Une spirale très innovante à la télé européenne (The Spiral)

Publié le 21 août 2012 par Sullivan

C'est exactement au même moment que les pièces maitresses de six grands musées européens ont été dérobées ce 21 août. La liste est impressionnante : un Picasso à Eindhoven aux Pays-Bas, un Larsson à Stockholm, un Munch à Oslo, un Schjerfbeck à Helsinki, un Eckersberg à Copenhague et un Rubens à Anvers (Belgique).


Bon, comme le naturel assez relatif du présentateur vous l’aura peut-être fait réaliser, tout cela n’est pas vraiment arrivé. C’est en fait le pitch de «The Spiral», une série réalisée par Hans Herbots d’après des scénarios de Ben Zlotucha, Carl Joos, et Paul Jan Nelissen. Cette co-production européenne rassemble plusieurs pays, et plusieurs diffuseurs : la Suède (SVT), la Norvège (NRK), la Finlande (YLE), le Danemark (TV3), les Pays-Bas (VARA), la Belgique (VRT), auxquels se sont ajoutés plus tardivement dans le développement du projet (ce qui explique qu’ils soient moins inclus dans la narration) la Suisse, l’Allemagne et la France, via Arte.
Pour dire les choses franchement, la coproduction internationale apparaît assez peu comme un territoire d’innovation. Certes, le temps de l’euro-pudding des années 80 (comme on a, peu affectueusement, surnommé ces grosses productions où chaque pays tirait la couverture à lui, en imposant tel acteur ou tel décors pour finir par annihiler toute espoir de cohérence dans la direction artistique) est derrière nous. Mais quand même, la coproduction internationale reste un territoire marqué par le compromis.

Ce n’est pas un hasard si le domaine dans lequel elle marche réellement, ce sont les séries d’action pure – «XIII», «Le Transporteur», «Strike Back», bientôt «Hunted» – alors que d’autres séries, qui se voulaient plus haut de gamme, ont soit déçu – je pense au «Borgia» bancal de Fontana – soit rencontré de sérieuses difficultés – la BBC s’est retirée en dernière minute du projet «Titanic : Blood and Steel» pour divergences artistiques, France Télévisions a coproduit la première saison de «Death in Paradise», qu’elle n’a pas encore diffusée, mais ne participe plus à la seconde en cours de tournage…

«The Spiral», qu’Arte proposera sur son antenne dès le 3 septembre vers 22h45, puis tous les lundis pendant cinq semaines, ne donne pas du tout cette impression de faire couler de l’eau tiède internationale.
Déjà, c’est bien plus qu’une série : un véritable projet cross-media. Alors que les expériences de ce type qu’on a vu jusqu’ici en France ont fait l’effet de pétards mouillés – le blog pas crédible de «Clem», la ‘‘BD animée’’ cheap et totalement superflue de «Antigone 34» -- on assiste là à la mise en place d’un univers multiplateformes pensé, cohérent et convainquant.
En réalité, la narration de «The Spiral» ne commence pas avec sa diffusion en septembre, mais dès aujourd’hui, 21 aout : jour du  vol de six tableaux dans six musées européens. Les toiles volées ont deux points en commun : elles ont une valeur inestimable et permettent à de puissantes multinationales de bénéficier d’avantages fiscaux.


Les voleurs, une communauté d’artistes établie dans un entrepôt de Copenhague appelé The Warehouse, et qui signent leur méfait d’une spirale, ne demandent aucune rançon mais lancent un jeu de piste aux internautes via le site thespiral.eu.

Dès aujourd’hui, l’internaute peut s’y inscrire et suivre la position des tableaux, qui s’éloignent peu à peu de leur musée d’origine. Mais pour localiser les œuvres, il faut accumuler des crédits, via divers challenges qui sont autant d’occasion de parler d’art de manière ludique, et de fabriquer une œuvre collective, qui doit être dévoilée en même temps que seront rendus les tableaux, le 28 septembre. La maxime du site, populiste mais cohérente avec l’esprit de ses concepteurs fictionnels, est ‘‘everyone is an artist’’.
Au programme, donc, quelques jeux huper-simples, mais sympathiques -- le genre qui te fait perdre une heure sans que tu t'en rendes compte (et oui, le jeu vidéo aussi, c’est de l’art) :

Des tableaux exposés dans des musées européens qu’il faut reconnaître grâce à une petite portion (Google image est ton ami) :

Ou encore des épreuves en photo, comme celle qui demande d’imiter l’auto-portrait de Coubert (qu’est-ce que vous pensez de ma version ?) :

Une page en ligne appartenant au groupe collectif d’artiste à l’origine du sextuple vol, The Wharehouse, propose du contenu téléchargeable via la technologie torrent, et mène à un groupe ouvert sur Facebook sur le mur duquel divers messages ont déjà été postés. Le moins que l’on puisse dire c’est que, dans le genre, je n’ai jamais rien vu d’aussi aboutit et surtout, crédible.
Dès aujourd’hui, donc, le public peut participer à la narration de la fiction qui se déroulera ensuite sur écran, découvrir plus précisément la personnalité des protagonistes et même influer sur le cours des événements (à priori via des fonds verts qui vont permettre des incrustations en post-production entre aujourd’hui et la diffusion des épisodes). La série suivra les investigations d’Europol, tandis que le projet des artistes dérape et que le happening vire au thriller. Compte-tenu de ce dispositif narratif exceptionnel et diablement original, les sept diffuseurs européens vont donc diffuser les cinq épisodes en parallèle, pendant cinq semaines, fenêtre à la fin de laquelle se trouve le jour de la fin programmée du happening, le 28 septembre.
«The Spiral» a été tournée en grande partie à Copenhague. Une formidable brochette d’acteurs et d’actrices venus du Nord a travaillé sous la direction du réalisateur Belge : Tuva Novotny et Donald Högberg (Suède), Tommi Korpela et Elmer Bäck (Finlande), Thure Lindhardt et Paw Henriksen (Danemark), Viktoria Winge et Nils Jørgen Kaalstad (Norvège), Teun Luijkx (Pays-Bas) et enfin Thomas Ryckewaert, Johan Van Assche, Johan Leysen et Lien Van de Kelder (Belgique). Tous sont très connus dans leurs pays respectifs et certains ont aussi des carrières internationales.
A suivre dès maintenant sur thespiral.eu, et dès le 3 septembre sur Arte, donc. Bande-annonce de la série:

Merci à @ladyteruki et @manuelraynaud dont la conversation sur Twitter m’a permis de découvrir ce passionnant projet. Le site officiel qui présente la fiction.