Si ses proches et ses fans sont soulagés d’une condamnation qui lui évite la prison, des Congolais auraient préféré que le chanteur, à la réputation sulfureuse, passe quelques temps à l’ombre.Soulagement des fans, mais déception aussi. Pour beaucoup, Koffi n'est qu'un récidiviste
Tout est parti d’une dette. La société Diego Music devait plusieurs milliers d’euros à l’artiste qui, lassé d’attendre, est allé récupérer son dû à l’hôtel kinois où séjournait le patron de cette société de production. Une dispute a éclaté...
Finalement, le plaignant a abandonné les poursuites pour«rétablir la paix entre lui et (…) son "grand frère"», a expliqué l’un de ses avocats.
Mais le procureur a requis le maximum —6 mois de prison et 100.000 francs congolais (près de 90 euros) d’amende— pour coups et blessures.
«Je voudrais que vous ayez une certitude, celle de mon innocence», a pour sa part plaidé Koffi Olomidé, 56 ans, avant le verdict.
Mais le tribunal l’a condamné à une «servitude pénale de trois mois, assortie d'un sursis de trois mois».
Les dizaines de fans, les proches et les avocats laissent exploser leur joie, bien qu’ils auraient préféré un acquittement total…
«Ce qui était comique c’est que les avocats de la partie adverse se sont retirés, et Diego aussi, et le ministère public est resté ridicule, seul, à mener un combat d’arrière-garde, basé sur des déductions. On peut avoir mille tonnes de déductions, ils ne peuvent pas remplacer les preuves», commente Augustin Massamba, qui se définit comme le «père spirituel» du chanteur.
«Je crois que la justice n’a pas été correctement rendue, confie sous couvert d’anonymat un ami "très proche". Si on ne l’a pas acquitté, il aurait fallu inculper les deux. Puisqu’il y a eu bagarre, rixe, échange de coups. Alors on ne peut pas seulement inculper une personne et laisser l’autre partir.»
Il accuse par ailleurs Diego Lubaki et ses avocats d’avoir tendu un piège à Koffi Olomidé.
«Pour qu’ils se désistent, il a fallu passer des heures et des heures de tractations. Ils ont voulu du cash. Cela me conforte dans l’idée qu’il y a eu un guet-apens qui a été tendu à Koffi Olomidé pour lui soutirer de l’argent ou ne pas lui payer ce qu’on lui doit. Je vais lui recommander de déposer plainte pour escroquerie.»
D’autres estiment que le «grand mopao» (grand patron, en lingala) n’est pas à plaindre.
«Il fallait qu’il soit condamné! s’emporte François. Il fallait 6 ans de prison, même plus! Il a tapé beaucoup de gens. Vraiment, je ne l’aime pas à cause de ce comportement… C’est une star internationale, il ne peut pas se comporter comme ça! Peut-être qu’avec la prison, il aurait changé. Mais comme il n’a pas été condamné, il va toujours continuer…»
«Je me demande si la justice existe ou fonctionne dans ce pays», s’interroge Marie, partagée entre déception et résignation:
«Pour moi, ce verdict n’est pas du tout étonnant car je m’attendais à ça. Comme toujours, il y a eu un accord obscur. Ce n’est pas nouveau pour Koffi Olomidé et notre justice», affirme-t-elle, en plaisantant qu’elle aurait bien vu l’artiste «chanter depuis la prison de Makala».
Beaucoup ont été marqués par des cas de violences physiques qui, d’après eux, ont été commandités par Koffi Olomidé. Parmi les victimes, Marc Tabu, animateur télé et fils de Tabu Ley Rochereau.
Ce dernier, autre chanteur de renom, «a raconté à la télé comment que Koffi et d’autres ont été chassés de Sonodisc, après la vente du label», raconte un sociologue de la musique congolais.
«Il a aussi raconté, poursuit-il, que Koffi lui a demandé à Paris de monter dans un tacot pour se rendre à un rendez-vous, que la voiture est tombée en panne et qu’ils on dû la pousser sous la pluie… Ses propos n’ont pas été diffusés, ils ont été censurés, mais c’est parvenu à Koffi Olomidé, qui s’est vengé non pas sur Rochereau mais sur son fils: l’un de ses hommes a cassé sa caméra et l’a assommé, si bien qu’il y a eu une fontaine de sang.»
De telles agressions se sont parfois soldées par un embargo médiatique: pas d’articles sur les activités de la vedette, aucune de ses chansons diffusées…
Outre des journalistes, des gardes du corps ont accusé Koffi Olomidé de les avoir maltraités.«Papa K.O.» —surnom tiré de ses initiales— a par ailleurs été mis en examen en France pour viols et séquestrations de trois de ses ex-danseuses.
Sur le petit écran kinois, d’autres danseuses l’avaient aussi mis en cause pour des violences sexuelles.
Mais, selon le sociologue de la musique, s’il est «avéré» que des danseuses ont bien été agressées, d’autres, «quand elles voyagent avec le groupe en Europe, ne trouvent pas d’autre accusation que celle-là pour avoir des papiers», et ainsi rester à l’étranger.
Habibou Bangré, à Kinshasa