Nous avions laissé l’ex-détective Bernhard Gunther sur le bateau en partance pour l’exil vers l’Argentine (à la fin de « La mort, entre autres »), en compagnie de criminels de guerre nazis en fuite dont le sinistre Adolf Eichmann. Dans ce pays neuf où il croit pouvoir commencer, à cinquante ans, une vie nouvelle, le voici rattrapé par sa réputation de fin limier et, volens-nolens, conduit devant le dictateur Juan Péron et sa splendide épouse Evita, qui va le charger d’une nouvelle mission auprès de ses ex-camarades réfugiés. Car la colonie allemande est particulièrement prospère en cette année 1950. Beaucoup d’argent spolié aux Juifs est parvenu jusqu’ici, ou du moins, dort dans des comptes en Suisse, qui suscite bien des convoitises.
Sous couvert d’une enquête menée par la police secrète dans laquelle Bernie est quasiment enrôlé de force, il va se rendre auprès de ses ex-compatriotes, pour la plupart des anciens SS comme lui, pour en réalité tâcher de retrouver la trace d’une jeune fille disparue. Dans le même temps, le colonel Montalban (encore un !) qui le manipule (ou le traite, comme on dit dans les services secrets) lui reparle d’une ancienne enquête que Bernie Gunther a menée en 1938 à Berlin, sans parvenir à l’élucider. Le meurtre d’une très jeune fille retrouvée éviscérée dans un parc. Il se trouve qu’hélas, la fille d’un ancien haut responsable nazi a aussi été retrouvée disséquée à Buenos Aires. S’agirait-il du même tueur qu’à Berlin, dix-huit ans plus tôt ? L’attitude assez détachée des parents de la jeune morte, par ailleurs handicapée, met mal à l’aise le détective …
De fil en aiguille, Bernhard Gunther va se retrouver, comme à son habitude, embringué dans une très sale affaire. Il va faire une merveilleuse rencontre, celle d’Anna, somptueuse créature qui lui demande de retrouver son oncle et sa tante disparus après avoir débarqué en Argentine trois ans plus tôt. Ils sont Juifs … Serait-ce la réponse à la question ?
Bernie saura se tirer d’affaire in extremis, manquant plusieurs fois de laisser sa peau dans ce pays où l’on pratique à grande échelle la traite des blanches, les avortements clandestins, où la population de l’intérieur du pays crie misère pendant que la femme du dictateur s’emploie à déverser elle-même des sommes fabuleuses à des mendiants qui font la queue devant le Ministère du Travail. Qu’est-ce qui est vrai dans cette histoire ? On ne sait plus très bien tant la documentation recueillie par Philip Kerr est fantastique. On rencontre dans ce bouquin des figures historiques comme Otto Skorzeni, le docteur Joseph Mengele, le général Hans Kammler qui fut en charge de nombreuses installations de camps d’extermination avant d’être exfiltré aux Etats-Unis pour travailler sur le projet de bombe atomique … Mais après tout, quelle importance ? C’est un roman, même si cela aurait pu se passer comme ça !
Mon étonnement : que pas un cinéaste ne se soit encore pointé pour réaliser une fresque épique autour de ce héros tellement sympathique !
Une douce flamme, roman de Philip Kerr traduit par Philippe Bonnet, Editions du masque en Livre de Poche 567 p. 8€ (cinquième aventure de Bernhard Gunther)