Lalique une histoire familale

Publié le 21 août 2012 par Elisabeth1

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Augustine-Alice née Ledru et René Lalique

“René Lalique a eu le don de faire passer sur le monde un frisson
de beauté.”
Henri Clouzot

LALIQUE, UNE HISTOIRE FAMILIALE
René Lalique (1860-1945)
Né en 1860 à Aÿ en Champagne et décédé en 1945 à Paris, René Lalique a vécu deux
vies d’artiste successives, s’élevant chaque fois parmi les protagonistes majeurs qui
marquèrent de leur personnalité l’Art nouveau puis l’Art Déco, aux styles diamétralement
opposés.

Joaillier exceptionnel et grand maître du verre, René Lalique compte parmi
les grands créateurs de l’Art nouveau et de l’Art Déco.
Depuis 90 ans, les créations Lalique sont produites à Wingen-sur-Moder,
en Alsace. C’est dans cette région de tradition verrière qu’ouvre le Musée
Lalique, un lieu de mémoire à la hauteur du génie et du rayonnement de
l’artiste et de ses successeurs.
Unique en Europe et ancré dans son histoire, ce nouveau musée, labellisé
Musée de France, propose plus de 650 pièces exposées sur 900m² dans
une scénographie résolument moderne imaginée par Ducks Sceno et
l’Agence Wilmotte, cette dernière signant également l’aménagement du site.
Dessins, bijoux, flacons, arts de la table, luminaires, vases, cristal autant de
facettes de la création Lalique à découvrir.
“Je travaillais sans relâche (…) avec la volonté
d’arriver à un résultat nouveau et de créer quelque chose
qu’on n’aurait pas encore vu.” René Lalique 

L’inventeur du bijou moderne


Puisant son inspiration dans la nature et ayant l’audace d’utiliser le corps féminin comme
élément d’ornementation, René Lalique apporte à la joaillerie des renouveaux imprévus.
Il n’hésite pas à associer à l’or et aux pierres précieuses des matières jusque là peu utilisées et peu considérées, telles que la corne, l’ivoire, les pierres semi-précieuses, l’émail et bien entendu le verre. A ses yeux, mieux vaut la recherche du beau que l’affichage du luxe...
L’esprit reprend le pas sur la matière.

Musée Lalique Statuette Suzanne

À ses débuts, les bijoux avant-gardistes de René Lalique plaisent principalement à une élite intellectuelle et artistique, éloignée des conventions, capable d’apprécier la beauté d’un objet malgré la relative pauvreté des matériaux utilisés. Entre 1891 et 1894, la grande
comédienne Sarah Bernhardt lui achète diadèmes, colliers, ceintures et autres accessoires de scène aux dimensions spectaculaires, conçus en fonction de ses rôles. Ainsi assure-t-elle à la fois la gloire et la notoriété à René Lalique. Autre personnage déterminant dans la carrière de l’artiste : Calouste Sarkis Gulbenkian.
Financier, magnat du pétrole, c’est aussi un collectionneur averti. Entre 1899 et 1920, il
acquiert quelques cent cinquante bijoux et objets d’art, oeuvres exceptionnelles que l’on
peut aujourd’hui admirer à la Fondation qui porte son nom à Lisbonne.
Révélé au grand public à l’occasion du Salon de 1895, présenté trois ans plus tard par
Emile Gallé comme l’inventeur du bijou moderne, René Lalique connaît un triomphe sans égal à l’Exposition universelle de 1900. Son stand fait sensation, ses oeuvres novatrices sont unanimement admirées et le voilà promu Officier de la Légion d’honneur. Dès lors, il reçoit des commandes du monde entier, est invité à toutes les manifestations artistiques majeures se déroulant en Europe et aux États-Unis... Qui dit succès, dit également tentatives d’imitation.
Lalique est loin d’en être flatté. Inventeur qui ne veut suivre personne, il déteste être suivi.
Las d’être plagié, il va progressivement se tourner vers d’autres horizons. Le verre l’attire
depuis quelque temps déjà. Une nouvelle carrière se profile…

