Il faut, encore et encore, mettre les prévisions à l’épreuve : le transport aérien va-t-il continuer de croître avec régularité ou, tout au contraire, s’essouffler, et avant cela, être victime de la récession ? On ne dira jamais assez que les avis sont divergents, que les experts débattent sans tirer des conclusions suffisamment claires. Et pour cause : nul n’est capable de prévoir comment le trafic, à terme, réagira aux caprices de la conjoncture, aux secousses financières, au renchérissement du pétrole.
Deux écoles s’opposent, de manière de plus en plus nette. D’un côté, les économistes qui affirment que l’importance de l’aviation commerciale dans l’économie mondiale a passé depuis longtemps un point de non retour, que la demande ne peut en aucun cas se tasser. D’où des prévisions de croissance, quels que soient les modèles économétriques utilisés, qui se situent aux environs de 5% par an, un repère entériné, notamment, par les études attentives d’Airbus et Boeing, d’une part, des principaux groupements professionnels, d’autre part. En face, les voix dubitatives se font entendre, à commencer, en France, par celle de l’Académie de l’air et de l’espace.
Son vice-président, Alain Garcia, ancien directeur général technique d’Airbus, lors d’un grand colloque international qui s’est tenu récemment à Toulouse, a estimé qu’à long terme, la progression du trafic ne dépassera guère 2,8% par an. Mais où le long terme commence-t-il ? Une question en suscite une autre, à commencer par l’inconnue que constitue l’évolution du prix du baril de pétrole (100 ou 250 dollars ?) ou encore l’évolution des coûts directs d’exploitation des compagnies, avec ou sans une grande rupture technologique que chacun appelle de ses voeux. Là, pour l’instant, comme sœur Anne, les spécialistes ne voient rien venir. Mais, peu doués en termes de communication, ils oublient de rappeler que la consommation moyenne des moteurs diminue de un p.c. par an depuis de nombreuses années. C’est-à-dire de 10% tous les 10 ans.
Discrètement, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) s’invite à nouveau dans le débat. Cela avec une extrême prudence et, cette fois-ci, sans regarder au-delà de 2014. Et que dit-on à Montréal ? Que le trafic mondial, cette année-ci, augmentera de 5,4%, puis de 6% en 2013 et de 6,4% en 2014. C’est bien plus que la moyenne de 5% habituellement prise pour référence, une indication d’autant plus précieuse que l’OACI prend en compte les données de ses 191 Etats membres. D’où l’importance de mieux prendre en compte les écarts régionaux, qui tendent à se creuser, et qui ne permettent plus de se contenter de généralités.
Sans surprise, l’OACI note que la région Asie-Pacifique va bénéficier, sur trois ans, d’une croissance de trafic annuelle oscillant entre 8 et 8,8%. Dans le même temps, l’Amérique du Nord devra se contenter de 2,3 à 3,5% alors que l’Amérique latine bénéficiera d’une augmentation enviable de 7 à 8,2%
L’Europe ne devrait pas vraiment être à la traîne avec une progression se situant entre 4,2 et 4,8% par an, un rythme peu spectaculaire, certes, mais néanmoins encourageant, compte tenu de la conjoncture maussade qui prévaut, de la crise inquiétante que traverse l’Euroland, des problèmes immenses qui prévalent en Grèce et dans l’autres pays du sud.
L’OACI ne nous apprend rien de nouveau, malheureusement, sur la médiocrité de la rentabilité du transport aérien. Mais, là encore, il convient d’éviter prudemment de se livrer à des généralisations qui ne reflètent que très imparfaitement la réalité financière. Ici et là, on découvre le sourire d’actionnaires satisfaits. Mais ils sont très peu nombreux !
Pierre Sparaco-AeroMorning