Reprenons par le commencement. Lyon, 4h du matin : un thermos de thé rempli et en avant vers Sixt-Fer-à-Cheval (en ce moment, je suis dans les noms fabuleux). A 6h30, j'ai le sac sur le dos, sur le parking du Lignon (1180m), un peu au-delà de la belle Cascade du Rouget. Il fait plutôt frais, et la montée dans la forêt en est rendue très appréciable - très facile. En fait, la randonnée est facile, avec ses 18km et 1000m+. Certes, les très nombreux randonneurs croisés lors de ma descente semblaient rivaliser de décomposition et de liquéfaction, mais ils n'ont pas profité du petit vent ni de l'ombre matinaux. Je maintiens pourtant que la randonnée est assez facile, la montée se faisant qui plus est par étages d'une cascade l'autre comme nous le verrons.
Cascade des Pleureuses
Avant même la première cascade - la Cascade des Pleureuses (1429m) - un randonneur observe des cerfs dans le pierrier en face. Ils sont 4 montés jusque-là et quelques minutes plus tôt, un chamois descendu lui jusque-là les accompagnait... Les pleureuses pleurèrent à chaudes larmes (fraiches), à en juger par le débit du Torrent de Sales...Cascade de Sales
Cascade de Trainant
Le sentier (une variante du GR 96) marque alors un petit replat avant l'étage suivant : la Cascade de Sales (1639m). On peut l'observer depuis le sentier incrusté dans la paroi rocheuse - ça peut être glissant s'il pleut, heureusement qu'il y a des rampes métalliques. Par temps sec, aucun souci. On poursuit dans les Gorges de Sales jusqu'à la Cascade de Trainant (1756m). Là, quelques lacets en rive du torrent (je repère le site comme idéal pour une petite pause-déjeuner au retour). Puis, la pente devient moins raide, et quelques marmottes se lèvent : c'est l'arrivée au Refuge de Sales (1870m).Le GR dans la roche
Là, un grand habitué des lieux m'attend. J'ai droit au topo naturaliste ! Ça met l'eau (qui vient de disparaitre puisque le torrent est souterrain depuis Trainant) à la bouche... Monté hier soir avec ses enfants, les bouquetins étaient sur le sentier... et une hermine est venue jouer. Les chamois sont souvent un peu plus haut, sur les arrêtes... Il y a aussi des fouines, des renards, un chevreuil et un lièvre variable qui se baladent dans le coin... Ce sera tout ? Non : au Dérochoir, il y a une marmotte célèbre depuis 3 ou 4 ans pour aller vers les randonneurs, à la recherche du sel sur les lanières des sacs-à-dos ou les mollets imbibés de transpiration. Et les oiseaux, qui sont des cons, certes, mais qu'on aime bien quand même ? Ici, c'est le territoire du gypaète barbu et ses 3m d'envergure ! Diantre ! Un couple d'aigles royaux et leurs 2 aiglons, nichant au-dessus de Sixt, viennent chasser la marmotte ici, parfois. Sinon : grand corbeau, vautour, chocard, etc. etc. J'apprends également que la marmotte ne crie qu'une fois lorsqu'elle avertit ses amies d'un danger aérien... de quoi repérer la trajectoire et prévenir l'arrivée d'aigles ou gypaètes...
On passerait bien sa journée dans le cirque en divagations et observations...
Raymond et les autres
M'enfin, pour le moment, je monte. Je traverse le Grand Pré (1914m), magnifique étendue herbeuse entourée de lapiaz. Et j'attaque la montée vers la Brèche du Dérochoir (2171m). Tranquille, très tranquille, même si les rayons du Soleil me frappent enfin à quelques encablures du sommet. Avant cela, il faut se traîner Raymond, le mouton, et ses amis, effrayés par mon arrivée. Ils s'enfuient... en suivant le sentier !... Plus cons que les oiseaux, eux... Il y en a un, un ! qui a fini par avoir l'idée de s'écarter du sentier - je passe, et le voilà tranquille. Les autres ont alors agi comme des moutons, ils ont suivi bêtement... la bonne idée !Lapiaz - crevasses
Bref... c'est vraiment remarquable, je veux dire : c'est extraordinaire comme l'Objectif du jour se dérobe littéralement jusqu'au dernier pas, le dernier ! Et pas question d'en faire un de plus : un à-pic de 300m nous attendrait depuis que la montagne s'est effondrée en 1751. Ah ! oui : pas question de faire cette randonnée par temps de brouillard, bien évidemment ! Rien que les lapiaz, qui forment des crevasses, constitueraient autant de guet-apens. Alors le Dérochoir...L'Objectif ? le Mont-Blanc. Là ! juste là ! juste en face ! Majestueux. Mont-Blanc le Grand. Rah ! C'est magnifique. Et on ne le voit donc qu'au dernier pas à faire avant la falaise...
Vue en arrivant à la Brèche du Dérochoir
La vallée...
Encore le Mont-Blanc...
Et lui, c'est qui ?
Deux montgolfières !!
La Pointe du Dérochoir : c'est là-dedans qu'on passe quand on monte de Plaine-Joux !
A-pic ou pas à-pic ? - Aiguille Verte (je crois)
Faut pas tomber là-dedans !?
C'est si beau qu'on pourrait rester là toute la journée. Je trouve en effet la fameuse marmotte, qui vient tout près... Tiens, des montgolfières. Oh ! des randonneurs dans le Passage du Dérochoir : on peut passer de l'autre côté, par un chemin très bien équipé apparemment, à la limite quand même de l'escalade, dans l'impressionnante falaise... Et voilà un grand bruit de battement d'ailes : le temps de se retourner, le Grand Corbeau avait plongé derrière... Mais les chocards arrivent... avec leur beau bec jaune. Il y en a même un qui se met à chanter ! Quand on pense à tout ce qui se vend aujourd'hui...
Un chocard arrive, très agile pour virevolter le long des falaises
Bah il est bagué, lui
C'est lui le chanteur
Plus tard en redescendant : ils sont nombreux... Parait même qu'ils volent parfois à 500 !
Je viens de voir passer une fouine... je me retourne : "Coucou" - la fameuse marmotte
"J'ai faim quand même, au revoir"
Je retrouve mon guide qui vient passer la journée ici avec ses enfants... J'espère qu'il aura vu passer le gypaète, ou quelque aigle royal... que la marmotte partie manger dans les herbages un peu plus haut sera redescendue voir les enfants...
Et moi, je finis par prendre le chemin - le même - du retour...
Le Grand Pré
Le Vallon de Sales
Quelques fleurs :