Dans un de ses articles sur le dernier opus du jeu video Lara Croft, voici ce qu’écrit Joystick Magazine à propos de la tentative de viol de l’héroïne : « faire subir de tels supplices à l’une des figures les plus emblématiques du jeu video, c’est tout simplement génial. Et si j’osais, je dirais même que c’est excitant« .
Revenons tout d’abord sur l’idée que « violer Lara Craft est une idée géniale ». Si géniale que, depuis la Bible, en passant par Angélique marquise des anges, Orelsan et autres, l’idée perdure et est vue et revue. La littérature, le cinéma, la télévision regorgent de femmes qui sont violées et qui sont vengées ou, plus rarement, se vengent. Bien évidemment violer un personnage aussi fort symboliquement parlant que Lara Croft n’a rien d’anodin, le public, encore essentiellement masculin, pourra s’identifier au preux chevalier qui va défendre sa demoiselle.
Femme avant un viol (Irreversible, Noé).
Parlons ensuite de cette fameuse excitation autour du viol qu’aurait ressentie notre journaliste devant cette scène. Le viol a toujours été été représenté dans nos sociétés occidentales de façon très esthétisée. Suzanne et les vieillards, le viol de Lucrece, Leda et le cygne peuvent être vues comme des répresentations esthétisantes et excitantes du viol.
Il ne s’agit pas de se demander s’il est mal d’être excité devant un viol mais de comprendre très exactement de quoi on parle.
Le porno mainstream regorge de fausses scènes de viol où la femme après avoir vaguement dit non finit toujours par dire oui (ou tout au moins par se taire ce qui suffit généralement). Qu’on ne s’y trompe pas, je n’accuse pas spécialement le porno mainstream d’être responsable de quoi que ce soit. Comme la publicité il ne fait que refléter les grandes tendances d’une société à un moment donné ; s’il est aussi sexiste c’est parce que la société l’est.
« La salope se fait violenter de tout les côtés dans cette simulation de viol mais comprend bien que ainsi, elle ne sera pas dénoncer à la police. Notre vigile est un gros malin et lui propose le deal de ne rien dire si elle ne dit rien non plus. »
« Une jeune salope va ici se faire agresser et violer par un pervers dominateur et cela en pleine rue, une longue vidéo de sexe sous la contrainte »
Cette esthétisation du viol vend au final l’idée que puisque le viol est quasi inéluctable (une femme sur 5 dans le monde qui en est victime) autant en prendre son parti et vivre cela comme un acte sexuel parmi tant d’autres, donc aussi excitant qu’un acte librement consenti par tous les partenaires. Et au fond, en fermant un peu les yeux, on confondra des cris de souffrance avec un orgasme.
Le viol n’est pas un acte sexuel ; même s’il prend ce biais, il est un acte de violence sur lequel personne ne fantasme (à moins que l’évocation d’un vagin ou d’un anus déchirés vous excite en ce cas je vous conseille de rapidement consulter).
Voir le viol comme excitant c’est se placer, typiquement, dans ce qui a été appelé la culture du viol ; faire d’un acte misogyne et violent un acte normal, banal et excitant. C’est nier que la victime a une existence, des désirs qui ne sont pas pris en compte dans l’excitation de l’autre. Comme le montraient nos « scenario » de scènes porno, la victime est de toutes façons une salope qui, au fond, ne demandait que cela.