Depuis que j’ai vu ce titre Quand Hollande qualifiait Sarkozy de «salopard» (16 août 2012) apparaître sur l’infolettres de 20 minutes, je jubile. Je n’allais pas rater cela. Il nous a trop fait caguer depuis cinq ans et même bien avant. « Qui se sente morveux qu’il se mouche » fit dire Jean-Baptiste Poquelin alias Molière à La Flèche (L’Avare; Acte I, scène 3) et c’est la première pensée qui me soit venue. « Beaucoup de bruit pour rien »…
« Le sale mec » - qui n’était que parodique - avait déclenché un concert de jappements outrés au sein de l’UMP. Une quasi affaire d’Etat avec demande d’excuses et autres stupidités du même tonneau. Pour l’instant et un survol des infos, la meute me semble aphone. D’avoir trop criaillé contre « l’attentisme de François Hollande sur la Syrie ». Toujours dangereux après une première « extinction de voix » - électorales. Peut-être sont-ils plongés dans la torpeur estivale, partis en vacances. Ou Jean-François Copé aura mis des boules de protection auriculaire pour plonger dans la piscine qui assurément ne sera plus celle de Ziad Takieddine. Mais cela risque de le gêner pour entendre les questions s’il ne pense pas à les retirer lors d’une éventuelle audition par les policiers ou le juge chargé d’instruire cette affaire. . Si cette apostrophe fait du buzz dans le Landerneau politique ils finiront bien par se réveiller de leur sommeil dogmatique
J’imagine également Nicolas Sarkozy s’étranglant de rage. En d’autres temps, il lui eût peut-être intenté un procès pour « injure contre le président de la République ». Il ne fut guère avare de papier bleu tout au long de son quinquennat mais les rôles sont inversés et François Hollande est protégé par l’immunité présidentielle. Avouez que si Sarkozy s’y risquait ce serait du dernier ridicule.
Ce n’est pas bien du tout, monsieur l’écrivain - Laurent Binet dont j’avoue n'avoir appris l’existence qu'à la lecture de l'article - de porter le pet. Dénoncer un petit camarade ! Dans mon école des Acacias, vous eussiez été traité de « rapporte-paquet » : « j’va le dire à la maîtresse… M’dame, elle fait rien que m’embêter ». Hou ! Les cornes.
Juste une remarque en passant : la polémique sur le « sale mec » l’avait fait rire « Parce qu'en privé Hollande traitait régulièrement Sarkozy de 'salopard', de manière tout à fait tranquille ».
Or donc, introduit auprès de François Hollande par Valérie Trierweiler avant sa campagne pour les primaires socialistes, il l’a constamment suivi, carnet de notes à la main. Il en livre donc le récit dans un ouvrage dont j’aime bien le titre « Rien ne se passe comme prévu » (Grasset). Je ne sais si c’est tiré d’une réflexion de François Hollande, de quelqu’un de l’entourage du candidat ou par ce que l’auteur a constaté relativement « à la tradition historique de bordel au parti socialiste, Hollande ne passant pas lui-même pour un modèle d’organisation » selon ce que je lis sur une longue et intéressante interview recueillie par Grégoire Leménager « Hollande m'a séduit: c'est son métier » (Nouvel Obs 14 août 2012).
Ce « rien ne se passe comme prévu » contraste formidablement avec les nombreuses déclarations de Nicolas Sarkozy affirmant à son entourage - surtout quand il espérait piéger François Hollande sur certains sujets - « tout se passe comme je l’ai prévu ». Volonté de tout maîtriser typique du névrosé obsessionnel bloqué au stade anal. Mais dès que quelque chose ne se passe pas comme prévu - à l’instar du fameux « chahut de Bayonne » la machine se grippe.
