C’est le 17 mars 2013 que Berlin-Brandenburg, alias aéroport Willy Brandt, sera ouvert au trafic, avec un retard considérable et moyennant un dépassement budgétaire qui en porte le coût à environ 4,2 milliards d’euros. Rien ne s’est passé comme prévu depuis la décision prise en août 2004 de doter la capitale allemande d’une nouvelle plate-forme destinée à remplacer Tempelhof, fermé en 2008, Tegel étriqué et saturé, et Schönefeld, site situé en ex-Allemagne de l’est et choisi parce qu’il avait le mérite d’exister.
Berlin-Brandenburg, doté de deux pistes et d’infrastructures généreusement dimensionnées, aura une capacité initiale de 27 millions de passagers par an, avec possibilité de monter progressivement à 45 millions. Un plafond d’apparence modeste, toutes proportions gardées, qui rappelle implicitement que l’économie d’outre-Rhin est largement décentralisée, la capitale n’étant pas le pivot principal du transport aérien, privilège qui reste celui de Francfort.
La Saga de Brandenburg illustre les difficultés croissantes du monde aéroportuaire européen. La croissance du trafic reste soutenue, bien plus qu’aux Etats-Unis, mais s’inscrit dans un contexte qui, par certains aspects, frise l’hostilité. L’aviation commerciale a mauvaise presse, elle est la cible d’attaques écologiques qui, pour l’essentiel, sont injustifiées. Mais les Verts allemands sont puissants et influents, ce qui peut se comprendre mais n’excuse pas la partialité. Encore que les problèmes qui se sont posés à Berlin au fil de ces dernières années auraient sans doute été atténués par le choix d’un meilleur emplacement. Schönefeld présentait l’intérêt de la proximité du centre ville (18 kilomètres), d’une liaison ferroviaire déjà en place mais ne permettait pas pour autant un simple agrandissement de l’aéroport préexistant. A part l’utilisation d’une piste récupérée par le nouveau plan de masse, un bénéfice d’un intérêt très relatif.
Imprudentes, toutes considérations politiques mises à part, les autorités allemandes ont apparemment négligé les récriminations des habitants les plus directement concernés par la perspective d’une pluie continue de décibels venus du ciel. Et cela malgré un couvre-feu de 23 h 30 à 5 h 30. Non moins de 15.000 maisons vont être insonorisées, la facture se montant à près de 600 millions d’euros. Une dépense qui ne garantit pas pour autant l’apaisement de résidents courroucés qui espéraient sans doute la fermeture pure et simple de Schönefeld et non pas sa réincarnation à quelques encablures du site originel. D’autant que le terrain, créé dans les années trente, avait au départ une vocation industrielle (une implantation des usines Henschel) tandis que Tempelhof, ouvert dès 1923, par la suite spectaculairement agrandi et hissé au rang de symbole de la toute puissance du IIIe Reich, servait de clef de voûte au réseau de l’ambitieuse Luft Hansa première mouture.
Le chantier de Berlin-Brandenburg, ouvert en mars 2006, est terminé depuis de nombreux mois mais son ouverture a été reportée à plusieurs reprises, après avoir longtemps été fixée au 3 juillet dernier. D’où le spectacle étonnant, surréaliste, d’un aéroport silencieux, désert, sans le moindre avion, une situation qui rappelle celle qui avait prévalu au Japon, dans les années soixante-dix, quand Narita, fin prêt, avait dû longuement attendre un accord avec des agriculteurs qui, fourche à la main, s’opposaient de toutes leurs forces à l’ouverture du nouveau terrain.
Les difficultés allemandes appellent un examen attentif et des leçons devront en être tirées. En effet, si le trafic aérien mondial double dans les 15 ans à venir, comme c’est actuellement prévu, risquera la thrombose dans de grands pays industrialisés, pour cause de rareté de créneaux de décollage et atterrissage, les sacro-saints «slots» qui sont d’ores et déjà en train de devenir des denrées précieuses. Or des créneaux en nombres suffisants supposent impérativement la disponibilité d’un nombre adéquat de pistes. Une évidence que met en exergue l’épineux dossier berlinois.
Pierre Sparaco-AeroMorning