Après avoir gagné à l’automne 2009 le titre du «Plus grand Hit Suisse», ce groupe de 20 hommes âgés de 18 à 71 ans, se voit propulsé de façon inattendue à la tête des hit-parades. Commencent alors à affluer des demandes par centaines pour se produire sur scène. Ce formidable succès va créer des tensions au sein du groupe jusqu’alors très uni. Si certains voient là la consécration de tous leurs efforts et l’occasion de vivre des choses uniques, d’autres souffrent d’être tout le temps sur la route au détriment du temps passé auprès de leur famille, de leurs bêtes et de leur ferme. On assiste à de nombreuses réunions où sont discutés les différents rendez-vous ou dates de tournée. Les décisions se prennent toujours après un débat démocratique où chacun bataille âprement pour défendre son point de vue. Le comble de la pagaille sera atteint avec une demande en provenance du Département des affaires étrangères concernant une invitation à se produire à Shangaï à l’occasion de l’Exposition Universelle. «Je ne viendrai pas avec vous, je préfère les foins», affirme avec force Andreas Käslin. A quoi Noldi Amstutz rétorque «Soit je me démène pour quelque chose, soit je reste à la maison» . Au final, un compromis est toujours trouvé et tous se retrouvent devant un verre.
Les documentaristes Bernard Weber et Martin Schilt ont suivi durant deux ans les Wiesenberger, des montagnes de Nidwald jusqu’à Shangaï, en passant par les plateaux de télévision et le salon de l’auto. On assiste avec intérêt aux répétitions hebdomadaires sous la férule de Silvia Windlin, la dirigeante. On se rend compte de l’importance de ces chants dans leur quotidien en les voyant accompagner tous les moments de la vie comme les naissances ou les enterrements. C’est avec émotion que l’on écoute le témoignage d’un yodleur racontant comment, à la mort de sa femme, il a trouvé l’inspiration pour composer un chant d’adieu.
Retraçant la vie intérieure d’une communauté traditionnelle à un moment charnière de son existence, «Die Wieseberger» est un film à ne pas manquer.
Alexia Cerutti
Le Film:
Réalisé par Martin Weber et Martin Schilt
Distributeur : Xenix film
Age légal : 7 ans
Age suggéré : 12 ans
Sortie : le 22 août 2012
Images & vidéo [Show as slideshow]Comment vous est venue l’idée de faire un film sur le club des yodleurs du Wiesenberger ?
C’est mon coréalisateur qui a eu l’idée des Wiesenberger. Au début on cherchait une chorale en Suisse dans un environnement urbain. On pensait faire un film sur un microcosme où se rencontrent différents niveaux sociaux et culturels. En cherchant, mon coréalisateur est tombé sur ce club et m’a proposé d’aller les voir. J’avoue que j’étais très sceptique.
Comment avez-vous été conquis ?
Notre première rencontre s’est déroulée dans la chapelle où ils répètent tous les mardis soirs. Ils faisaient un exercice pour se chauffer la voix en émettant des sons très particuliers. Chacun d’eux était à la recherche de la tonalité exacte. Cela m’a profondément ému et à partir de là, j’ai complètement changé. Même au niveau musical c’était intéressant. En plus chacun des vingt yodleurs était un personnage. Ils sont très directs, très francs.
Comment ont –ils réagi à votre demande de faire un film sur eux ?
D’abord ils ont dit non. Après on leur a expliqué que cette période de vie de groupe était intéressante. Ils étaient en train d’avoir de plus en plus de succès. Ils étaient déjà dans les hits parade , même si ce n’était pas encore le top comme ce sera le cas lors des deux années où nous les avons suivis. Ce qui nous intéressait c’était cette approche de tout le côté musique star actuel où tout le monde veut être dans des émissions télé ; eux peuvent l’être mais ils commencent à refuser. Ils étaient aussi en train de changer la musique traditionnelle. Au sein de l’association suisse des yodleurs, ils sont l’une des premières formations à chanter des chansons modernes, issues de la culture pop suisse alémanique. Les partisans du yodle classique ne les appréciaient pas car ils trahissaient la tradition. On les trouvait intéressants aussi à cause de cela. On leur a expliqué pourquoi on les trouvait intéressants. Ils ont finalement été convaincus. Plusieurs d’entre eux ont eu comme argument « Dans 40 ans, quand on racontera cela à nos petits-fils, personne ne croira que l’on était des stars.» Le film revêtait un peu le statut d’archives de famille.
Vous dites de votre film que c’est une ode à l’amateurisme
Les Wiesenberger reçoivent jusqu’à 40 demandes pour un même week-end. Ils pourraient faire jusqu’à 400 concerts par an s’ils acceptaient toutes les propositions. Ils veulent être des amateurs. Ils n’ont pas l’ambition de devenir des stars. Pour cette communauté, c’est plus important d’aller chanter à des naissances ou à des enterrements, d’accompagner les moments de la vie que de se produire sur une scène prestigieuse. C’est ce qui nous beaucoup touché. Je trouve que c’est dans ces moments de vie communautaire qu’ils chantent le mieux. Le chant que l’on entend à l’enterrement dans le film est pour moi le plus incroyable. Ils sont dans une approche de la musique très intéressante. Le chant occupe une place centrale dans leur vie.
Quelle a été la réaction des Wieseberger en découvrant le film ?
A la fin de la projection, il y a eu un long silence. Puis le Président a lâché: «Ca, c’est vraiment nous». Les autres ont approuvé. On a été soulagé. On craignait qu’ils ne se mettent tous à dire «Moi , je veux ci et ça» : «Vous m’avez filmé en train de faire ci et vous ne l’avez pas mis dans le film», etc. Cela n’a pas du tout été le cas.
Où en sont-ils aujourd’hui ?
Ils vont sortir un CD à la fin de l’année. Ils ont décidé de faire moins de concerts.
Propos recueillis par Alexia Cerutti