Paresse, 怠け癖 Namake kuse, est un mot tellement étranger à la culture japonaise qu'on peut être surpris de sa simple existence. Si la contemplation, la médiation sont des activités hautement reconnue, la paresse est un défaut indigne !
Les Japonais sont toujours très très occupés, quelques soient le moment de la journée, ou de leur vie. Il suffit de voir l'emploi du temps des retraités japonais, toujours entrain de courir, même pendant leur vacances... On se gausse des cars de touristes qui font des visites au pas de course, mais dans leur pays, c'est pareil ! Leur soucis maladif d'exhaustivité rend leurs excursions épuisantes pour un étranger. Une journée de « congés » partagée avec un japonais peut rapidement devenir un enfer.
Même les enfants, pendant les vacances scolaires, continuent quand même leur activité dans les clubs et parfois assistent à des cours de rattrapage. Quand aux femmes au foyer, leur temps est minuté entres les activités de quartier, leur cours d'ikebana ou de langues étrangères, la préparation des repas... Et dans la vie professionnelle, avoir l'air occupé, débordé même est la condition sinequanone de l'intégration. Il n'est pas rare les employés de bureau s'enquiller des journées de plus de 10 h et ramener du travail à la maison le week-end. Cependant, leur productivité est bien moindre que les français.
On dit que les parisiens sont pressés, mais par rapport à un tokyoïte en week-end, nous sommes de petits joueurs.
Pourtant, j'ai découvert à Tôkyô de grands sages passés maître dans l'art subtil de la paresse : les chats. J'ai croisé dans les parcs et cimetières de nombreux matous errants, grassement nourris pas les mamies du quartier, parfois d'aspect miteux, parfois de fiers guerriers couturés. Tous, dans la chaleur moite du mois d’août, connaissaient le secret de la longévité et du bonheur : paresser dans une flaque de soleil, à contempler d'un œil placide les créature étranges à deux pattes qui s'agitent dans le monde.
Alors, lors de mon séjour dans le sud de la France, quand j'ai vu ce vieux chat buller tranquille sur le muret, j'ai pensé à ses congénères nippons. Les chats eux n'ont ni patrie ni lois, juste une philosophie universelle de la paresse. Et parfois, moi aussi, je suis tenter d'y adhérer...