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Roms : Valls ou associations, le gouvernement va devoir choisir

Publié le 21 août 2012 par Polluxe

Suite aux démantèlementx de camps de Roms et aux expulsions, les associations de défense des Roms (1) ont crié au scandale. Les gauchistes ou “gauche morale” leur ont emboité le pas au point de réveiller Duflot en plein mois d’août. Il y aura donc une réunion interministérielle mercredi prochain. J’espère qu’Ayrault ne commettra pas l’erreur de désavouer son ministre de l’intérieur. La gauche de gouvernement joue là sa crédibilité en matière d’”ordre républicain“.

Car ces démantèlements ne sont pas consécutifs à des lubies policières ou des coups de communication mais à des décisions de justice. Elles-mêmes font suite à des actions en justice, généralement longues, menées par des élus locaux – souvent socialistes – à la demande des citoyens qui ne supportent plus les nuisances et le non-respect des règles élémentaires du “vivre ensemble” des Roms, sans parler des activités illégales (voir le blog des riverains à Villeneuve d’Asq). Ces camps, ou plutôt bidonvilles, construits sur des terrains vagues – mais non libres de propriétaires – sont illégaux.

Après ces démantèlements, des Roms ont été renvoyés en Roumanie (aides au retour volontaire ou expulsions). La “gauche morale” s’insurge donc et préconise “des solutions de fond : construire avant d’expulser, éduquer avant de sévir”. Toujours la même opposition stérile entre éducation-prévention d’un coté et répression de l’autre. Alors qu’il faut faire les deux en même temps puisque cela ne relève pas de la même temporalité : l’éducation agit à long terme, la répression à court terme… De plus, dans ce cas là comme dans d’autres, il y a des expulsions nécessaires et légitimes, comme le rappelle Politeeks. Notamment quand il s’agit de personnes qui font du trafic d’êtres humains et organisent à leur profit des réseaux de prostitution, de vol ou de mendicité.

Le problème des Roms est un problème européen multiple : à la fois d’intégration d’une minorité ethnique, de flux migratoire et de mafias. Comme je le disais dans un billet précédent on paye “les erreurs du passé et pour le coup un trop grand optimisme qui a consisté à accepter la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union Européenne avant qu’elles aient réglé la question des Roms sur leur territoire.”

Alors maintenant que faire ?

On peut effectivement supprimer la clause transitoire de non-travail (2), cela ne mange pas de pain. On peut multiplier les expériences de “villages d’insertion”, mais cette solution semble couteuse (6000 € par personne et par an disait Valls l’autre matin sur France Inter) sans doute plus qu’une expulsion (1000 € par personne). Aubry propose que l’État leur fournisse des terrains, mais – dans le cas de Lille  – “en dehors de la communauté urbaine”… Tout est dit.

En fait, toutes les solutions sont coûteuses pour l’État – et donc les contribuables – quand on considère que c’est l’État qui doit gérer le problème… D’autant que le contexte n’est pas favorable : crise grave, dette faramineuse, restrictions budgétaires, déficit de la sécurité sociale, situation désastreuse des hôpitaux
“L’Etat n’est pas en capacité, actuellement, de répondre aux besoins immenses des populations Roms” nous dit un agent de l’État, alors même qu’on “estime à un un million le nombre de personnes sans-abri ou en situation de mal-logement”. Bigre ! En termes clairs, l’État français n’a plus les moyens de mener une politique généreuse en direction des Roms… et des migrants en général… A l’heure des choix budgétaires et économiques, les Roms ne peuvent devenir une priorité.

Au delà de l’indignation, beaucoup de responsables s’accordent pour dire qu’il faut porter le problème au niveau européen, afin de faire pression sur la Roumanie pour que cesse le détournement des fonds que l’UE lui verse pour l’intégration des Roms. Car n’en déplaise à Mme Reding, l’intégration des Roms, relève en priorité des pays d’origine, les pays d’accueil n’étant pas responsable de la situation.
“C’est donc à l’Union européenne d’imposer à la Roumanie, à la Bulgarie et à la Hongrie de donner un véritable accès à l’éducation aux jeunes Roms. Et peut-être de sanctionner financièrement ces pays quand ils ne le font pas.” dit Klarsfeld dans Le Monde (14-08-2012).

“Quant à la gauche française, elle ne peut continuer à se draper dans l’indignation irresponsable pour traiter de ces questions d’immigration complexes et brûlantes. Les associations jouent leur rôle en défendant, ici et maintenant, ces nouveaux damnés de la terre. Elles ne sauraient inspirer à elles seules une politique d’État qui doit prendre en compte, par définition, tous les intérêts en cause et assurer le respect de la loi. C’est la logique de la République, qui est égalitaire et humaine. Mais ferme.” dit très justement Joffrin dans Le Nouvel Obs (16-08-2012). Bref, ce ne sont pas des associations, si humanitaires soient-elles, qui doivent dicter sa politique à un gouvernement issu du suffrage démocratique.