Peigne, Paysage Soleil Couchant

L’attrait magique du verre
Les premières expérimentations de René Lalique dans le domaine du verre remontent aux
années 1890. Les procédés de fabrication des bijoux le familiarisent avec les matières
vitrifiables, et c’est sans doute grâce à l’émail qu’il découvre le verre. Le gravant et le
sertissant, il l’utilise progressivement pour remplacer les gemmes. Translucide et transparent comme elles, il a l’avantage de pouvoir être conçu et fabriqué en fonction du projet final.
René Lalique crée également de petits objets, vases et sculptures, selon la technique de la
cire perdue. Un peu plus tard, il expérimente la technique du soufflage dans un moule,
mais un moule précieux, en argent ciselé, restant solidaire du verre qu’il enserre pour devenir monture.
Sa rencontre avec François Coty, l’amenant non seulement à créer mais aussi à produire des flacons de parfum, lui ouvre de nouveaux horizons. Une véritable révolution technologique et commerciale s’opère, qui n’aurait pu aboutir sans l’habileté et l’inspiration de l’artiste.

René Lalique Bracelet Epis de blé

Bien que fabriquées en série, ces créations sont incontestablement des oeuvres d’art.
Une manière de perpétuer la philosophie de l’Art nouveau qui voulait réconcilier Art et
indus trie. Peu à peu, René Lalique diversifie ses productions. En 1912, maîtrisant parfaitement les techniques, il décide de se consacrer de façon exclusive au verre. Il organise alors sa dernière exposition de bijoux et le grand public le découvre maître-verrier.

Bijoutier d’avant-garde, René Lalique, en devenant verrier, se démarque également de ses
prédécesseurs. Il délaisse le verre multicouche aux couleurs variées au profit de la limpidité et de la transparence, qualités naturelles du verre. Au niveau des formes aussi, il affirme sa différence. Léon Rosenthal la résume ainsi : simplicité, pondération, symétrie. Il en use avec une parfaite liberté, selon ses tendances qui sont d’élégance plus que de force, avec un besoin perpétuel d’invention. Il ne recule ni devant l’audace, ni devant la fantaisie, mais ses écarts sont toujours mesurés.
Créateur éclectique, René Lalique ne s’intéresse pas uniquement aux Arts de la Table, aux
vases et aux statuettes. Il signe également des bouchons de radiateur pour les luxueuses
automobiles des années folles, la décoration de trains, tel l’Orient-Express, de paquebots,
parmi lesquels le Normandie, imagine des fontaines exceptionnelles, s’intéresse à l’architecture religieuse…
Aux sources de l’inspiration de René Lalique
La Femme, la Flore, la Faune : les 3 F qui ont inspiré Lalique.
Observateur attentif des Êtres et des Choses, René Lalique a trouvé dans la nature une inspiratrice féconde. Il l’a disséquée et examinée, épiant ses lignes, ses formes et ses structures particulières, y cherchant et y trouvant l’étincelle de la vie. Il a scruté les plantes et les fleurs, étudié la vie aquatique, observé les reptiles et les oiseaux et a été fasciné par les insectes. Mais il n’a pas seulement interrogé le sol et le ciel, les plantes et les arbres, la créature humaine, le visage et le corps féminin ont également instillé en lui un souffle créateur.

René Lalique série de flacons

Son génie provient de sa capacité à adapter et à composer. Il ne copie pas la nature, il
ne stylise pas les différents éléments, il crée en transformant. Des créations que font vivre
la magie de la matière. Si René Lalique met toute sa sensibilité dans son interprétation,
celle-ci se nourrit également des grands mouvements artistiques.
En 1900, l’écrivain Pol Neveux soulignait en effet que les chefs d’oeuvres des Égyptiens,
des Italo-Grecs n’ont jamais été considérés d’un oeil plus pénétrant que le sien et l’art des
Byzantins, des Florentins et des Japonais ne fut plus jalousement étudié que par lui.

