Faut-il s’extasier et tomber en pâmoison chaque fois qu’un compatriote publie un livre?
Je ne pense pas que ce soit là le meilleur service à rendre à la littérature de ce pays. Il faut savoir dire franchement et sans concession ce que l’on ressent à la lecture d’un livre que l’on a décidé d’évoquer.
Quand j’ai lu dans LIBERATION le papier que Habib Mazini a consacré à “HÉGIRE EN OCCIDENT” de Fawzi BOUBIA, paru chez les éditions MARSAM en début 2012, je me suis dit qu’ il fallait absolument que je lise ce roman!
L’ouvrage serait, selon Habib Mazini, ” lun vibrant hommage à l’Intelligence de tout bord” et l’auteur “professeur de philosophie s’efface devant le poète“.
Le plaisir semblait garanti, d’autant que Fawzi BOUBIA n’est pas n’importe qui. Diplômé des universités de HEIDELBERG (Allemagne) et la Sorbonne, il est professeur universitaire et l’auteur plusieurs ouvrages aux titres impressionnants en arabe, en français et en allemand publiés entre 1978 et 2007.
“Hégire en occident” constituait la première tentative de Fawzi BOUBIA en tant que romancier!
Mais pourquoi qualifier de “roman” ce qui en fait s’avère être une autobiographie !
Dans “HÉGIRE EN OCIDENT”, le professeur Fawzi BOUBIA - car le narrateur ne s’est jamais départi de sa personnalité en usant du JE – nous relate sa rencontre avec la langue allemande et plus tard avec la culture germanique, avant de revenir à ses racines et de rebondir sur son admiration pour son pays d’adoption.
Dans le début de son livre, l’auteur nous laisse entrevoir le commencement d’une réflexion sur la double ou triple culture, sur les difficultés du passages de l’une à l’autre. Le lecteur pouvait espérer une méditation sur le sort des immigrés, éloignée des poncifs habituels, trempés de misère et pétris d’exclusion.
Bien vite, Fawzi BOUBIA s’enlise dans ses souvenirs et tombe dans les clichés mille fois répétés d’une enfance à l’école coranique, d’une adolescence compliquée dans un lycée français, des difficultés d’intégration dans le pays hôte étranger. le tout saupoudré d’un léger nuage de sentimentalisme et d’une dose d’érudition.
L’ouvrage ayant été conçu et écrit au départ dans la langue de Goethe, sa version française, bien que réalisée par l’auteur lui-même, n’a pas la fluidité qui devrait caractériser ce genre de confidences.
Par ailleurs, étant donné la personnalité de l’auteur, je m’attendais à plus de profondeur et peut-être à beaucoup plus d’imagination pour un ouvrage publié sous le label “roman”.
De ce livre je retiendrais cependant cette phrase qui résume l’état d’esprit de l’auteur : “je voulais devenir Allemand, mais pas un teuton“. Fawzi Boubia finira par revenir s’installer définitivement au Maroc.
Pourtant, cette lecture n’est pas inutile ni sans intérêt : elle nous change de l’approche “francophone” de la littérature marocaine!