Tout au contraire de François Hollande dont Laurent Binet souligne la capacité de s’adapter aux circonstances, de rebondir, le sens de l’humour et de la répartie. Les deux crânes d’œuf se piquant de sémantique politique dont j’ai lu dernièrement les élucubrations sur un article du Monde se fichent digito in oculo en pensant que le fameux « Moi Président » répété 16 fois lors du débat avec Nicolas Sarkozy était un « élément de langage » soigneusement mûri alors qu’en réalité François Hollande s’est emparé tout à fait spontanément d’une question de Laurence Ferrari : « vous, président de la République, que ferez-vous ? »… Ils sont tout autant ridicules de prêter « une stratégie sémantique » à François Hollande en se fondant sur « la cohérence entre le discours articulé du candidat et celui du président ». C’est vrai quoi ! un président qui ne prétend pas qu’il fera une retraite dans un monastère pour ensuite aller se dorer la pilule à Malte sur le yacht de Bolloré et préfère autant que c’est possible prendre le train comme il l’avait dit…
François Hollande peut être vachard dans son humour - je le savais déjà depuis fort longtemps et j’apprécie. Je ne peux m’empêcher de citer cette petite anecdote fort savoureuse. Sarkozy interpelle Hollande sur la déclaration de Martine Aubry qui l’avait comparé à Madoff. Ce n’était pas tout à fait cela mais bon. Cela fait d’ailleurs vachement longtemps. Pire que la « Mule du Pape » le Sarkozy ! Qui insiste en précisant que l’escroc a été condamné à 183 ans de prison… Et Hollande, avant de quitter la loge de lui lâcher : « mais tu les auras ! »…
Laurent Binet souligne dans l’interview du Nouvel Obs que le prétendu « mou » François Hollande était en fait « une formidable machine de guerre configurée de façon optimale pour atteindre son but » et affirmant : « je ne suis pas là par hasard ». Cela fut souventes fois répété, aussi bien par les journalistes et observateurs que par les personnalités politiques de toute tendance : pour gagner l’élection prési-dentielle il faut le vouloir intensément.
Ce fut le cas de Nicolas Sarkozy en 2007. Mais à l’évidence et beaucoup le remarquèrent, un ressort semblait s’être cassé en 2012. Il n’était plus que l’ombre de son ombre et n’avait plus le « mana ». De mon avis cela ne ressortit pas de l’usure du pouvoir mais tout simplement de la répétition - fille de névrose. L’énergie psychique qu’il avait investie en 2007 tournait désormais en rond. Manque de réflexion aussi, ne voulant pas prendre conscience de l’hostilité profonde d’un grand nombre de Français à son égard et surtout ! De leurs raisons, variables selon les fractions de son électorat de 2007. Il avait réussi à ratisser large, faisant le grand écart entre la gauche et l’extrême droite. Il a voulu décalquer sa campagne sur celle de 2012, mêmes lieux, même stratégie - reprendre les arguments du FN pour pomper des voix à Marine Le Pen lors même que le FN avait repris des couleurs électorales aux régionales en 2010 précisément grâce au débat sur l’identité nationale et le « gros rouge qui tache » bien démago voulu par Sarkozy : pourquoi préférer la copie à l’ori-ginal ?
Laurent Binet s’est fait traiter de « Yasmin Reza du pauvre » (qui avait en tant qu’écrivain suivi la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 et en avait tiré un ouvrage) ce qui l’amuse au demeurant puisqu’il est de gauche. Contrairement à elle qui s’était attachée à ne parler que de l’homme et refusait l’aspect politique, il ne souhaitait pas se focaliser sur François Hollande. Il a préféré montrer l’entourage qui s’agitait autour de lui, « seconds rôles et figurants » et ne pas occulter le côté politique, bien au contraire. Décrire ce « Tour de France » et ses nombreuses étapes dans des milieux fort divers, par exemple toutes les entreprises visitées, les dirigeants et les salariés parlant de leurs difficultés, tout ce qu’il a pu y apprendre de la fabrication de telle ou telle production au hasard des étapes dans les entreprises.
Laurent Binet ne cache pas « d’où il parle » : « Prof de ZEP, fils de communiste ». Je ne peux qu’adhérer à cette démarche.
Sans doute est-ce parce que je fus infirmière en usine - je m’y sentis comme poisson dans l’eau - pendant six ans et que j’aime les gens mais je suis toujours passionnément attentive lors que je regarde des reportages ou documentaires sur le monde du travail. En usine ou dans les champs (je ne suis pas pour rien petite-fille d’éleveur). les ateliers comme les personnes. Nonobstant mes intérêts intellectuels, j’appartiens indéfectiblement et de tout mon cœur, de toutes les fibres de mon âme à ce petit peuple. Je comprends son langage, ses problèmes, joies et peines, ses attentes et espoirs, ses désillusions et ses rages, partage ses « émotions »… dans les deux acceptions du terme : les sentiments et les révoltes ainsi nommées sous l’Ancien Régime.