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Feu

Publié le 18 août 2012 par Philippe Thomas

Poésie du samedi, 53 (nouvelle série) :

Fait chaud, non ? Et la canicule vous emballe ? Quoi qu’il en soit et quelle que soit la chaleur ressentie (un concept forcément subjectif), nos conditions climatiques  sont éminemment estivales… Du coup, cette chronique colle encore à l’actualité comme la chemise trempée de sueur à la peau du dos. D’où l’idée de remonter au principe premier qui cause cette chaleur, à savoir le feu… qu’il s’agisse du soleil ardent ou de l’ardeur vitale qui nous meut et nous consume…

On n’explique pas le feu, on le constate et on en constate les effets, chaleur, lumière, combustion... Le feu garde ainsi son mystère, sa dimension supra humaine. Il est même feu sacré, en des circonstances bien particulières, et encore plus difficile alors à approcher ou à ressentir. Je ne sais pas si je brûle aujourd’hui de ce feu là, mais au minimum je me sens chaud comme la braise… ;-)

Braise

Vous êtes jeune, sans mérite et sans faute, vous êtes braise, entièrement feu qui flambe en lui-même sans rien donner aux autres que la chaleur échappée de lui contre son gré et qui ne vaut pas autre chose que le suint naturel des aisselles ou de l’entre-cuisses, là où il faut se laver comme on se mouche, inutilement.

Gardez-vous de quoi vivre.

Heureux quand votre braise est étouffée après un temps très court, très vite étouffée dans cette immense eau morte, l’indifférence du reste, matières d’hommes, corps d’objets, quand elle siffle et crache et craque et fume pour s’éteindre sans rien laisser à voir qu’un charbon froid qui réserve ses forces, qui vous referme sur vous-même en attendant. Que l’eau morte se retire ou que vous puissiez seulement lui échapper et vous voilà prêt pour le prochain feu.

Gardez-vous de quoi vivre.

Tant pis pour vous si vous dilapidez ce feu pour chauffer l’air qui vous entoure, si vous brûlez au-dehors longtemps-longtemps, si vous vous prêtez à la petite semaine pour allumer de maigres flammèches de hasard, si vous essayez de faire durer votre ardeur sans but. Vous êtes impardonnable et sans excuse.  Une braise qui dure, c’est déjà de la cendre. Vienne alors quelque chose ou quelqu’un qui vaille qu’on se dévore et il n’y a plus rien à dévorer.

Gardez-vous de quoi vivre tant que vous êtes vivant et que votre fortune entière soit en votre vie.

Pierre Jakez Hélias (Pouldreuzic 1914 – 1995), La pierre noire (1974), in D’un autre monde (A-berz eur bed all), L’œuvre poétique complète, éditions Ouest-France 1991. Edition bilingue breton- français.


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