Pour élargir la vision et mieux comprendre la question des Roms, voici un article d’un écrivain roumain, datant de 2010. On y apprend qu’en Roumanie, les Roms assimilés ne se considèrent plus comme Roms – ne restant comme Roms que les musiciens, les lumpenprolétaires, les mendiants, les mafieux… – et que l’État roumain ne fait pas grand chose pour lutter contre l’État parallèle romani (mafias mais aussi tribunaux tsiganes…). Pour cet écrivain, la solution viendra de la communauté rom elle-même, de sa classe moyenne émergente, quand une masse importante se rendra compte qu’elle se fait exploiter par ses propres féodaux :

“Le président Nicolas Sarkozy a décidé de frapper les plus faibles et les plus visibles. Mais n’y a-t-il vraiment rien à faire pour résoudre le problème de l’intégration des Roms ? Essayons de regarder les choses en face. Les Roms passent par un processus de transformation, qui ne date ni d’hier ni d’aujourd’hui. Nous avons connu le policier rom, le médecin rom, le pope rom, l’activiste de parti (aujourd’hui: politicien) rom, le poète rom.

Et nous devons envisager avec sérieux l’affirmation du député actuel du Parti des Roms, Nicolae Păun, qui prétend qu’environ 25% des membres actuels du Parlement sont (totalement ou partiellement) d’ethnie rome. Mais, aussitôt qu’ils pénètrent la société “normale“, les Roms, à quelques exceptions près, renient leurs origines. “Assimilés“, ils sont la preuve que tous les Roms peuvent vivre autrement.

Demeurent donc “tziganes” nos musiciens bien-aimés mais aussi les lumpenprolétaires qui font trembler l’Ouest, les enfants mendiants, et également les “bulibaşi“, ces roitelets locaux propriétaires des châtelets “tziganes” aux robinets dorés. Il y a autour de Bucarest les tziganes prospères avec leurs Audi et des serviteurs roumains. Ceux-là sont en grande partie des chefs de réseaux, des faiseurs de justice dans un système parallèle à l’Etat roumain, qui appliquent leur propre code civil (mariage d’enfants, etc.).

En Roumanie (mais aussi en Europe) coexistent deux systèmes sociaux différents, qui ne devraient pas occuper la même période historique: un premier, tribal-féodal romani et celui de l’Etat roumain, basé sur une autre organisation. Et après ? L’Etat roumain (comme le gouvernement Atatürk, qui dans les années 1920, a arraché les fez que portaient lesTurcs) pourrait interdire les tribunaux tziganes; la police roumaine pourrait montrer sa volonté de démanteler les mafias qui envoient les enfants mendier. Le nomadisme pourrait être interdit par la loi. Mais y-a-t-il une réelle volonté, de la part du gouvernement ?

Nous nous heurtons aussi à un principe sacro-saint de l’Europe et de l’Amérique : le multiculturalisme. Les Roms appliquent une conception différente de la vie sociale, où le nomadisme, la mendicité et la petite délinquance ne sont pas considérées comme des activités contestables. Mais qui a le courage de combattre ce multiculturalisme ?

En Roumanie, il existe aujourd’hui non pas une persécution des tziganes, mais plutôt une guerre civile larvée et inefficace entre Roumains et Roms. Personne ne gagne, personne ne perd. Les subventions de l’Etat roumain et de l’Union européenne aident maigrement à transformer la vie tzigane. Le changement décisif (celui du respect pour le multiculturalisme) ne peut venir que de la communauté rome elle-même, de sa classe moyenne, qui commence à se former.

Un jour, une masse critique de Roms se rendra compte qu’elle est exploitée, et ce principalement par sa propre féodalité profiteuse. Cette caste d’empereurs et de “bulibaşi” – honorée par les autorités roumaines, invitée aux réceptions d’État, qui achète leurs bijoux à Paris – propose une justice parallèle et une répartition arbitraire des richesses. Elle bloque l’accès des Roms à une vie meilleure. Le jour de leur véritable éveil ethnique, les Roms, abandonnant leur condition misérable ressentie comme une fatalité, résoudront leur problème, un problème européen.”
Ion Vianu
(Press Europ / Revista, Septembre 2010).

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(1) En France, on appelle communément Roms les populations Tsiganes ou Rroms arrivées récemment de Roumanie et de Bulgarie. L’administration, avec l’humour et la distance qu’on lui connait, les qualifie de “Européens impécunieux de l’Est”. A ne pas confondre avec ceux que cette même administration appelle “gens du voyages” qui sont installés de longue date sur notre territoire et de nationalité française. Ceux-ci, selon les régions et les origines, portent des noms variés : gitans, manouches, bohémiens, romanichels…

(2) On estime qu’il y a aujourd’hui en France 15 à 20 000 Roms venus de l’Est, suite à l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne en 2007. Dans certains pays de l’UE, dont la France, une mesure transitoire leur interdit de travailler jusqu’en 2013.


Tagged: Europe, gauche, Roms, Roumanie, UE, Valls

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