Rencontre avec le jeune prodige Worakls
Présenté comme l’espoir de la scène techno minimale française, Worakls surprend malgré sa jeunesse par une musique mature et travaillée. Rencontre passionnante avec ce parisien de talent.
Salut Worakls, tout d’abord, pourquoi ce nom ?
Salut Eat Art ! Ce nom est un dérivé du mot « Oracle ».
Comment est née l’idée de faire de la musique électronique ?
Faire de la musique à toujours été mon centre d’intérêt principal. J’ai commencé le piano très jeune et la musique m’a accompagné à chaque étape de ma vie. La musique électronique m’est apparue comme la continuité « logique » de cette passion. L’élément déclencheur à été d’écouter Eric Prydz jouer dans un club Parisien, c’est à ce moment la que j’ai su qu’il fallait que j’essaie moi aussi.
Quels enseignements garde-t-on lorsque l’on fini le conservatoire ?
Pour ma part je n’ai jamais réellement « fini » le conservatoire à proprement parler, je l’ai plutôt quitté ! Quitté en me disant que j’avais d’autres choses à apprendre en dehors du contexte scolaire. Par conséquent j’ai ensuite rejoint des formations de musique diverses dans lesquelles j’ai pu associer ce que j’avais appris et compléter cela par l’enseignement « garage » de mes nouvelles expériences. Pour finalement répondre à ta question, j’en garde énormément de choses, des acquis en tout genre qui servent encore la musique que je fait aujourd’hui !
Ca se passe comment le processus de création pour Worakls ? Es-tu assidu dans ton travail ou alors tout se passe au feeling ?
Oui je suis très assidu. Je travaille tous les jours une dizaine d’heures au minimum. Mais effectivement, le processus de création est toujours rythmé par mon humeur, j’ai toujours pensé qu’il était plus profitable à la musique de se servir un maximum de ses émotions. J’essaie toujours de les pousser, de les développer, de les extrapoler même, de manière a pouvoir les exprimer avec le plus de clarté possible !
Au niveau technique, sur quel software bosses-tu ?
Je ne travaille qu’avec Ableton Live. De manière générale je créé chaque instrument que j’utilise avec un synthé propre à Ableton qui s’appelle « Operator » mais quand j’ai besoin d’instruments réels comme des pianos, violons, cuivres etc. j’utilise des logiciels additionnels de manière à obtenir les sonorités les plus naturelles possible.
Tu as plusieurs EP à ton actif. Quand sortiras-tu un album ?
Je ne sais pas encore. Je trouve le projet très intéressant et j’ai hâte de m’y mettre mais pour le moment j’ai encore tellement à apprendre sur la production et tellement de chemin a parcourir que je ne pense pas que ce soit très urgent. Je voudrais vraiment que mon premier album soit une oeuvre à part entière et non pas juste un disque parmi tant d’autres. Je préfère donc ne pas me précipiter dans la gueule du loup pour pouvoir y aller armé le jour où je penserais avoir acquis suffisamment de maturité pour arriver à mes fins.
Tu es friand de remix et notamment, beaucoup de collaborations avec N’To. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Oui il y a eu une période ou je faisait beaucoup de remixs, mais depuis j’ai pris du recul par rapport à cela. Je me suis toujours considéré comme n’étant pas un bon remixer. La plupart des remixs que j’ai pu faire ne ressemblent que très peu ou même pas du tout à leur original. Je pense que bien des producteurs sont plus habiles que moi dans cet exercice, j’ai toujours eu du mal à respecter les règles, à suivre des lignes conductrices, j’aime déborder, déraper, et je pense que les remixs demandent beaucoup plus de rigueur que celle dont je fait preuve.
N’to est effectivement un ami, j’adore travailler avec lui ! On s’est rencontré juste après un festival à Montpellier (United) dans lequel on jouait tous les deux mais dans lequel on ne s’est pas croisé. Un peu frustré de cette « non rencontre », on s’est ensuite présenté mutuellement sur internet et on est devenu très vite amis ! Aujourd’hui on travaille beaucoup ensemble, on s’aide, se supporte, et c’est toujours un très grand plaisir que de partager des soirées avec lui ! Je pense qu’on à pas fini de travailler ensemble ! A suivre …
Tu es Parisien. Comment te positionnes-tu par rapport à la scène électronique parisienne ? Des clubs fétiches et des lieux à éviter ?
A vrai dire je ne sais pas du tout… Je viens effectivement de Paris, je suis né en région parisienne, y ai grandi, c’est la bas que ma famille vit, que je suis allé à l’école etc. mais en ce qui concerne le clubbing pour être tout à fait honnête il est très rare que je sorte pour « moi ». Quand je ne joue pas je préfère passer mes soirées avec mes amis dans un contexte plus privé. Je crois que la dernière fois que je suis sorti à Paris remonte à 3 ans en arrière… je suppose que ça a bien changé depuis !
Par rapport à ma position, je n’y pense même pas, je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, la scène électronique de tel ou tel endroit… Je pense qu’aujourd’hui, avec internet, ce n’est plus très important. J’essaie de faire la meilleure musique possible et qu’elle soit meilleure de morceau en morceau. J’essaie aussi de donner une bonne image de la France quand je joue dans d’autres pays mais je ne pense pas plus à Paris qu’à Montpellier, Marseille, Lyon etc…
De quoi se compose ton live ? Tu préfère plutôt te retrouver seul avec tes platines ou plutôt paillettes, écrans vidéos et spotlights ?
