Quatre heures du mat', j’ai des frissons.
Tu n’es pas le genre de type à traîner dans un endroit pareil, à une heure aussi tardive. Mais t’y voilà pourtant, sans pouvoir prétendre que le lieu te soit étranger, même si les détails manquent de netteté. Te voilà même en grande conversation avec une fille au crâne rasé.
Ainsi commence ce roman qui marque le début d’un nouveau mouvement littéraire aux États-Unis, dans les années 80, le Brat Pack, avec McInerney et Bret Easton Ellis entre autres. Écrit à la deuxième personne du singulier, il raconte la dérive d’un jeune New-Yorkais, la nuit, dans les rues de Manhattan, sous prétexte de rassembler de la documentation sur le vif pour son prochain livre. Il erre de boîtes branchées en night-clubs, avec pour accompagnateur habituel son âme damnée, Tad Allagash, grand buveur et fournisseur de filles et de poudre blanche dont ils ne peuvent se passer.
Le jour, il travaille et s’ennuie comme correcteur d’un magazine, comme l’auteur lui-même l’avait été. Comme lui aussi, sa femme vient de le quitter, une Top Model restée à Rome lorsque sa carrière a vraiment démarré.On apprend bientôt que sa mère est en train de mourir et que lui se sent coupable de cette situation. En apparence, léger, cynique et jouisseur, on comprend vite qu’il cherche en réalité une issue à ce déchirement schizophrénique entre ses jours et ses nuits. Ce que j’ai surtout aimé, c’est le côté mordant des portraits dressés par l’auteur, son style acéré et direct et son humour grinçant et désenchanté. McInerney s'est défendu à plusieurs reprises d'avoir voulu faire un récit autobiographique. Son héros n'est que la caricature des jeunes branchés de sa génération d'où le ton souvent satirique.
La fin est belle et particulièrement émouvante cependant.C'est aussi un hymne à la ville, toujours présente, partout, à n'importe quel moment du récit et sous de multiples aspects.
Les premières lueurs du jour effleurent les tours du World Trade Center, à l’autre bout de Manhattan. Tu leur tournes le dos et tu marches. Sous l’asphalte usée, on devine par endroits les pavés. Tu songes aux premiers colons hollandais qui foulèrent ce même sol de leurs sabots de bois. Et, avant eux, aux guerriers algonquins qui y traquaient le gibier, silencieux dans leurs mocassins. Tu ne sais trop où tu vas. Tu n’as pas la force de rentrer chez toi. Tu accélères le pas. Si le jour te surprend dans les rues, Dieu sait ce qui arrivera à ton métabolisme.Voilà un livre que j'ai aimé, un livre à succès, un récit culte. J'en lirai d'autres de cet auteur auquel je préfère malgré tout le côté plus cruel et brillant de Bret Easton Ellis.
Ce roman fait partie de la liste des auteurs en Mc des 12 d'Ys
Journal d’un oiseau de nuit, Jay McInerney, roman, Mazarine, 1984/1986, 222 pages, traduit de l’américain par Sylvie Durastanti.
Titre original : Bright lights, Big City.