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Vive la concurrence, y compris fiscale !

Publié le 20 août 2012 par Copeau @Contrepoints

La concurrence fiscale est une limite naturelle à l’oppression dans nos démocraties sociales. Toutefois, englués dans des déficits structurels, les États comptent sur l’établissement de véritables cartels de démocraties sociales et sur les menaces de représailles pour limiter la concurrence fiscale.
Par Florent Bélon.

Vive la concurrence, y compris fiscale !La concurrence

La concurrence est la situation où plusieurs acteurs distincts proposent des prestations répondant à un même besoin exprimé par un ensemble de consommateurs. Chacun des acteurs de l’offre ambitionne de faire porter le choix du consommateur sur ses produits. Ainsi, chacun tente d’offrir des produits répondant au mieux en termes de prix et de prestations aux attentes des consommateurs. Cet aiguillon de la concurrence peut se voir amoindri par des ententes entre acteurs, des barrières naturelles ou règlementaires à l’entrée de nouveaux acteurs.

Les bienfaits de la concurrence sont expérimentés par l’ensemble des consommateurs. Certains ne reconnaissent pas ces bienfaits, pour des raisons idéologiques mais souvent en raison d’intérêts bien compris. Bastiat dénonçait déjà ces partisans de la pénurie qui s’opposaient au libre-échange et donc à la concurrence dans Sophismes économiques - « Abondance - disette ». L’absence de concurrence significative permet l’établissement d’une rente. Mais il faut être de mauvaise foi ou avoir la foi protectionniste profondément ancrée pour nier les avantages dont on bénéficie quotidiennement du fait de la concurrence. La société contemporaine est une société de spécialisation des acteurs économiques, donc d’échange. Cet échange se réalise à une échelle mondiale ce qui permet une offre abondante et multiple comme jamais. L’innovation et les baisses de prix réels peuvent être constatées dans l’ensemble des domaines libres où la concurrence peut s’épanouir et s’exprimer.

Il est bien entendu à relever qu’en tant que libéral, cette saine concurrence comporte comme hypothèse que les producteurs n’enfreignent pas les libertés individuelles (main d’œuvre esclave au sens propre du terme, vol…).

À titre d’exemple, client d’un opérateur télécom historique, quelques jours après le lancement d’un opérateur alternatif début 2012 sur le marché de la téléphonie mobile, mon opérateur me proposa, sans aucune démarche de ma part, une offre avec des prestations notablement supérieures à un prix en baisse. Grâce à une forte fluidité du marché, permise notamment par Internet et un marché de masse, l’entrée d’un nouvel acteur agressif de taille et sur un marché à la concurrence relative, la population a pu constater un lien de cause à effet évident de par l’impact et la rapidité de ce dernier.

La concurrence fiscale

Dans certains domaines, les effets de la concurrence sont plus limités et plus diffus. La conséquence est que la population ne peut pas en faire l’expérience consciente avec autant d’évidence. C’est notamment le cas lorsque sur un territoire donné un monopole est établi. Ainsi, l’État dispose d’un monopole en matière fiscale et la concurrence ne peut se faire que de façon limitée en son sein lorsqu’il délègue une partie de son monopole fiscal à des collectivités locales disposant d’une marge de manœuvre dans la détermination de la pression fiscale.

La concurrence fiscale ne s’exerce pas directement sur le marché concerné, comme la menace d’un nouvel entrant, car l’État est souverain sur ce territoire qui ne peut lui être contesté hors violence. Néanmoins, dans les États occidentaux une certaine liberté de circulation des individus et des capitaux existe. Si les États ont tendance à adopter des mesures entravant la sortie des facteurs de production, ils ne peuvent s’affranchir totalement du risque d’une déperdition importante vers des territoires offrant un environnement plus favorable. À l’image des gaz ou des fluides, lorsque la pression en un espace est plus forte que dans un autre relié au premier, ils migrent vers l’espace où la pression est la moins élevée jusqu’à l’équilibre des pressions dans les deux espaces.

L’information relative est de plus en plus disponible, relayée par des États faisant connaître leur offre (par exemple des campagnes de communication presque grand public de la Macédoine ou de l’Île Maurice ont été réalisées ces dernières années mettant en avant les faibles taux d’imposition de ces pays), ou des indicateurs indépendants (doing business de la Banque Mondiale ou l’Index of economic freedom de la fondation Heritage dont les classements comportent plusieurs paramètres dont celui de la fiscalité). Surtout, les moyens de transport et de communication facilitent grandement les transferts d’activité économique d’un territoire à un autre.

En droit, sauf dispositions explicites et respectées de la Constitution, les prélèvements n’ont pas véritablement de limites. Or notre constitution, qui par essence doit défendre nos libertés individuelles dont le droit de propriété, est régulièrement dénaturée au nom du diffus et commode « intérêt général », devenu le sésame à tous les oukases de l’État. Ces dernières semaines, le Conseil constitutionnel vient de valider la contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de 2012 bien que pouvant être confiscatoire en raison de l’absence de tout plafonnement par les revenus au motif qu’elle est temporaire !

