Une fois par mois, un très très TRÈS personnel musée sonore d'incontournables albums qui ont su charmer mes oreilles au travers des années et qui le font toujours malgré le passage du temps vous sera offert sur ce site.
Habitués de ce blogue, vous savez que je suis très très intéressé par la zizik, forme de voyage facilement accessible et à peu de frais.
J'ai baptisé mon musée des albums incontournables de quatre mots tirés d'albums dont je ne causerai pas, conscient d'en avoir déjà assez causé ici.
Ils sont tous les quatres mémorables pour moi en ce sens qu'ils ont tous changé ma vie à leur façon. Ces quatre disques m'habitent complètement. J'en connais chaque son et ils me transportent encore de manière inexplicable dans des endroits toujours nouveaux même si les sons restent les mêmes. Ils atterissent juste à des endroits différents selon la météo mentale et physique.
"Blonde" pour Blonde on Blonde de Bob Dylan
"Idiote" pour The Idiot d'Iggy Pop
"Bassesse" pour Low de David Bowie
"Inoubliable" pour The Unforgettable Fire de U2
Par ordre de parution.
J'aurais pu rajouter The Suburbs d'Arcade Fire.
(tiens je viens de vous faire un top 5 vite fait sans m'en rendre compte!)
Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable, ç'est B.I.B.I., c'est-à-dire: moi.
C'est aussi la terminaison finale du mot "habibi" qui, en Irak, veut dire "mon amour".
Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable, c'est également parce que ça pourrait évoquer une maitresse, une erreur commandée par une appendice précise du corps.
Ce que la musique est très souvent.
Quand elle reste inoubliable pour les bonnes raisons.
KID A de Radiohead.
Octobre 2000.
Radiohead avait signé trois albums, tous trois très populaires et qui ont entrainés de longues tournées épuisantes pour le band. Particulièrement pour son principal compositeur Thom Yorke qui luttait contre la dépression et la fatigue mentale.
Micheal Stipe, chanteur du groupe R.E.M., avait donné quelques trucs à Yorke pour lutter contre la pression: créer. L'influence de Stipe reviendra plus tard. Yorke, membre d'un band techno à l'université, sentait qu'il avait fait le tour du jardin avec des morceaux rocks de trois-quatre minutes, il replonge alors dans l'univers techno qui avait bercé sa jeunesse. Il propose au reste du band d'utiliser sa propre voix comme un instrument et demande aux autres d'interchanger leurs instruments habituels ou d'accepter de se rendre utiles sur des morceaux où ils ne jouent aucune note. L'idée prend du temps à passer mais elle passe. Les frères Greenwood, Jonny (guitares, claviers et instruments bizarres) et Colin (base) acceptent tout de suite. Ed O'Brien (guitare) et Phil Selway (Batterie) prennent plus de temps.
Après avoir composé 30 morceaux en 1999 et avoir passé une année (1998) à produire des morceaux pour mieux les détruire par la suite, Yorke choisit, contre l'avis du band, de ne pas mettre sur le marché un album double mais deux albums (le tout aussi excellent second paraitra trois mois plus tard). Le groupe se sépare pratiquement sur le choix et l'ordre des chansons à faire paraitre en premier mais résiste et signe un album anticonformiste, sans single, avec une promotion presque toute internet.
Non seulement le son est plus techno et aérien mais il est aussi plus audacieux.
Pour mes oreilles il était et reste encore merveilleux.
Le premier morceau est inspiré de l'année 1998 où Thom Yorke s'est trouvé incapable de parler, en fatigue mentale excessive en pleine tournée. Ed O'Brien savait tout de suite que c'était un morceau important puisque c'était le premier que Yorke avait composé sur un nouveau piano au beau milieu de la nuit. C'est aussi le premier de l'album, une lente ascencion écrite en 10/4 (!!) vers un nouveau son. Atterissage sur une nouvelle planète.
La pièce titre est la seconde. Un étrange morceau qui mêle instruments pour enfants, mélodie tout aussi enfantine et la voix distortionnée de Yorke. La batterie traine ici et là. Rien à voir avec le Radiohead de 1997, 1995 ou encore 1993.
The National Anthem est fascinant. C'est Yorke qui est à la base là-dessus. Jonny Greenwood, seul membre du groupe à avoir étudié la musique, y joue des ondes martenot. La fin de la chanson est une tentative avouée de sonner comme Charles Mingus.
La quatrième pièce a fortement été influencée par Micheal Stipe. Certaines lignes sont carrément les propos tenus dans l'échange avec Yorke. Elle fait aussi référence à l'étrange Scott Walker dont il faudra que je vous parle un jour. Creep traitait aussi de ce même chanteur qui a (entre autre) énormément inspiré Bowie. Finalement, c'est aussi l'effet aérien d'un rêve, où Yorke flottait dans les airs, que les membres ont tenté de reproduire ici. Un chef d'oeuvre.
Treefingers est instrumentale, sauf à deux courts moments dans la chanson où on entend la voix de Yorke. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, tous les sons ont été produits avec une guitare. L'esprit de Brian Eno rôde ici.
Optimistic débute avec une guitare et est l'une des rares à être conduite par le rythme de celle-ci. Ceux et celles qui s'ennuyaient de l'ancien son du band y retrouvent ici quelques repaires.
Le septième morceau a la signature d'une valse (signée en 3/4) et propose de belles prouesses à la guitare de la part de Jonny Greenwood.
Idiotheque a tout de suite été ma préférée de l'album. La musique est samplée d'un album de sons électroniques des années 70 découvert par Jonny Greenwood et de musiques de Paul Lansky et d'Arthur Kreiger. Yorke y applique un texte sous le principe du collage qu'aimait tant William S. Burroughs. Is this really happenning? Ligne de Micheal Stipe again. En spectacle cette chanson n'a jamais les même paroles.
Morning Bell est une chanson extraordinairement violente du propre aveu de Thom Yorke. Écrite encore avec une signature temporelle fort étrange (5/4) déroutant toute les conventions habituelles. J'adore.
La pièce qui clotûre l'album est un petit bijou joué à l'harmonium. Un morceau hanté voulant copier la musique des films de Walt Disney des années 50.
Pour amateurs d'aérien, d'audace, d'Aphex Twins, Can, Faust, Neu!, pour amoureux du jazz de Mingus, Alice Coltrane et Miles Davis, des jeux de voix de David Byrne des Talking Heads et des sons d'Underworld.
12 ans plus tard, toujours planant-plaisant.