La situation politique au Népal devient très inquiétante. Il semble que la stratégie des maoïstes ait réussi et qu'ils mènent le Népal vers une dictature communiste.
Un article d'Un Monde Libre, depuis le Népal (*).
L’Assemblée Constituante avait deux ans pour promulguer la nouvelle Constitution mais en raison de l'instabilité politique et de l'inefficacité de tous les partis politiques, le délai a été prolongé à plusieurs reprises. Au cours des quatre années de ce processus de rédaction de la constitution, les partis n’étaient en réalité pas en mesure de faire beaucoup en la matière. La constitution devant être approuvée par consensus ou à la majorité des deux tiers, les maoïstes se sont assurés de diverses façons que les critères ne soient pas atteints.
Le 27 mai 2012 était la date limite pour la promulgation de la constitution. Mais, en dépit de tous les efforts, un consensus n'a pas été réuni et l’Assemblée Constituante n'a pas été en mesure de livrer la constitution. Donc, à minuit ce jour-là, l’Assemblée Constituante a été dissoute jetant ainsi le pays dans une impasse politique critique.
Pendant ce temps, les maoïstes ont fomenté plusieurs conflits à travers leurs groupes affiliés à travers le pays et le conflit le plus sensible qu’ils ont instillé est ethnique. Au-delà des lignes politiques, le Népal est aujourd'hui fortement divisé entre lignes ethniques. Il est important de noter que le Népal a plus de 100 groupes ethniques aux identités et langues distinctes. Durant les derniers mois de nombreux affrontements violents ont eu lieu entre les différents groupes ethniques dans des quartiers, au niveau populaire, mettant ainsi en péril la coexistence pacifique.
Actuellement, les maoïstes, en tant que plus grand parti, dirigent le gouvernement et, depuis que le mandat de l’Assemblée Constituante a expiré, il semble qu'ils vont continuer à diriger le gouvernement, sauf si un nouveau mandat est décidé par des élections. Mais, le 30 juin, la commission électorale a exclu une tenue des élections auparavant envisagée pour le 22 novembre prochain.
L'actuel premier ministre du pays - qui est l'un des commandants suprêmes du parti maoïste - s'était engagé après la dissolution de la Constituante à une nouvelle élection, mais cette perspective s’éloigne. En outre, techniquement, le gouvernement actuel n'a pas le mandat pour décider une élection. Ces promesses de nouvelles élections ressemblent à une nouvelle stratégie pour confondre le grand public et les autres partis politiques. Fait encore plus intéressant, c'est le gouvernement actuel maoïste qui dirigera le pays jusqu'aux prochaines élections. Donc, il y a en réalité peu d'incitation de leur part à organiser des élections.
Si l’on observe les maoïstes sur les six dernières années, il semble bien qu’ils n’aient pas l'intention de présenter une constitution démocratique du tout. Ils semblent vouloir établir une république populaire sur la base de leur utopie (marxiste, léniniste, maoïste). Toutefois, si le processus politique est en mesure de les pousser à une élection, ils ont gagné du terrain au sein de la base populaire, notamment en comparaison avec d'autres partis politiques, et avec leur Armée Populaire de Libération et maintenant le pouvoir de l'État et les ressources qui vont avec, ils pourraient être en mesure de recueillir une victoire écrasante et donc finir par promulguer une constitution tout à fait dans leur ligne idéologique.
La feuille de route initiale de 1995 et la promesse des maoïstes de « capturer » l'État par tous les moyens (par la guérilla, la rue et le parlement et/ou le gouvernement) semble se réaliser.
Dans l'intervalle, ils ont été en mesure de rallier à leur cause une grande partie des médias, des intellectuels ainsi que d'autres forces. Et tous les autres partis importants semblent soit occupés par leurs propres dissensions internes ou soit très naïfs pour ne pas comprendre la stratégie maoïste. La réaction initiale du grand public au lendemain de la dissolution de la Constituante, premier jour de cette histoire sombre, a été d’espérer que les maoïstes les mèneront vers une voie politique stable.
Pour les maoïstes, le moment est sans doute approprié pour déclarer un régime autoritaire et il ne serait pas surprenant qu'ils embarquent le pays vers une dictature à parti unique dans les six mois ou l’année à venir.
Une voie de sortie à la crise politique actuelle pourrait être la formation d'un gouvernement de consensus avec tous les partis nationaux et l’annonce d’une date réaliste pour les élections législatives. En même temps, un comité constitutionnel pourrait s'appuyer sur le travail qui a été fait jusqu'à présent par l'Assemblée constitutionnelle dissoute et s’assurer d'avoir un projet prêt à être approuvé par le parlement nouvellement élu. Mais pour mener le pays dans cette direction, il faut un chef de file qui ait la confiance de tous, indépendamment des clivages politiques. Et personne ne semble avoir cette stature au Népal…
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Sur le web.
(*) L'auteur de cet article a préféré rester anonyme pour raisons de sécurité.