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Qui a dit que l'Etat ne mettait pas les moyens pour la protection de l'environnement ? Figurez-vous qu'à Montpellier, depuis deux mois, deux platanes bénéficient d'une protection policière et d'un périmètre de sécurité 24h/24. Non que cette essence boisée ait subitement été déclarée menacée d'extinction. La vraie raison a de quoi faire rire ou enrager, c'est fonction de votre humeur à la lecture de ce qui va suivre. Au printemps dernier, un groupe de personnes élit domicile sur l'Esplanade Charles De Gaulle : des hommes, des femmes, français, mais aussi anglais et allemands, avec des chiens. Ils commencent par installer une table flanquée d'une banderole proclamant le lieu "Libre espace d'échange". Au fil des jours, des tapis chargés de livres et de brochures viennent entourer la table, puis le groupe se déplace de quelques mètres pour se rapprocher des lieux de commodités. Un militantisme bigarré s'organise en même temps que prend forme un genre de camp de fortune placé entre deux platanes. Ses occupants se revendiquent du mouvement des Indignés. Ils abordent les gens, les invitent au dialogue, mais leur allure peu conventionnelle fait peur. Puis lecamp prend de la hauteur et les deux platanes, d'éléments de périmètre, deviennent les supports de cabanes qui s'étoffent, gagnant tantôt une barrière métallique faisant office d'échelle, tantôt un plaid en guise de toiture, tantôt encore une extension du plancher de lattes en bois. La police municipale surveille les alentours. De petits incidents du type vol à la dérobée sont signalés. Les employés municipaux chargés de l'entretien de l'Esplanade se plaignent de ne plus avoir le temps de soigner les carrés de fleurs à force de jouer les motocrottes... sans moto. Mais les indignés sont là et comptent bien y rester autant que possible. Ils se soulagent un peu partout dans les coins du jardin situé à deux pas. Ils laissent leurs détritus partout et investissent l'entre deux platanes jusqu'à l'envahir complètement. Ils mettent en place un système de passerelle entre les deux arbres, piliers involontaires d'une manifestation qu'on laisse trainer. François Hollande a été élu récemment, il ne s'agit pas qu'une mairie de gauche se montre répressive envers la volonté d'expression du peuple.
Enfin, pas avant d'avoir une sérieuse raison d'agir. C'est le cas le 21 juin 2012, premier jour de l'été et date de la Fête de la musique. Nous sommes seulement à une semaine du lancement des Estivales, le grand marché nocturne d'été où l'on peut à loisir dépenser ses deniers pour acheter des objets d'artisanat plus ou moins utiles, se sustenter de mets de tous les pays ou déguster des vins locaux, avec modération comme le recommande le Ministère de la Santé. La Fiesta c'est maintenant, dégagez les Pouilleux ! Eh oui, dans la vie, il faut connaître ses priorités. Le Tribunal Administratif a tranché, laissant à la municipalité les coudées franches pour sévir. Les forces de l'ordre s'y reprendront à plusieurs fois, avec d'abord une opération associant des policiers municipaux, nationaux et des pompiers, pour finir par un groupe du GIPN, un matin à 6 heures. Dès lors, les deux platanes supports du QG de ces militants fantaisistes voient pousser tout autour d'eux des barrières métalliques, surveillées cette fois par un ou deux véhicules de police et plusieurs agents en uniforme. Nous sommes fin août, ça ressemble à une scène de crime ou au dernier salon où l'on cause, au choix. Les flics sont toujours là, appuyés sur les barrières, assis dans la voiture. Ils s'ennuient ferme, mais ils sont là. Les autres arbres, ils s'en foutent. Mais qu'un petit chien inconscient ait l'outrecuidance de venir marquer son territoire au pied d'un de ces deux troncs sacrés et il a toutes les chances de repartir avec une marque de semelle de police imprimée sur le séant. A tous ceux qui se demandent "Mais que fait la Police ?", voilà la réponse avec preuve par l'image : Elle garde deux platanes. Montpellier déborde de SDF, de marginaux de tous horizons, accompagnés de chiens assurant leur protection dans la précarité qui est la leur. Ils boivent des bières chaudes car ils n'ont pas de frigo, ils dilapident le fruit de leur mendicité en tatouages et en teintures capillaires ridicules, alors qu'ils feraient mieux de se payer une cravate pour aller aux entretiens du Pôle Emploi. Et en plus, ils puent ! Mais au moins, ils le font plus discrètement et leur pestilence n'incommode plus les deux platanes. Nous voilà rassurés !