« Les juifs prennent l’humour très au sérieux »
Philippe Haddad, rabbin aux Ulis (91).Si, dans l’Ancien Testament, le mot humour n’existe pas tel quel, il y a déjà la notion de rire. Rien que le nom d’Isaac, un des trois patriarches d’Israël, signifie “celui qui rira”. Avec la naissance d’Isaac, c’est le rire qui naît. Pourtant, Isaac est sérieux, il est prêt à donner sa vie pour Dieu, à se laisser ligoter pour être sacrifié. Dans la tradition juive, on interprète ce paradoxe d’un personnage nommé “il rira” et qui pousse l’intransigeance jusqu’à être prêt à donner sa vie pour Dieu en disant que le rire serait l’antidote du sacrifice de l’homme au nom de Dieu... et, donc, l’antidote du fanatisme religieux.
Dans le Talmud, on raconte qu’un rabbin, au début du IIe siècle, discutait avec d’autres rabbins de la pureté d’un four. Lui disait qu’il était pur, et les autres affirmaient le contraire. Il dit : “Si j’ai raison, que le caroubier qui se trouve dans le jardin se déplace !” Et il se déplaça. Mais les autres restaient stoïques et ils répondirent : “On n’apporte pas des preuves des caroubiers qui se déplacent.” Il détourna un fleuve, fit des miracles et finit par demander à Dieu qui avait raison. Mais Dieu lui donna tort. Alors, il le fit taire en disant : “Tu nous as donné la Torah, c’est donc à nous d’établir le règlement.” Plus tard, un autre rabbin rencontra le prophète Élie et lui demanda comment réagit Dieu dans les cieux. Élie répondit : “Dieu a ri en disant que ses enfants l’ont vaincu.” Quand les sages discutent, quand il y a de l’intelligence, Dieu rit.
C’est une manière de dire que l’humour doit désamorcer le fanatisme ou l’idolâtrie. Il est l’espace nécessaire entre Dieu et l’homme. Ainsi, comme le demande le Talmud, les rabbins commencent presque toujours leur discours à la synagogue par une histoire juive. Les juifs prennent l’humour très au sérieux. »
« Sarah, tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom de Varsovie ?
– Oui, oui, mon chéri, j’étais avec toi.
– Tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom à Kiev ?
– Oui, oui, j’étais avec toi.
– Et quand il y a eu le pogrom de Lodz ?
– Ah mais tu sais mon chéri, je suis toujours avec toi !
– Sarah, Sarah, je crois que tu me portes la poisse ! »
Source : La Vie