-A l'aéroport JFK, le peu aimable officier d'immigration scrute mon passeport en me lançant un regard inquisiteur et en désignant l'écran qui me fait face où je suis censée poser le pouce et l' index. On est à 9 jours du memorial 09/11, les officiers et les policiers sont à cran et cela se remarque dans leur comportement. Et pour cause...
-Partout, on fait la file, devant les endroits célèbres à visiter et à Battery Park où, sous un soleil de plomb, on attend que nos sacs soient fouillés avant d'embarquer sur le ferry à destination de la Statue de la Liberté et d'Ellis Island. Quand le bateau quitte l'embarcadère, les touristes sont tellement fascinés par le spectacle de la pointe de Manhattan qui s'éloigne qu'ils ne remarquent pas la vedette du Police NY Department qui nous escorte ni les 3 hélicoptères qui survolent la zone sans interruption, ni l'impressionnant navire de guerre américain qui a jeté l'ancre. Nous sommes le 9 septembre, à 2 jours du 10ème anniversaire du 11 septembre 2001. On ne peut s'empêcher de penser: -Et s'ils recommençaient?
Devant les restaurants aussi, on attend que quelqu'un nous propose une table. Je suis stupéfaite par la docilité des touristes qui avancent, comme des moutons, dans le calme et la soumission.
-A 8h du matin, je descend les 56 marches de l'immeuble dans lequel je loge pour traverser Columbus Avenue et m'acheter un small organic coffee à la Magnolia Bakery qui se trouve en face, au coin de la 69ème rue. Je souris lorsque, en fond musical, Jimmy Hendrickx entonne "Hey Joe".
-A Ellis Island, je longe le mur en arc de cercle où les noms des immigrants, débarqués sur l'île entre 1894 et 1924, y sont gravés. Je verse une larme quand je lis mon patronyme.
-Un lundi soir, au Carlyle Café, je rate Woody Allen et sa clarinette.
-Au bout de la 72ème rue côté Central Park, se dresse le Dakota building que les touristes photographient non pas pour la beauté de l'immeuble mais pour en conserver un souvenir morbide: John Lennon y habitait jusqu'à ce qu'il fut assasiné à quelques pas de la grille d'entrée.
-Sur le site de Ground Zero, je mesure réellement l'ampleur du désastre et réalise que ce trou béant a été, pendant dix ans, la sépulture de centaines de victimes qui n'ont pu être identifiées et qu'avant la construction du Memorial, cet endroit fut le seul sur lequel les familles ont pu se recueillir.
-A quelques mètres du Dakota, une meute de chiens attend sagement celle qui les promène tous les matins et qui récupère un congénère, dans l'immeuble d'en face, qu'elle ajoutera aux autres. Je m'attarde et le portier sourit en me lançant: "Good business!" Une réflexion me vient à l'esprit, j'ai raté ma vocation, j'aurais dû être dog's walker à New York. Je suis admirative de la manière dont les New Yorkais s'occupent de leurs chiens. Sac de plastique à la main pour ramasser les crottes, les maîtres à n'en pas douter savent que l'acquisition d'un chien implique des responsabilités et des contraintes.
-Dimanche matin, je remonte jusqu'à Harlem pour assister à une messe Gospel. A la First Corinthian Baptist Church comme ailleurs, les touristes sont parqués dans les balcons à l'étage afin qu'ils ne perturbent pas l'office comme ce type buté qui continue à agiter son Nikon alors qu'à plusieurs reprises, on nous a demandé de ranger le nôtre. L'éloquence du Pasteur n'est pas à démontrer et il semble évident qu'à la fin de son discours, un athée convaincu sera transformé en pieux croyant. Durant les chants, une grande émotion se dégage à laquelle au moins 10% de touristes n'est pas insensible. Ensuite brunch chez teppanis et visite du Harlem Museum où je découvre des artistes noirs peu connus mais très talentueux. Dans les rues, je me sens plus blanche que si j'avais été lavée avec bonux. Un peu trop blanche, peut-être....Michael, artiste de rue à Soho, sera le seul afro-américain qui m'autorisera à le photographier.
-J'arpente les rues et les quartiers à la manière d'un automate, je suis fatiguée et je cherche désespérément un sandwich "normal". Malgré mes quadrillages quotidiens, je n'en trouve pas un seul qui soit à ma taille. J'en ai marre des burgers sauf chez Bill's au Rockefeller Center, des parts de pizza mangées à la hâte. Certains soirs, je me réfugie chez Cassis, un restaurant français, à deux pas de l'appartement et je déguste une sole meunière sur un tapis de haricots verts. Je revis lorsque je bois une gorgée de Pinot noir (le vin le moins cher) à 15$. Quand on aime, on ne compte pas!
-Les New Yorkais sont obsédés par leur santé. Ils jogguent sous un soleil de plomb, dans une chaleur étouffante, casque sur les oreilles et Iphone dans une brassière. Ils font plusieurs fois le tour du réservoir Jacqueline Onassis Kennedy.
-La circulation est tellement dense que la concentration de CO2 qui se dégage dans l'air atteint des somments mais New York déteste la fumée de cigarette. Je suis parvenue à en griller quelques-unes discrètement mais c'était vraiment le parcours du combattant. Il faut ajouter qu'un paquet se paie plus cher qu'une robe en solde chez Forever 21. Seuls les habitants de Chinatown, certains touristes, quelques traders stressés dans le Financial district et quelques employés de bureau sur la Fifth Avenue se permettent encore cette habitude désormais dépassée dans la Grosse Pomme. Pas pour tout le monde, apparemment...
-Dans le Meatpacking district, des marchands ambulants vendent des milkshakes sous une enseigne célèbre. Lors de la Fashion night, je croise un nombre impressionnant d'anorexiques sur un périmètre restreint.
-Au Met (Metropolitan Museum of Art), je suis émerveillée par ses collections d'une qualité irréprochable et je me demande comment il est possible d'en réunir autant sous un même toit d'où on a une vue panoramique sur Central Park.
-La légende veut que New York ne soit pas une ville sûre or dans le métro, toutes et tous tripotent leur Iphone, Ipad et Blackberry sans que cela ne provoque des agressions ou des tentatives de vol.
-Dans une rue de Soho, je repère une oeuvre de l'artiste contemporain Banksy.
-Et quelque part sur Broadway, l'épine dorsale de Manhattan, rien que pour le plaisir des yeux, je pousse la porte de l'épicerie fine Dean § Deluca.
-Devant le magasin Abercrombie, on fait la file (encore) avant d'entrer dans le temple du casual chic (ce n'est pas moi qui le dit). Devant la grande porte ouverte, gardée par deux portiers gros calibre, je découvre un homme objet, beau comme un dieu, qui est là pour se faire photographier avec les client(e)s qui le désirent. Je me pince pour être certaine que je ne rêve pas. Oui, je suis à New York.
-Les écureuils de Central Park me manquent mais il a bien fallu rentrer....