Lorsque les petits enfants meurent,
Et la mort choisit les plus beaux !
Tandis que leurs mères demeurent
À pleurer près des berceaux,
Eux, laissant au fond de leurs bières
Les langes à leurs bras raidis,
Quittent la nuit des cimetières
Et s’en vont droit au paradis.
Et vers la cité souveraine,
Tout nus, et frissonnants un peu,
Ils avancent, posant à peine
Leurs pieds roses sur le ciel bleu.
Ce que voyant, la Vierge Mère
À leur dénûment compatit,
Songeant aux douleurs de la terre
Lorsque Jésus était petit.
Et, tout de suite à sa quenouille,
Mettant un coton de satin,
Elle dévide un fil que mouille
L’haleine humide du matin.
Puis, le soir étant venu, Notre-Dame
Prenant les cieux pour marchepied,
Pour la tisser étend sa trame,
Pour la tisser, elle s’assied,
Et comme une blonde navette,
On entrevoit sans se lasser,
Entre la brume violette,
Passer la lune et repasser.
Et dans l’étoffe des buées,
Près d’elle, de beaux chérubins
Taillent des robes de nuées
Dont ils revêtent les bambins.
Bientôt sous leurs fines toilettes,
Les enfants vont, drus et joyeux,
Dans les lis et les violettes
Jouer par les grands prés des cieux.
Et, les voyant, la Vierge Mère
À leurs beaux rires applaudit,
Songeant aux bonheurs de la terre
Lorsque Jésus était petit.
Louis MERCIER (1870-1935).
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