Plus qu’une photographie, communiquer une empreinte multimédia au quotidien En vacances faire des photos c’est bien, mais on peut également regarder faire des photos. C’est un terrain de prédilection pour noter de nouveaux comportements. Il y a peu, nous n’imaginions pas photographier avec un téléphone, encore moins filmer. En revanche, le besoin de réaliser plus qu’une image fixe, c’est-à-dire pouvoir capter l’ambiance sonore, ou l’enrichir d’un commentaire existe depuis un siècle. Projection avec lanterne magique, spectacle cinématographique accompagnée à l’orgue, sonorisation par couplage du projecteur avec un phonographe, apparition de la caméra sonore, montage audiovisuel, soirées diapos commémorative des fins de vacances, sur fond de quatre saisons de Vivaldi. Le Barnum des amateurs éclairés avait pour but de rendre une atmosphère en recréant pour le spectateur l’espace original de vie et les impressions vécues. L’ère numérique nous permet de faire de l’image autrement. Les photographes photographient toujours, mais différemment. Cet été, j’ai été frappé par le nombre de personnes photographiant avec leur smartphone, j’allais dire se satisfaisant de cette qualité. Finalement, j’ai comparé les différentes postures des photographes sur un site de tourisme culturel et les ai confronté aux appareils utilisés, anciens et nouveaux, réflexes, compacts, smartphones et mêmes les tablettes.
Photographe - capteur d'image avec un iPhone, Mont Palatin, Rome - Photo Daniel Hennemand, 2011
Les photographes-capteurs d’images semblent se répartir en trois groupes. Les traditionalistes dont je fais hélas partie -je dis cela pour l’âge-, avec des attitudes posées, un maintien du boîtier réfléchi, une main soutenant fermement l’appareil, l’autre entourant l’objectif modifiant la focale, et non plus la mise au point -le zoom, quelle poisse-.
Prise de vue réfléchie au musée Centrale Montemartini, Rome - Photo Daniel Hennemand, 2011
Ensuite viennent les batifoleurs de l’espace de vie. Les capteurs légers et opportunistes. Ceux-la considèrent les appareils comme un marqueur de leur vision. Tenu à bout de bras, un frêle boîtier s’agite devant leur regard et fixe un bout de réalité. Une seule main tente d’obéir aux ordres de notre photographe. On ne sent pas de réflexion sur la qualité de l’image à produire, de toutes façons, de savantes fonctions limitent les dégâts. Le cadrage lui semble être pris en considération.
Photographie à bout de bras. Rome, Mont Palatin - Photo Daniel Hennemand, 2011
Une troisième catégorie enfin est peut-être en train de naitre, celle des enregistreurs d’ambiance, on y revient. S’agit-il de la nouvelle génération des affamés de séries que l’on peut observer sur Flickr ou Picasa; aucune sélection, des tonnes d’images semblables, de la mitraille, du film à cinq images secondes.* A plusieurs reprises cette année, j’ai observé non pas l’acte de photographes, mais de ce que l’on pourrait appeler des preneurs de notes audiovisuelles. Toutes générations confondues, ceux-ci balaient l’espace devant eux et filment sur une trajectoire non réfléchie et non scénarisée. Le comportement montre qu’il y a une volonté de capter l’environnement d’une manière exhaustive. Certain enregistrent simultanément un commentaire sonore, une sorte de bloc-notes des émotions ressenties.
Capteur d'impressions sonores et visuelles. Ce touriste balaie l'espace de manière empirique et susure ses impressions au boîtier, musée du Vatican, Rome - Photo Daniel Hennemand, 2012
Les nouveaux appareils semblent revenir au point de départ, mouvements, sons et images peuvent être collectés. L’innovation est bien entendu dans l’intégration et le format numérique. Le fruit de ces reportages spontanés est immédiatement partageable en réseau. Ce que j’ai vu, ce n’est pas l’usage d’une caméra vidéo, ce n’est plus un appareil photographique, c’est une simple fonction additionnelle inclue dans un outil de notre quotidien, le téléphone ou la tablette. Le chassé-croisé des fonctionnalités entre types d’équipements n’est pas achevé, les caméras photographient, les boîtiers photos filment. Bizarrement, les fabricant d’appareils photos ne proposent pas de fonction de téléphone sur leurs boîtiers -est-ce une fragilité future?- Mais celui qui gagnera sera le plus compact et surtout celui dont l’usage est quotidien, le téléphone peut-être. Ceci ouvre alors la voie à une captation généralisée des impressions visuelles et sonores, dans un contexte de voyage, mais aussi d’activités familiales ou professionnelles. Ne parlons pas ici de qualité technique, mais de style de vie et d’évolution de comportement. Ce qui est une image médiocre aujourd’hui sera professionnelle demain, la véritable empreinte multimédia devient accessible! Ces nouveaux comportements renforceront-ils la tendance de l’intégration fonctionnelle? Interviewé en 2009, Victor Jackimovitch, ex-directeur commercial de la FNAC et du laboratoire d’essais, m’a assené une vérité sans faille : « Le meilleur appareil photo est celui que nous avons lorsque nous en avons besoin ».
Daniel Hennemand,
v 1.2
Le photographe à la tablette, musée du Vatican, salles d'Égyptologie, Rome. Photo Daniel Hennemand, 2012
* Sanyo proposait en 2009 un boîtier captant des rafales d’images, histoire de ne pas rater la bonne photo. Générer des séries, entre photographie et cinéma.
Publicité TV Sanyo, 2009
Edillia, organisation et formation pour les photothèques d’entreprises