“Et puis c’était curieux de s’intéresser de cette façon à l’oeuvre d’un peintre disparu, à un tableau en particulier. Deux reconstitutions d’un Déjeuner sur l’herbe à quelques semaines d’intervalle, ça ne pouvait pas être un hasard ni une coïncidence. Cela ne pouvait qu’être l’oeuvre d’un seul individu, même si l’une et l’autre étaient distantes de plusieurs centaines de kilomètres. Comment une oeuvre d’art pouvait-elle provoquer une telle passion et inspirer un tel crime ? Etre à l’origine d’un homicide ?”
Tout commence avec la découverte d’un meurtre atroce dans une maison de campagne. Cet assassinat défraie quelque peu la chronique puisqu’il est organisé comme une scène, et s’apparente à la reconstitution du célèbre tableau d’Edouard Manet, Le Déjeuner sur l’herbe.
Nous sommes à la fin du XIX ème siècle. Les découvertes de Pasteur, de Charcot et d’Esquirol bouleversent alors le monde médical. Jean Corbel est un médecin de campagne, soucieux de la guérison des ses patients, et vivant un bonheur tranquille auprès de Sibylle, sa compagne… Jusqu’au jour où la mystérieuse et envoûtante Obscura fait irruption dans son cabinet, semant le trouble autour d’elle et plus particulièrement dans l’esprit du docteur. Obscura vient tout juste de quitter une maison close et ressemble trait pour trait à Victorine Meurent, l’un des principaux modèles de Manet… mais aussi à Sibylle. Obscura lui avoue d’ailleurs qu’elle a participé à un tableau vivant, à une reconstitution d’un tableau de Manet, à la demande d’un client. Peu à peu, Jean se laisse emporter dans une sombre affaire qui le dépasse et qui va peu à peu faire basculer tous ses repères …
J’ai beaucoup apprécié l’atmosphère de ce roman, que l’on pourrait envisager comme un prolongement des oeuvres de Zola. L’aspect documentaire est assez présent (peut-être un peu trop en ce qui concerne l’état d’avancement de pourriture d’un cadavre… Je ne suis quasiment jamais choquée par ce que je peux lire, mais cette fois-ci je n’ai pas pu lire la page concernée !).
L’aspect documentaire de ce thriller touche en particulier la médecine de la fin du XIXème. Si Jean est un médecin du corps, il a son double dans le roman, le médecin de l’âme, Gérard, aliéniste, à l’hôpital de Lamballe dirigé par l’éminent Dr. Blanche. Si l’hydrothérapie violente est une pratique courante, à cette époque, certains professionnels commencent à s’intéresser vraiment aux cas des patients et à accorder du crédit à leurs propos, pour pouvoir mieux les soigner.
Je terminerai ce billet en citant Gérard de Nerval “Le monde est plein de fous et qui n’en veut pas voir doit rester dans sa chambre et fermer son miroir.” !
Obscura, de Régis Descott, un très bon thriller, bien écrit, et bien documenté : à conseiller !
Billet rattaché aux challenge Psy (Métaphore) et Thrillers (Liliba).
Pour prolonger cette lecture : Clara et la pénombre, de Somoza…