Histoire du cinéma coréen (Part I)

Publié le 14 août 2012 par Zimmer

En France, depuis environ une décennie, on entend parler du cinéma coréen. Certains films coréens ont connu un vrai succès en dehors du cercle des initiés du 7eme art. Il s’agit d’une nouvelle découverte pour le public étranger. C’est tellement nouveau que, même dans des livres consacrés à l’histoire du cinéma, celui de la Corée n’a pas eu droit d’être cité, à l’instar de beaucoup d’autres cinémas non-occidentaux. (Selon certains critiques, le livre de Jean-Luc Godard « Histoires du Cinéma », n’aurait ainsi pas même mentionné l’existence de ces cinémas).

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Avec un peu d’exagération, pourrait-on faire une analogie avec la grande découverte de l’Amérique ? Avant la ‘découverte’, les amérindiens existaient avec leurs propres organisations sociale et culturelles, depuis bien longtemps...

Une photo de Séoul 1903

Tandis qu’à Paris les frères Lumière ont commencé en 1895 à organiser leurs premières projections publiques cinématographiques, à Séoul le public coréen découvrait dès1903, des images animées de court métrage. Ces projections attiraient chaque soir environ un millier de spectateurs (à cette époque, la population de Séoul avoisinait les 200 000 âmes). Comme dans d’autres pays, le thème de ces projections cinématographiques était souvent le voyage – les paysages de Séoul ou des pays étrangers.

Résistant et réalisateur NA Woon-Kyu


Malgré l’occupation par l’empire japonais (1910-1940), certains cinéastes pionniers ont réussi à produire des films. Entre 1926 et 1935, le cinéma muet coréen était à son apogée. Le film « Arirang »* de NA Woon-Kyu réalisé en 1926, est considéré comme une manifestation de la résistance artistique, en mettant en scène la fin tragique de jeunes gens sous l’occupation japonaise.

Un extrait du film Arirang

A partir de 1935, l’Asie dans son ensemble a plongé dans la guerre (en Occident, elle s’appelle la deuxième Guerre mondiale – la première guerre mondiale était pourtant essentiellement occidentale - tandis qu’en Asie, c'était la guerre du Pacifique) et la production du film n’était plus une priorité.

Beaucoup de jeunes coréens ont été envoyés au front
par l'armée japonaise occupante.


A peine après avoir savouré le début de l’indépendance (1945), le premier 'Hot Spot' de la Guerre froide en grandeur nature, se déroula sur la péninsule coréenne (1950 – 1953) avec la division du pays entre le Nord et le Sud comme conséquence.

Séoul 1953

Le paysage cinématographique coréen a commencé à reprendre vie à partir de la deuxième moitié des années 50. Une école spécialisée pour le cinéma a ouvert ses portes et beaucoup de salles de cinéma ont été construites. 

Une salle de cinéma à Séoul dans les années 1950

A la campagne, les projections en plein air sous une tente éphémère montée pour l'occasion, attiraient tous les villageois. 

A la campagne, on se contente d'une salle éphémère


L'adaptation d’une pièce de théâtre « Sijipganeun Nal - Le jour de mariage » a été le premier film coréen qui a participé à un festival international (Festival de Berlin 1956).

Affiche du film 'Le jour de mariage'

     Dans les années 60, le cinéma était le seul loisir des coréens (avant l’arrivée massive de la télévision). Les jeunes acteurs de l’époque restent toujours des stars du cinéma coréen. 

Les actrices légendaires des années 60. 


La première 'peoplisation' est lancée avec des couples stars et la révélation de leur vie privée !   

Le couple mytique toujours à la fois ensemble et séparé (compliqué!)

Certains films mélodramatiques sont entrés dans les références culturelles coréennes en faisant pleurer toute la nation devant l'écran. Ces mélodrames reprenaient aussi les thèmes de la réalité de la société coréenne : l’exode rural, la relation femme – homme, l’industrialisation et l’inégalité sociale...

L'affiche du film mélodrame qui a boosté les ventes de kleenex...


Le film « Mabou – le Cocher » a été le premier film coréen primé lors d'un festival étranger (Festival Berlin 1961). Il relate  l'histoire d’un père veuf qui se sacrifie pour ses quatre enfants avec en toile de fond, les conflits de classes entre l’ouvrier (le cocher) et la nouvelle élite.  

Une scène du film "Mabou"


En 1964, le film « Maenbaleui Cheongchun - Jeunesse aux pieds nus » a marqué un tournant, en mettant en scène un jeune couple issu de couches sociales différentes, qui gagne leur amour contre les adultes et le poids de la société.

Affiche du film " Maenbaleui Cheongchun "

Le titre du film est devenu une expression courante dans le langage coréen pour exprimer à la fois la rage ou la joie de vivre de la jeunesse. Après ce film, la jeunesse en révolte était le sujet principal du cinéma coréen. Les films ‘teenages’ (histoires des lycéens) étaient aussi à la mode (c'est curieux...comme en France en 68...).  

L'amour et l'amitié des lycéens

  Le cinéma des années 70 a attiré le plus large public mais a aussi en même temps entamé sa décadence. L’industrie cinématographique a produit des films très commerciaux pour éviter la censure de l’Etat militaire mais aussi pour concurrencer la télévision. 

L'ambiance de Séoul 1972 : pas trop artistique !
La même scène se déroula dans beaucoup de pays sud-américains .
Une mode?

L’adaptation d’un grand roman coréen « Beoldeuleu Gohyang – pays (natal) des étoiles » était le premier film du genre ‘Filles de bar’. Ce genre désigne des films qui mettent en lumière les travailleuses de bars, venues à Séoul attirées par la lumière de la ville. Certaines de ces protagonistes féminines ont été adorées par le public comme des incarnations bien réelles. On retrouve beaucoup de prénoms de ces protagonistes parmi les filles nées à cette époque, et certaines phrases du film ont été utilisées dans la vie de tous les jours. C’était aussi le début de la commercialisation de la musique de films, et également la fin d'une époque où les actrices étaient la locomotive des productions. * "Arirang" est un chant populaire coréen, composé en 4 vers. Selon certains historiens, ce chant pourrait daté de l’époque du premier royaume de Corée (l’an 2334 avant notre ère) ! Sa mélodie est très mélancolique mais ses parole sont porteuses d'espoir.