Li-Chin Lin est une illustratrice valentinoise, qui sort à Taïwan, son île natale, son troisième ouvrage : “Formose”. La bande-dessinée qui retrace l’histoire de l’enfance et de l’adolescence de la jeune femme devenue adulte est sortie en France en novembre dernier et fera l’objet de deux tomes dans son pays. En attendant, elle participe à de nombreuses manifestations autour de la bande dessinée cette année et espère être l’une des huit finalistes du concours du prix littéraire des lycéens et apprentis en Ile-de-France.
Elle est arrivée en France il n’y a que dix ans pour ses études d’illustratrice à l’école des Beaux-Arts d’Angoulême puis pour l’école de cinéma d’animation de Bourg-lès-Valence mais son Français est remarquable. Li-Chin Lin est née à Taïwan en 1973, sous le régime de la loi martiale dictée par la République de Chine jusqu’en 1987. C’est alors le Kuomintang, parti nationaliste chinois, le seul autorisé sur l’île, qui régit le pays. Dictature et propagande sont les maîtres mots de Taïwan. Cette histoire, c’est celle que celle qu’on obligeait à faire des dessins anticommunistes à l’école a décidé de raconter dans les 250 pages de “Formose”, tiré à 2 000 exemplaires aux éditions “Ça et Là” l’an dernier. Formose, du nom par lequel les Européens ont longtemps appelé l’île, suite au surnom que des marins portugais lui donnaient : Ilha Formosa, la « belle île ». Des anecdotes, la douce expatriée qui rêvait d’intégrer l’école de Strasbourg en a des pellées. Mais pourquoi venir en France étudier le dessin ? Pour quitter son île, bien sûr, mais aussi parce que « là-bas, tout le monde est influencé par le manga, il n’y a que ça et je voulais voir un peu autre chose. J’ai vu la vague arriver en France aussi ! »
« On risque de perdre tout ce qu’on a acquis »
Jugée trop trash par les éditeurs français, l’image de la langue cousue aux couleurs officieuses de Taïwan fera la couverture du “roman graphique” à Taïwan.
Aujourd’hui, l’illustratrice travaille à la traduction de sa bande dessinée. Elle doit sortir en deux tomes à la rentrée sur son île natale et, malgré quelques craintes, la jeune femme ne redoute pas sa sortie. « Ça fait 25 ans que la loi martiale est levée et Taïwan est devenu une démocratie mais la Chine veut toujours reprendre ce territoire alors on peut très vite perdre ce qu’on a acquis ». Outre la traduction des textes, la couverture a également été retravaillée. Alors que l’édition française comporte une jeune fille – « c’est une caricature de moi ! Et la sorte de patate qu’on voit, c’est Taïwan » rigole-t-elle – que des policiers veulent faire taire, la version taïwanaise reprendra l’illustration du chapitre II du livre : une langue cousue aux couleurs de Taïwan. « Les Français ont trouvé ça trop gore mais c’est très symbolique pour les Taïwanais, ça veut dire quelque chose. »
En attendant la publication, Li-Chin Lin travaille sur d’autres projets, histoire de peaufiner sa technique. Avant peut-être de se lancer dans le cinéma, dans lequel travaille son mari. « Je ne suis pas encore assez forte donc je regarde plein de films, même si c’est différent. Valence c’est le bonheur pour ça, le Lux (ndlr : scène nationale) et le Navire (ndlr : cinéma d’art et d’essai) ont des programmations très intéressantes ». Du 19 au 21 octobre, elle sera au festival international de BD de Chambéry avant d’enchaîner avec la biennale du carnet de voyage à Clermont-Ferrand en novembre, les rencontres de la BD à Bourg-lès-Valence en décembre et des interventions dans les lycées pour le prix littéraire des lycéens et apprentis d’Ile-de-France. L’aînée d’une famille de trois enfants aura à intervenir plusieurs fois dans cinq lycées des Yvelines pour, peut-être, figurer parmi la liste des huit finalistes.