C'était presque prévisible. François Hollande n'a pas évité à sa polémique estivale. Plus que la guerre
en Syrie, les démantèlements de quelques camps de Roms et une nuit d'émeutes dans un quartier
d'Amiens ont rappelé un autre été, celui de 2010.
Dans la ville picarde, une quinzaine de CRS furent blessés dans la nuit de lundi à mardi, des tirs à l'arme à
feu furent entendus, des équipements collectifs brulés et détruits. Il fallait se rappeler que la zone souffrait d'un abandon social dramatique, qu'une décennie de politique de la ville n'avait
pas (suffisamment) résolu: le chômage y était endémique, de longue durée et doublement supérieur à la moyenne. On y manquait de travailleurs sociaux. Les
effectifs de police et d'enseignants, comme ailleurs, avaient été réduits depuis 2007.
Manuel Valls s'y dépêcha, il fut bousculé par quelques habitants. Que lui reprochait-on ? Le lendemain, François
Hollande rendait hommage, à froid, à deux femmes gendarmes tuées deux mois auparavant.
Ce "retard" lui fut reproché par le père de l'une des victimes.L'agitation sarkozyenne avait décidément
marqué bien des esprits.
A droite, on riait jaune de voir la gauche gouvernementale confronté à ces urgences estivales, comme leur ancien
mentor auparavant. « Vous voyez, Hollande fait comme Sarko » était leur refrain. Pourtant, ni Valls ni Hollande n'avaient décrété la chasse aux Romscomme Sarkozy l'avait fait deux ans
avant. Il n'y avait nulle course aux chiffres d'expulsions, nulle circulaire ciblée. Ces mêmes expulsions froissaient même plus d'esprits à gauche à droite.
A droite, on riait jaune parce que Manuel Valls ne laissait aucune prise aux habituelles accusations de laxisme que la
droite aimait à proférer. Il réclamait des interpellations - il y en eut - , affichait
un discours de « fermeté républicaine ». Quelques UMPistes s'étaient donc encore rabattus sur Christiane Taubira. Opposer la Garde des Sceaux à son
collègue de l'intérieur, avec le concours de quelques éditocrates bien en place et trop heureux de parler d'autre chose que de la dette, de l'euro et de l'emploi, était l'une des
trouvailles bien négatives de ces dernières semaines. Brice Hortefeux se distinguait. Vendredi 17
août, il assura « qu'il n'y a pas eu, pendant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, d'émeutes urbaines ». Le mensonge était si gros que le journaliste resta interloqué.
On se souvenait de Villiers-Le-Bel (2007), Amiens, et surtout Grenoble (2010). Hortefeux était tout aussi navrant quand il accusa Valls de réduire de 1.300 les effectifs policiers en
2013.C'était un gros mensonge, démenti dans la journée. Lui-même, quand il était ministre, avait assumé la diminution de près de 11.000 postes de gendarmes et policiers en à peine 5
ans.
Mercredi, le Canard Enchaîné nous apprenait que l'entretien de Mme Taubira dans Libération avait été caviardé d'une
citation décisive qui aurait permis de couper court à la fausse polémique sur les centres éducatifs fermés.
Des émeutes d'Amiens, Hollande en fut évidemment jugé responsable par quelques
opposants. Comme c'était curieux, presque risible. Entre mai 2007 et mai 2012, il n'y avait pas une déclaration publique du Monarque ou de ses courtisans pour fustiger les trente
années précédentes qualifiées d'immobiles et responsables de nos tourments actuels. Quel qu'était le sujet - insécurité, chômage, pollution, etc - la faute en incombait aux autorités
précédentes, comme si l'équipe en place était subitement née un 6 mai 2007 au soir. Puis, François Hollande élu n'avait-il pas terminé ses 100 premiers jours à l'Elysée qu'il était déjà
responsable de tout et de bien pire encore; et surtout, nous avions l'interdiction collective de prononcer encore le nom de Sarkozy.
A droite, on riait jaune, parce que la compétition au sein de l'UMP pour la présidence du parti virait à la
guerre des chefs. Nathalie Kosciusko-Morizet annonça son retrait... si Alain Juppé se présentait. Mais Christian Estrosi continuait sa tournée des plages, clamant avoir 3.000 des
7.000 parrainages nécessaires. François Fillon, immobilisé par son accident de scooter chez son ami millionnaire italien, croyait bien faire en réclamant du « courage » à François Hollande sur la guerre en Syrie. Il taclait indirectement son ancien patron - Nicolas Sarkozy qui suggérait, cinq jours avant, une intervention
militaire. L'intervention tomba rapidement à plat dans l'actualité. Copé, comme lui, s'inquiétait d'un éventuel retour de l'ancien
Monarque dans la vie politique nationale.
Sur le front économique, le ministre Moscovici promettait des mesures contre la récente flambée des prix du carburant.
Mais finalement, en fallait-il vraiment ? Les recettes fiscales s'annonçaient mauvaises: un premier état des lieux à mi-année révélait que la TVA et l'impôt sur les
sociétés rentraient mal. Mardi, L'INSEE, prévoyait une croissance nulle pour le second trimestre, à cause d'une faible
consommation des ménages (en baisse de 0,2%), sans relève. Toute la zone euro était plombée. D'après le ministère du
travail, l'économie française avait recommencé à détruire des emplois (-11.700 en juillet), principalement à cause de l'intérim. La crise de l'euro battait
son plein. France et Allemagne pouvaient encore emprunter à des taux négatifs (sic!). Mais outre-Rhin, certains réclamaient un changement de gouvernance au sein de la BCE pour revaloriser le
poids de l'Allemagne. Jeudi prochain, Hollande sera chez Merkel. Il fallait du sang-froid, et non plus les précédents coups de mentons auxquels l'ancien Monarque nous avait habitués.
Vendredi soir sur Europe1, deux éditocrates, dont Yves Thréard du Figaro, reprochèrent aux ministres de n'être revenus
plutôt de congés parce que la croissance était annoncée fragile ou nulle. Le ridicule n'avait plus de limite...
L'agitation sarkozyenne avait décidément marqué bien des esprits.
Cette semaine vit passer le 15 août. Quelques hiérarques de l'Eglise catholique n'avait rien trouvé de mieux à faire qu'une prière contre le mariage gay.
Quel sens de l'actualité !
Chroniques de Juan