crayon et
je ne l'ai jamais lâché. À la maternelle, ma mère a été convoquée par un pédopsychiatre très inquiet par le fait que je pousse le détail sur mes dessins (quand je dessinais un personnage je
faisais toujours les coutures sur ses vêtements).
Elle claque la porte du bureau et fonce m'acheter des feutres et des crayons de couleurs. je n'ai jamais pris de cours de dessin ni fait d'école, trop fainéant, trop branleur.
Je découvre la bande dessinée avec Métal hurlant, c'est décidé je veux faire ça comme métier,
faire de la bande dessinée. N'ayant aucune volonté à l'époque pour me lancer sur un projet de livre, je laisse tomber facilement, alors j'attaque la peinture, mais sur les murs et la nuit.
J'arrête juste à temps. J'enchaîne sur la toile pendant deux ans, tout seul dans mon coin.
Puis je découvre le monde du fanzine. Le fait de faire de la bande dessinée, sans avoir besoin des gros éditeurs me ravit,Envrac naît en septembre 1996,
j'y raconte des histoires qui me sont arrivées dans mon quartier en faisant intervenir quelquefois des amis sans tomber dans les clichés classiques de la banlieue. J'essaye de parler juste, mais
déjà je sais pertinemment que les histoires que je raconte sont très très loin de ce qui se passe réellement dans les banlieues de nos jours. »
Son blog http://envraccity.wordpress.com/
L’histoire :
"On était une bande, égaré dans un quartier flambant neuf au début des années 70. Des terrains vagues, des bois, les routes pas encore finies d’être goudronnées. On faisait nos 400 coups. Il y avait les “plus grands” qui nous pourchassaient en mobylettes, pour nous en faire baver dans la forêt. On se chamaillait aussi avec les gamins des cités voisines. On se passait entre nous une compil K7 qu’on écoutait en boucle sur un gros poste. Il y avait des lieux qui avaient une aura de mystère, comme ce trou d’eau noire, dont on disait qu’il avait été formé par un avion venu se crasher. Il y avait aussi cet arrêt de bus qui nous terrifiait : la journée c’était notre point de départ vers le monde, vers Paris, mais le soir, surtout les derniers jours du mois, aucun d’entre nous n’y aurait jamais mis les pieds. La misère pousse à bien des extrémités et la rumeur voulait que pour boucler les fins de mois trop courtes, certaines femmes de la cité y passaient le soir... “Ta mère la pute”, faut pas croire, c’est pas sorti de nulle part comme expression.
Et puis il y a eu cette histoire avec la K7... et là, ça s’est mal passé."
Ce que j’ai aimé :
Cet album nous offre une vision tendre et crue de la banlieue, en montrant les mécanismes de la violence et de l'exclusion subtilement, par touches, sans avoir l’air d’y toucher, en évoquant ces cordes invisibles qui mènent au pire sans qu’on l’ait vraiment voulu. Ici, pas de pathos, pas de violence gratuite, tout est fondu dans le dessin en sépia.
Gilles Rochier a choisi de placer son récit au tout début des cités, quand l'optimisme était encore présent, quand ces lieux n'étaient pas encore des ghettos. Le regard neuf, innocent est respecteux pour ce monde en devenir...
Il nous montre une forme de bonheur :
« Malgré tout ça, on vivait heureux pas riches pas beaux mais heureux. On fonctionnait et avançait avec des compromis on se démerdait en fait. »
Mais il s'agit dun bonheur qui peut basculer très facilement dans l'horreur, à cause d'un mot, d'un geste, d'un rien qui implose et détruit d'un souffle des vies linéaires. Car si la violence balbutie encore dans ces lieux utopiques, elle est pourtant sous-jacente, attendant son heure au fond des cours, affûtant ses armes en faisant les yeux doux à la misère sociale.
Entre enfance et adolescence, les personnages flirtent avec le danger et comprennent vite que tout ne finit pas avec des chansons. La simplicité du récit est là pour nous rappeler que le passage à l'âge adulte est souvent cruel...
Ce que j’ai moins aimé :
A mes yeux, cette bande dessinée était trop courte, pas assez scénarisée, je l'ai lu en quinze minutes…
De plus, je n'ai pas vraiment accroché aux dessins, question de goût sans doute...
D’autres avis :
Pénélope Bagieu
TMLP, Ta mère la pute, Gilles Rochier, 6 pieds sous terre éditions, 2011, 16 euros