L’ESPRIT ART DÉCO
Lorsqu’il s’oriente vers le verre, il dessine des lignes épurées et l’ornement, souvent géométrisé, se décline dans des rythmes nouveaux, à des cadences syncopées, associées à ces années folles lancées dans la vitesse. Mais il sait aussi, au besoin, les adoucir de sculptures de végétaux, d’animaux ou de femmes de conception très naturaliste. Ainsi, au fil du temps, René Lalique a-t-il non seulement eu le courage, mais aussi le talent, d’adapter son inspiration aux nouvelles tendances sans pour autant se départir de sa personnalité.
Lalique et le marché de l’art
Les amateurs d’oeuvres d’art signées René Lalique, que ce soit pour des bijoux, des dessins
ou des pièces en verre, se retrouvent notamment pour deux grandes ventes annuelles orchestrées par Christie’s à Londres. Parallèlement, d’autres ventes sont organisées à Paris, à l’hôtel Drouot, ou à l’étranger, aux États-Unis ou en Asie.
UNE VENTE HISTORIQUE
La dispersion de la collection de Marie-Claude Lalique fin 2005 a permis au musée de
faire l’acquisition de plusieurs pièces telles que les dessins pour une broche Scarabée, un
pendentif Femme-libellule, ailes ouvertes et un pectoral égyptien Hanneton ailes ouvertes.
Les vases Deux grondins et Lézards et bluets ont également rejoint les collections du musée à cette occasion.

Musée Lalique vase 2 poissons grondins v 1910

Suzanne Lalique-Haviland, décoratrice d’exception
"Suzanne Lalique-Haviland, le décor réinventé " jusqu’au 11 novembre 2012
au musée Lalique

Suzanne Lalique (1892-1989) est la fille de René Lalique, artiste de génie qui a marqué l’Art nouveau avec ses bijoux et l’Art Déco avec ses créations verrières, et d’Augustine Alice Ledru, elle-même fille du sculpteur Auguste Ledru, ami de Rodin. Après le décès précoce de sa mère en 1909, son père l’incite à exprimer ses talents de dessinatrice. Il la sollicite régulièrement pour sa créativité et son jugement. La période est féconde : Suzanne conçoit flacons et boîtes à poudre pour la Maison Lalique, crée pour la manufacture de Sèvres, que ce soit seule ou en collaboration avec son père. En 1913, elle expose pour la première fois au Salon des artistes décorateurs des aquarelles, modèles pour impressions sur étoffes.
Prise en affection par Louise et Eugène Morand, futur directeur de l’Ecole nationale des Arts décoratifs, elle évolue dans un cadre quasi-familial aux côtés de Paul Morand et Jean Giraudoux. Eugène Morand l’initie à la peinture à l’huile. Giraudoux lui fait quant à lui découvrir les oeuvres de Manet, avec ses noirs et ses gris dont elle jouera en virtuose dans ses compositions décoratives et, plus tard, dans ses peintures.

Suzanne Lalique Haviland

Par son mariage avec Paul Burty Haviland en 1917, Suzanne découvre une autre famille d’artistes. Son mari est photographe ; son beau-frère, Franck Burty Haviland, peintre et ami de Picasso ; son beau-père, Charles Edward Haviland, industriel de la porcelaine. Mais c’est pour la manufacture Théodore Haviland, dirigée par le cousin de son mari, que Suzanne crée ses services de table à partir de 1925.

