Marketing de l’assurance : Des conseillers sous pression?

Publié le 16 août 2012 par Damienamselem

Les articles dénonçant certains travers des assureurs (ces derniers ne sont certes pas toujours exempts de défauts) ne sont pas légion sur le web, aussi ne vais-je pas me priver de relayer ce petit billet publié sur Carfree voici une quinzaine de jours. Vous l’aurez compris, (si ce n’est pas le cas vous le saisirez immédiatement en vous rendant sur leur site) ; CarFree n’est pas à proprement parler un site d’aficionados de la voiture, leur position la moins radicale consistant à prôner un usage responsable et modéré de nos amis à quatre-roues. L’auteur du billet en question, accuse tout simplement les assureurs de créer des besoins, de susciter des désirs de protection, qui n’ont pas franchement lieu d’être, bref de maintenir les consommateurs dans un état d’illusion pour mieux leur vendre certains produits. Le plus intéressant c’est que l’auteur de l’article n’est pas un “monsieur tout le monde” qui nous donnerait sa vision de l’assurance, mais d’un salarié d’une “mutuelle d’assurance très connue” : pour résumer quelqu’un qui sait très bien de quoi il parle.

Marketing direct

Principal motif de cette ire rédactionnelle : la tendance – il est vrai récurrente – des assureurs à vouloir assortir leurs contrats de base de tout un ensemble de services, d’options et de garanties complémentaires. Les conseillers “amicalement encouragés par leur direction” saisiraient un peu trop “l’opportunité du « contact client » pour susciter le désir ou le besoin chez l’assuré d’un « équipement » supplémentaire” ; cette notion d’équipement renvoyant donc aux classiques notions de garanties et de services qui sont annexés au contrat de base.

Mettre la pression

Il est vrai que le contact avec le client est toujours une opportunité de lui caser une garantie, un produit, ou un service supplémentaire : C’est une des facettes du marketing direct, et les conseillers d’assurance sont formés à cet effet. Ils sont même motivés – pour certains – par des primes couplées à la réalisation d’objectifs. Pire encore – une tendance récente – une pression certaine peut s’exercer sur les salariés s’ils ne remplissent pas certains objectifs… Les assureurs via leurs gestionnaires d’équipes mettent alors la pression sur les conseillers pour qu’ils placent tel ou tel type de produits ; invitant même ces derniers dans un exercice qui confine à l’autocritique schizophrène à s’auto-évaluer en complément des procédures de tracking mises en place par les directions et les services concernés… Tous les assureurs ne recourent pas à ces pratiques heureusement, les moins agressives en la matière étant le plus souvent les mutuelles relevant du code de la mutualité ( à ne pas confondre avec les “mutuelles d’assurance”) essentiellement spécialisées dans la santé.

Taux de résiliation plus bas pour les assurés “suréquipés”?

Selon l’auteur du billet “Plus un client est « équipé », plus les chances de résiliation diminuent ; c’est statistique”. Si cette assertion est exacte, cela confirmerait donc la thèse des assureurs que les services et garanties supplémentaires doivent (et apportent) une valeur ajoutée au client… mais on peut aussi retourner l’argument : peut-être que les clients suréquipés sont précisément ceux pour lesquels le coût de l’assurance est moins problématique, et qui ont donc moins tendance à recourir aux comparateurs et à résilier…

Les outils pour convaincre le prospect

De nombreuses techniques argumentaires sont à la disposition des conseillers, ces dernières sont savamment élaborées par des professionnels du marketing : Notre auteur cite quelques des bons vieux tuyaux (rien de bien nouveau sous le soleil) :

  • On cherche à susciter le désir de prévoir l’avenir ; d’une maîtrise des évènements au final. Maîtrise forcément illusoire et pouvant mener à bien des déconvenues, a fortiori quand l’assuré n’a pas cerné le détail des exclusions de garanties…
  • La culpabilisation : On montre du doigt (L’auteur cite l’exemple des contrats de prévoyance et autres assurance décès) ;  on met l’accent sur les enfants (financement des études), la famille (dépendance)…
  • Faire peur : Faire émerger une sensation d’inquiétude pour un risque de toute façon infinitésimal ;

Contradiction apparente?

Comme le note l’auteur de notre billet, alors que le marché de l’automobile est en chute libre (en particulier les véhicules neufs), les assureurs demande à leurs conseillers de produire plus de contrats… Mais peut-être y-a-t-il précisément une relation de cause à effet entre ces deux données : Devant l’assèchement du marché, et ce point n’est pas valable que pour l’assurance auto, l’un des débouchés des assureurs pour créer des ressources supplémentaires est précisément d’étendre le spectre des garanties et des options, et de créer notamment grâce à ces dernières de nouveaux produits favorisant la segmentation.

Le rôle de la récompense dans le processus de fidélisation

Enfin il est fait allusion dans le billet à d’autres aspects liés à la récompense : Les assurés ne dépassant pas un certain nombre de kilomètres bénéficient d’une remise, de même que ceux qui disposent d’un forfait de transport en commun… Ces modèles vertueux basés sur le comportement et le principe de récompense/punition sont  promis à un grand développement avec l’arrivée des assurances recourant à la télématique : les fameux contrats “pay as you drive” qui nécessite l’incorporation d’un petit boîtier sur le véhicule. Avec ces contrats qui recueillent certaines informations sur la conduite des assurés, grâce à l’utilisation d’une batterie de capteurs intégrés dans le véhicules, il est déjà (et sera de manière grandissante) possible d’adapter les tarifs au comportement des assurés. Une seule limite : L’accord des assurés (mais auront-ils le choix face à des tarifs prohibitifs en cas de refus) et le cadre réglementaire dont il reste à connaître l’évolution…

Les limites…

Quelles sont les limites en matière de produits d’assurance? Infinies serions-nous tentés de dire. Plus sérieusement, il est notoire que les assureurs sont en recherche active de “nouvelle matière assurable” : c’est un des éléments phares de leur croissance (on parle d’innovation voire d’invention produit).  L’auteur du billet cite quant à lui l’exemple du marché florissant des assurances adossées à des crédits de consommation, mais nous pourrions parler aussi des assurances “protection juridique”  ; des assurances “e-réputation” : les nouvelles pratiques, innovations, et inventions du monde (pour ne pas parler des données “physiques” du monde tel que le changement climatique) dans lequel nous vivons engendrent de nouveaux besoins, ces derniers étant supposés ou réels, là est tout le problème…

Le “défaut” d’assurance : Un risque difficilement assurable?

Mais comment s’assurer contre les limites diverses et variées de ces mêmes assurances? Devant l’explosion du nombre de litiges qui sont portées devant les différents médiateurs des assurances par les consommateurs, la question n’est pas si incongrue… Comment se prémunir contre les risques là encore multiples et variés non couverts par les assurances, les fameuses “exclusions de garanties” dont une énorme partie des assurés ne prend pas la peine d’examiner au moment de la signature de leur contrat?


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