Pour le moment mon live est uniquement fait sur Ableton, mes morceaux sont découpés en plusieurs groupes d’instruments pour me permettre de les re-construire en live grâce à une APC40. C’est la façon que j’ai trouvé la plus simple et efficace pour commencer ma transition du dj set au live. Par la suite j’aimerai ajouter des choses, des instruments, des machines, j’ai des tonnes d’idées qui se bousculent dans ma tête par rapport au live, mais je ne veux pas griller les étapes. Je pense que le piège est de vouloir trop en faire et de se retrouver coincé dans un amas de technique qui serait particulièrement néfaste pour l’efficacité du rendu. Etant pianiste, la prochaine étape sera certainement d’inclure un piano ! Après le piano peut être un violon ? des violons ? un chanteur, une chanteuse ? Des chanteurs ? Une chorale ? Un orchestre ! Je ne sais pas mais j’ai vraiment hâte de m’y mettre ! Concernant les effets visuels, je trouve que dans certains clubs et festivals c’est très réussi ! Je pense que c’est un plus mais que ce n’est pas vraiment à moi de m’occuper de ça … Soit on est musicien, soit on est dj, soit on met des paillettes… chacun son métier !
Tu as l’air d’être un assidu des lives. Qu’en tires-tu comme expérience et est-ce un réel besoin pour toi ?
Des lives oui mais des shows en général ! Je suis vraiment dépendant des shows, de jouer, du contact avec le public ! En fin de la semaine je suis vraiment content de prendre l’avion et de savoir que je vais me retrouver face au public. Chaque prestation est toujours unique pour une raison ou pour une autre. Le contact si particulier qu’il y a entre les passionnés de musique, ce qu’on ressent quand une foule crie, applaudi, tout ça provoque des sensations qu’on ne retrouve qu’en faisant de la scène. C’est addictif, irremplaçable, c’est un sentiment de puissance et de faiblesse, le moyen de partager des choses très intimes sans jamais dire un seul mot, de l’énergie pure. Oui c’est un réel besoin pour moi !
Un live particulier qui te reste à l’esprit ?
Tellement de soirées qui me restent dans la tête … N’en citer qu’une serait une insulte pour les autres … Je profite toujours au maximum de chacune des opportunités que j’ai de partager ma musique. Peu importe le nombre de personnes, le lieu, la date…
Quel festival aimerais-tu faire en tant qu’artiste ? Et festivalier ?
Peu importe… Il y a des centaines de super soirées et festivals à travers le monde, j’espère pouvoir participer au maximum d’entre elles(eux) ! Découvrir des univers, partager le mien. Je ne suis pas très au courant de tout ce qui se passe dans le milieu, je passe beaucoup trop de temps entre mon ordinateur et mon piano … Mes managers pourraient répondre à cette question bien mieux que moi hahahah !
En ce moment, la mode chez les dj’s, c’est de créer son propre label. Qu’en penses-tu ? Est-ce une idée qui te trotte dans la tête pour ton avenir de musicien ?
Oui j’ai remarqué que beaucoup de djs créaient leurs propre label et je trouve que ça à des bons et des mauvais côtés. Le bon côté c’est que ce qui sort ou pas n’est plus choisi par une poignée de personnes comme à une certaine époque mais chacun à sa chance et tout le monde peu aujourd’hui rendre sa musique publique. C’est très enrichissant pour la musique car on peut se permettre de ne plus suivre les règles de style autrefois imposées par les grosses maisons de production. Par contre le problème est que la musique électronique est tellement accessible de nos jours que certains confondent un peu musique et jeux vidéos. Ce n’est pas parce qu’on achète un ordinateur et qu’on se compose un petit studio qu’on en devient musicien. J’entend de plus en plus de monde se plaindre du « système », dire que si on ne signe pas sur un gros label on ne peux pas vivre de sa musique. Se plaindre de ne pas avoir de dates, de dire que seuls les gros djs s’en sortent et les autres non. On a tellement démocratisé la musique que certains en oublient que c’est un métier et que ce n’est pas en « tripotant » son clavier midi deux ou trois fois par mois qu’on en devient musicien.
En ce qui me concerne, un jour, j’ouvrirai mon propre label, c’est une certitude. Je veux découvrir un nouvel aspect de la musique, ne pas me limiter à ce qui existe déjà, et pour ça j’aurai besoin de ma propre plateforme. Mais pas encore. J’ai d’autres priorités pour le moment.
Quels sont les artistes de la scène électro qui t’inspirent ? Et ceux des autres scènes ?
Les artistes de la scène electro qui m’inspirent sont Extrawelt, Gui Boratto, Kollektiv Turmstrasse et j’en passe…
La musique que j’écoute le plus fréquemment est celle de Hans Zimmer.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Faire de la musique ! Advienne que pourra !
Merci à Worakls pour son temps et sa bonne humeur aisément lisible dans cette interview. Il sera en concert le 22 septembre 2012 à Strasbourg au Studio Saglio et à Paris au Petit Bain le 29 Septembre 2012.
Julie Buda