La tension était encore palpable mardi après-midi à Amiens (Somme).
Après les violences urbaines qui ont opposé une centaine de jeunes et des policiers,
dans la nuit de lundi à mardi, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, s'est fait huer et prendre à partie par des riverains en colère, à son arrivée dans les quartiers Nord de la ville.
Parmi eux, Youssef, 25 ans, a tenté d'apostropher le ministre, pris au milieu d'une bousculade, lui demandant de «répondre à ses questions». Pas de réponse du ministre, qui s'est engouffré sans tarder dans les locaux de la mairie du quartier. D'après le site du Courrier Picard, une caméra de France 3 a été cassée dans la cohue.
Lors d'un point presse, Manuel Valls, les traits tirés, a fait part de sa stupéfaction devant un tel niveau de violence à l'égard des populations, mais aussi des policiers. «Rien n'excuse qu'on puisse utiliser des armes, tirer sur les forces de l'ordre et brûler des équipements publics. Le message que je suis venu faire passer ici, que j'adresse aux élus, avec qui je souhaite travailler, est un message d'ordre républicain. La loi, l'ordre républicain et la justice doivent retrouver toute leur place, ici, à Amiens», a déclaré le ministre de l'Intérieur, en proie à de nombreuses critiquesaprès l'évacuation de plusieurs camps de Roms ces derniers jours.
VIDEO. Manuel Valls chahuté à son arrivée à Amiens-Nord
Comme pour répondre à ceux qui le comparent à Nicolas Sarkozy, qui fut lui aussi ministre de l'Intérieur, Valls a fait allusion à une célèbre formule de l'ancien président. «Je ne suis pas venu pour qu'on passe au Kärcher ce quartier. Je ne suis pas venu pour mettre en cause une communauté, des jeunes dans leur ensemble, je suis venu dire qu'ici (...) la loi et la justice doivent passer. Il ne peut pas y avoir dans notre pays une autre réponse», a-t-il précisé. Le ministre s'est ensuite rendu devant l'école maternelle Voltaire, entièrement ravagée par les flammes la nuit dernière, puis au commissariat pour un entretien privé avec les CRS présents et blessés durant les émeutes. En début de soirée, le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'il envoyait une centaine de policiers en renfort cette nuit à Amiens pour parer à d'éventuels nouveaux heurts. Au total, 250 agents seront mobilisés.
Dix-sept policiers blessés
La plupart des habitants du quartier, eux, n'ont pas fermé l'oeil de la nuit. Lundi soir, vers 23 heures, une centaine de jeunes ont mis à sac tout le secteur, incendiant des poubelles et des voitures, élevant des barricades pour empêcher l'accès à plusieurs rues. Lorsque les forces de l'ordre sont intervenues, la violence est montée d'un cran encore. Les riverains ont assisté, tapis dans leur maison, à de véritables scènes de guérilla urbaine.
Environ 150 policiers ont répondu pendant plus de trois heures aux tirs de chevrotine, de mortiers et aux jets projectiles par des tirs de gaz lacrymogènes et de gomme-cogne. Un hélicoptère de la gendarmerie et des CRS ont été appelés en renforts, d'après le Courrier Picard. Au cours de ces trois heures de violence, une école maternelle a été saccagée et en partie incendiée et un centre sportif communal entièrement détruit. Un bureau de la police nationale a également été saccagé. Marc Richez, du syndicat de police Synergie Officiers, cite parmi les bâtiments touchés «le réfectoire d'un collège» et «une salle de musculation».
«On a trouvé dans les constatations sept douilles de cartouches calibre 12. Donc ils ont bien tiré avec des armes à feu sur les forces de police», rapporte encore le syndicat. Au total, dix-sept policiers ont été blessés. La facture des dégâts matériels s'élève à plusieurs millions d'euros. Pour l'heure, la police n'a procédé à aucune interpellation.
VIDEO. Retour sur l'attaque du poste de police «Ils ont tiré à balles réelles sur les forces de l'ordre»
Gilles Demailly, maire PS d'Amiens, est sous le choc. Il décrit des «scènes de désolation» avec «partout des poubelles et des voitures brûlées». «Il y a des incidents réguliers, mais cela fait des années que je n'ai pas connu une nuit aussi violente avec autant de dégradations», déplore-t-il, ajoutant que «ça fait des mois» qu'il réclamait des moyens «car la tension montait dans le quartier».
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a promis la «plus grande fermeté» de la part du gouvernement contre les auteurs de «ces faits inacceptables». «On s'attaque à des policiers avec des armes à feu, on brûle des équipements publics qui sont indispensables aux populations de ces quartiers populaires, on fait peur à des gens», s'insurge le ministre, qui insiste : «La République et l'Etat de droit ne peuvent pas l'accepter.»
Le quartier est classé parmi les 15 quartiers les plus difficile en France. Son inscription récente en«zone de sécurité prioritaire» prévoit d'y renforcer la présence policière et le dispositif de sécurité à la rentrée.
AUDIO. Michel, agressé lundi soir à Amiens : «On se serait cru dans un western»
Dimanche dernier, déjà, des heurts entre policiers et une soixantaine de jeunes avaient éclatédans ce quartier sensible d'Amiens. Un contrôle routier de la brigade anticriminalité (BAC) s'était transformé en affrontement et les forces de l'ordre avaient procédé à des tirs de flashball et de gaz lacrymogènes. Une intervention jugée «excessive» par certains riverains, alors que la famille et les proches d'un jeune homme de 20 ans, mort jeudi après un accident de moto, étaient réunis à proximité pour une cérémonie de deuil. L'intervention fait l'objet d'une enquête administrative diligentée par la préfecture.
Manuel Valls a d'ailleurs rencontré la famille de la jeune victime et des jeunes du quartier qui ont mis en cause l'attitude des policiers lors de ce contrôle.
«On veut des sanctions contre les policiers qui n'ont pas respecté le deuil, c'était de la provocation, on nous a considérés comme des animaux», a déclaré la mère du jeune homme.
VIDEO ITELE. Que s'est-il réellement passé à Amiens ?
LeParisien.fr