Mais dans les faits, les limites naturelles à l’oppression dans nos « démocraties sociales » sont, outre la baisse de l’activité et la hausse de la fraude, la fuite vers des territoires plus respectueux, c’est-à-dire un « vote avec les pieds ». Le fait que d’autres États offrent des alternatives avantageuses et crédibles constitue un frein essentiel aux abus fiscaux.

Par conséquent, à l’image de mon expérience « Free », il n’est pas besoin de s’exiler (de changer d’opérateur) pour bénéficier de la concurrence fiscale car cette dernière pousse à une certaine modération des prélèvements. L’adoucissement de la fiscalité en matière de transmission d’entreprise (à titre gratuit dispositif dit « Dutreil » articles 787 B et C du Code général des impôts réduisant le coût d’une donation ou d’une succession à quelques pourcents au lieu de plusieurs dizaines ou les ventes en cas de départ en retraite articles 151 septies A et 150-0D ter du Code général des impôts exonérant d’impôt sur le revenu les plus-values) ou de fiscalité de groupe (niche dite « Copé » article 219, I-a quinquies du même code permettant d’imposer seulement 10% de la plus-value de cession d’une filiale), grâce à des États comme la Belgique, le Luxembourg ou les Pays-Bas en est une bonne illustration. Plus récemment, on relèvera les valses hésitations du gouvernement dans la mise en place de la tranche d’impôt sur le revenu à 75% « qui n’a pas vocation à rapporter au Trésor Public » et qui doit être circonscrite à certains revenus selon Jérôme Cahuzac, Ministre du Budget et ancien chirurgien plastique dont l’expérience sera utile afin de cacher la misère quelques mois encore.

Cartels et représailles

La concurrence fiscale décrite plus haut ne permet cependant pas de contenir la hausse globale des prélèvements. Les États englués dans leurs déficits structurels ont choisi la hausse de la fiscalité, moyen rapide et simple, plutôt que de rationaliser les structures et dépenses.

Ils comptent notamment sur l’établissement de véritables cartels de démocraties sociales et sur les menaces de représailles pour limiter la concurrence fiscale. En interne, des dispositifs entravant la délocalisation sont mis en place. L’exit tax a été réinstaurée à compter de mars 2011 afin d’entraver la délocalisation des personnes physiques ayant des patrimoines significatifs constitués d’entreprises. Les transferts des bénéfices entre sociétés d’un même groupe vers celles imposées dans les pays à fiscalité avantageuse font l’objet de plus en plus d’encadrement (par exemple l’article 14 de la Seconde loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012). Les sanctions du défaut de déclaration annuelle de comptes et contrats d’assurance-vie souscrits auprès d’établissements étrangers ont également fait l’objet d’un durcissement introduit par la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011.

De façon concertée, les pays dont la fiscalité est élevée multiplient les conventions d’échanges d’informations et mettent la pression sur les « paradis fiscaux ». Ce fut l’épisode des fameuses listes des paradis fiscaux établies par l’OCDE, dont la noire. Dans les faits, si les échanges entre démocraties sociales peuvent être efficaces, les pays à fiscalité privilégiée ne respectent que la lettre et non l’esprit de ces conventions. Mais les démocraties sociales obtiennent néanmoins des avancées.

La Suisse et plusieurs pays appartenant à l’Union européenne (Allemagne et Royaume-Uni notamment) ont signé des conventions fiscales, dénommées « Rubik » prévoyant notamment en échange d’un maintien du secret bancaire suisse, la mise en place d’un prélèvement forfaitaire libératoire à un taux d’un peu plus de 26% sur les produits des comptes non déclarés par les titulaires dans leur État de résidence fiscale. La France, refusant de transiger, devrait refuser de passer de tels accords, sans doute au prix d’un manque à gagner significatif.

Les États-Unis ont la caractéristique de soumettre à des obligations fiscales leurs nationaux expatriés, non seulement sur les revenus de source US comme les autres pays, mais également sur leurs revenus non US. Cette caractéristique a enthousiasmé de nombreux politiques français lors de la dernière présidentielle. Dommage que la flat tax, elle aussi d’origine étrangère, ne suscite pas le même engouement. Devant les difficultés pour faire appliquer sa législation, fut voté en mars 2010 le FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act). Ceci doit permettre aux États-Unis d'obtenir que soient imposés tous les comptes détenus à l'étranger par les personnes soumises à l'impôt aux États-Unis. Le FATCA exige en principe que les établissements financiers étrangers concluent un accord FATCA avec les autorités fiscales américaines, l’Internal Revenue Service (IRS), obligeant ces établissements à transmettre des informations concernant les comptes détenus par les personnes assujetties à l'impôt US ou ayant potentiellement des obligations fiscales aux États-Unis. Pour effectuer une telle transmission, l'établissement financier doit obtenir l'accord du client concerné. Un client ne donnant pas son accord est réputé non disposé à coopérer. En pareil cas, l'établissement financier doit procéder à une retenue fiscale égale à 30% du montant de tous les paiements en provenance des États-Unis. Plusieurs modèles de conventions viennent d’être adoptés entre Les USA et d’autres grands pays de l’OCDE.