Suzanne Lalique Haviland Vase Palmettes

Suzanne n’oublie pas pour autant la Maison Lalique où Paul Burty Haviland épaule son beau-père pour le développement de ses verreries et photographie ses oeuvres pour les catalogues commerciaux. Parallèlement à la création d’objets décoratifs, Suzanne et René associent également leurs talents dans le domaine de la décoration d’intérieur, en particulier les salons des Premières Classes du paquebot le Paris en 1921 et pour le Côte d’Azur Pullman Express en 1929.
En 1930, la galerie Bernheim Jeune consacre une première exposition à Suzanne Lalique peintre. Son univers pictural se nourrit de son environnement quotidien, dans lequel elle puise les objets les plus anodins pour les teinter d’une délicate poésie. Simples par leur sujet, ses tableaux frappent par le raffinement de la palette chromatique, la vigueur du pinceau et la hardiesse du cadrage. Chaque toile raconte une histoire croisant le parcours personnel de l’artiste. Ses dernières oeuvres, peuplées des accessoires et des atmosphères du théâtre, sont présentées en 1975 à la Galerie rue du Dragon à Paris.
A partir de 1937 en effet, Suzanne se consacre au théâtre, sollicitée par Edouard Bourdet puis Charles Dullin. A la tête des ateliers de décors et de costumes, elle imprime son propre style à la Comédie-Française et s’attache à donner une unité de ton aux spectacles. Elle collabore également à des projets extérieurs à la prestigieuse maison, en particulier à l’initiative de Jean Meyer dans le domaine du théâtre et de Francis Poulenc dans celui de l’opéra.

Musée Lalaique vase Tourbillons d'après un dessin de Suzanne Lalique

Suzanne Lalique a (...) travaillé, uniquement guidée par sa propre inspiration ; elle connait la gloire de s’être réalisée selon sa propre volonté et toute sa fantaisie. (…) c’est cette indépendance splendide qui donne une fermeté et une solidité rarement rencontrées dans une production féminine qui caractérise ce qu’elle crée. (Hélène Gosset, 1930)

.

Marc Lalique (1900-1977)
Fils de René Lalique et d’Alice Ledru, Marc naît en 1900. A partir de 1922 après avoir suivi les cours de l’École des Arts décoratifs de Paris, il devient un collaborateur de son père.
Au décès de celui-ci, il accède à la tête de l’entreprise familiale. Il met à profit ses qualités de technicien pour ré nover la manufacture de Wingen-sur-Moder et la moderniser.
Il abandonne définitivement le verre au profit du cristal. Le contraste entre transparence et satiné trouvant son expression maximale dans la pureté de cette matière, cet effet particulier va devenir célèbre dans le monde entier au point que le nom de Lalique y est souvent assimilé.
Sous son impulsion, la cristallerie Lalique prend rapidement sa place parmi les grandes cristalleries françaises et étrangères.

Marc Lalique Vase Naïades

Marie-Claude Lalique (1935 - 2003)
La passion que Marc manifestait pour son métier marquera la jeunesse de sa fille. Très tôt en effet, Marie-Claude a la chance de connaitre l’émotion du créateur qui voit son oeuvre prendre forme grâce à l’habileté du maître verrier. Si la poursuite de l’oeuvre de son grand-père et de son père est son objectif principal, elle n’en est pas moins consciente que perpétuer
l’esprit c’est aussi se renouveler. Attentive aux modes et aux courants créatifs de son époque, Marie-Claude cherche à réaliser le mariage de la  tradition et du renouveau.

Trophée Lalique - Marie Claude Lalique

La Maison Lalique aujourd’hui

La Maison Lalique a été rachetée en février 2008 par la Société suisse Art et Fragrance. L’objectif de Silvio Denz, Président Directeur Général et propriétaire de la société, est de renforcer la marque dans le monde entier et d’augmenter les capacités de production de la cristallerie de Wingen-sur-Moder. Des collections de bijoux et de parfums continuent à être développées parallèlement à l’activité du cristal traditionnelle. Rééditions d’oeuvres anciennes et créations contemporaines sont toujours produites par des verriers perpétuant le culte de l’excellence.

texte musée Lalique

photos de l'auteur courtoisie du musée Lalique