Envoyer Imprimer Newsletter
l’instar d’ENRON en 2001, ces scandales ont favorisé une législation financière plus stricte, plaidant notamment pour une transparence et une connaissance des clients accrues, à l’image du dernier volet de la directive pour la lutte anti-blanchiment de capitaux entrée en vigueur en 2005.
La compliance, fonction connexe
Sur fond de gestion des risques, ces récentes réglementations (Bâle II…) ont été, de manière générale, traduites contextuellement par les services juridiques des banques et déclinées opérationnellement par leurs directions des risques, le contrôle interne en vérifiant la bonne application. Au-delà de ces fonctions, la considération des risques opérationnels dans le cadre de la réglementation bâloise et plus généralement le risque de non-conformité requièrent une gouvernance connexe mais distincte, à savoir la fonction « compliance ». Communément traduite par le terme de « conformité », celle-ci dépasse et englobe la notion courante de « déontologie », focalisée sur le respect des règles de bonne conduite au sein de l’organisation et vis-à-vis des tiers bancaires, et surtout moins encadrée juridiquement. Précisément, la compliance veille à ce que la banque agisse conformément à ses propres règles, à la législation en vigueur, au code de conduite, ainsi qu’aux bonnes pratiques afin d’éviter tout risque d’irrégularité dans le fonctionnement de l’Institution, de ses organes et de son personnel[1]. Dès lors, dans un contexte où la déontologie est ancrée dans le quotidien des banques privées depuis plusieurs décennies, la conformité s’est développée parallèlement voire en la supplantant pour y occuper une place toujours plus importante.
Une organisation dédiée
De part sa nature, le métier de gestion privée est soumis à des obligations déontologiques fortes dans un environnement réglementaire contraignant. Les banques privées ont su adapter leurs organisations en conséquence en développant une « filière compliance » déployée à travers leurs différents échelons et entités géographiques. La conformité se décline également dans leur système d’information. Les outils mis à la disposition du front office sont aujourd’hui paramétrés de façon à détecter les transactions révélant un risque de non-conformité. Reste que la législation varie d’un pays à l’autre, même au sein de l’Europe, et de facto complique l’adaptation du SI dans un contexte de mutualisation des systèmes.
De la sorte, les banques privées ont su instaurer une culture vouée à la conformité à travers leur organisation, indépendamment du niveau de responsabilité et de l’activité de ses acteurs, avec à l’appui des moyens concrets (ex : diffusion de « best practices » développées en interne ou en collaboration avec d’autres banques afin de mieux appuyer la lutte anti-blanchiment, etc.) en complément des règles plus implicites dictées par la déontologie stricto sensu. La collaboration au quotidien entre gestionnaires de fortune et compliance officers ou encore les formations axées sur la réglementation participent largement à la diffusion d’une telle culture. Tout cela doit permettre d’éviter des défauts de service souvent liés à des problèmes de communication sur la conformité.
Un rôle clé face à l’émergence des risques opérationnels
Ainsi, les différents acteurs d’une banque privée participent à l’efficience de la fonction et plus particulièrement au verrouillage des risques d’activité et de réputation. Le premier découle de l’utilisation d’instruments toujours plus complexes ou comportant des risques spécifiques (gestion alternative, dérivés de crédits, etc.). Les petites sociétés de gestion de portefeuille, souvent dépourvues de fonction de tenue de compte ou encore de dépositaire d’OPCVM, y sont moins exposées que les grandes banques privées à l’image de SG Private Banking ou BNP Paribas Private Banking en France. Le deuxième, également appelé risque d’image, correspond au risque potentiel de perte de valeur de l’entreprise suite à la réalisation d’un risque opérationnel et représente à l’heure actuelle une des principales préoccupations des banques privées. En effet, bien plus que la banque de détail, la banque privée construit son succès sur sa relation avec ses clients et leur perception de la banque dont l’image peut constituer jusqu’à 80% de la valeur.
La compliance, source d’avantage concurrentiel
Néanmoins, comme en témoigne le risque de réputation, difficilement matérialisable, quantifier la valeur ajoutée de la filière compliance est complexe. Alors que de nouveaux risques opérationnels se profilent, l’erreur consisterait à la reléguer au second plan au prétexte que les instances de contrôles existantes (risques, juridique, contrôle interne) suffisent pour les prendre en charge. La plupart des banques privées l’ont assimilé puisque sept organisations sur dix considèrent que la fonction permet de réduire voire éliminer les coûts de non conformité[2]. L’intégrer au cœur de la relation avec les tiers peut même leur permettre de se constituer un avantage stratégique. D’une part, les clients exigent de leur banque privée une intégrité et responsabilité financière accrues, des valeurs défendues par la filière compliance. D'autre part, en rendant visible l’intervention du département compliance, les gestionnaires peuvent renforcer leur relation de confiance avec le client et démontrer qu’il dispose d’interlocuteurs de confiance en cas de litige. Bien entendu, cette intervention restera équilibrée pour ne pas aller à l’encontre de la productivité des gestionnaires.
Qui dit équilibrée ne signifie pas limitée. Bien au contraire, il est parfaitement envisageable qu’à l’avenir, le périmètre d’intervention de la fonction s’élargisse, au sein de la banque privée comme dans les autres métiers de la banque (banque d’investissement, banque de détail, gestion d’actifs). Celle-ci pourrait dépasser le cadre réglementaire et déontologique pour englober les valeurs éthiques et sociales, répondant ainsi aux nouvelles exigences des clients et des actionnaires, entre autres…
[1]Au sens de la CEB (Banque de Développement du Conseil de l’Europe)
[2]Cf. étude PriceWaterHouseCoopers « Leveraging Compliance and Risk Management for strategic advantage »
Articles dans : Stratégie, Analyses de l'actualité