Culpabilisation

Le bâton paraît jusqu’ici peu efficace, et seul, pourrait apparaitre comme illégitime et brutal, ce qui fut longtemps l’opinion générale au sujet de l’impôt, dont le collecteur était appelé l’« imposteur ». C’est ici que la culpabilisation du contribuable et la manipulation de l’opinion joue un rôle crucial.

Tout d’abord, l’opinion n’a pas conscience des bienfaits de la concurrence fiscale, et ceci pour plusieurs raisons. La première est que l’effet de cette concurrence n’est pas aussi facilement appréhendable que celui de la concurrence commerciale. Nous l’avons vu précédemment, il est indirect. En outre, la concurrence fiscale se concentre sur les contribuables les plus mobiles (cadres internationaux, sportifs individuels, entreprises internationales, frontaliers…). Les plus immobiles que sont l’immobilier, l’exploitation de matières premières ou d’infrastructures sont les plus soumis à la pression fiscale. Ensuite, l’État est peu réactif ; quand il réagit à une hémorragie fiscale de masse cela sera après de nombreuses statistiques, rapports et souvent un changement de l’exécutif. Il peut d’ailleurs se permettre cette latence compte tenu de la grande part du financement assuré par les contribuables captifs.

Mais il s’agit surtout de culpabiliser le potentiel exilé fiscal, certes en s’appuyant sur le devoir de reconnaissance comme l’a encore récemment fait Obama avec son « You didn’t do it alone », mais surtout en s’appuyant sur le ressentiment des captifs que l’État cultive avec le discours selon lequel la charge de l’impôt reposerait sur ceux restants. Mais ceci n’est pas exact compte tenu de la nature de l’État. Ce dernier ne fixe pas un montant de dépenses, limité à certains domaines relevant plus ou moins objectivement de sa fonction naturelle de protecteur des droits individuels et naturels et dans leur montant à un optimum coût/prestations subjectif. Non, il a une tendance ontologique alimentée par les politiques socialistes ou plus largement dirigistes, hauts fonctionnaires, lobbys, et autres groupes d’intérêts à élargir son domaine d’intervention et son ampleur. C’est ce constat qu’avait repris Ronald Reagan lorsqu’il déclarait qu’il était nécessaire de diminuer les recettes de l’État pour faire diminuer les dépenses car l’État ne diminuerait jamais ses dépenses de lui-même. Cette théorie a pour nom évocateur « starving the beast » (affamer la bête). Par conséquent l’État engage des dépenses aussi élevées que ses ressources fiscales et d’emprunt lui permettent. Tout surplus d’impôt sera consommé en dépenses supplémentaires, comme le montre l’augmentation continue des dépenses publiques tant en valeur qu’en pourcentage du PIB.

D’ailleurs, les expatriés fiscaux sont conscients de cette réalité. Souvent patriotes, ils seraient prêts à un effort, mais à condition qu’il soit accompagné d’un même effort de l’État pour adopter une gestion crédible et efficace. Ils savent également d’expérience que les hausses de prélèvements sont à « effet cliquet » : dites exceptionnelles, elles s’installent durablement. Ces efforts sans cesse renouvelés et déjà si importants paraissent alors vains et surtout très mal récompensés quand on songe à la haine proférée pendant la dernière présidentielle à l’encontre des « riches », et qui est toujours d’actualité.

Certains en viennent, à l’image des adeptes de John Galt dans le roman La grève d’Ayn Rand, à penser que supporter ces nouveaux fardeaux sous le joug de cette culpabilité factice ne feraient que cautionner ce système, s’en rendre complice, le justifier, alors qu’il conviendrait de le laisser s’échouer sur ses incohérences, son déni de réalité, et espérons le reconstruire sur des bases renouvelées et saines.

Mais les démocraties sociales européennes ne se résigneront pas. Elles tentent de limiter les contraintes extérieures avec les outils vus plus haut, mais également en instrumentalisant l’Europe. Elle doit pour eux se transformer en un ensemble « too big too fail », dont la taille critique leur permettrait miraculeusement d’échapper aux contraintes extérieures, voire de mettre en place une FATCA européenne. Cette vision ne ferait que retarder et aggraver le naufrage et transformer une Europe qui a brillé lorsqu’elle promouvait les libertés individuelles en Radeau de la Méduse collectiviste. Les incantations à l’harmonisation fiscale [1], on le devine en s’alignant sur la plus lourde fiscalité, en sont les prières. Que ceux qui les prononcent en soient conscients. Il ne s’agit pas d’un appel à la saine émulation des acteurs d’un espace commun mais à la mise en place d’un glacis social-démocrate agonisant.

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Note :

  1. On ne doit pas confondre harmonisation fiscale et harmonisation de l’assiette fiscale de l’impôt sur les sociétés ; ce dernier facilite au contraire les comparaisons internationales car la pression fiscale devient mesurable en retenant uniquement le taux d’imposition.

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