Chalon dans la rue 2012 (8)

La nuit est tombée. A la limite de la ville, dans un lieu dont il faut chercher l’entrée, bien qu’on l’aperçoive de la rue, entre les bâtiments de l’Abattoir désaffecté, des baraques sont disposées dans un espace clos, et pour l’instant inanimé. Puis, comme une rumeur, on sent venir quelque chose, ça va commencer. On s’approche. Les Sœurs Langlais nous accueillent, annonçant, par l’intonation de la voix aussi bien que par le propos, que nous allons accéder au bizarre. Je ne sais plus combien de femmes, d’abord prostrées, puis levant les yeux progressivement, sont là, femme araignée, femme poisson, femme à la mue ratée (que je ne verrai pas), celle qui plâtre, celle qui file, celle qui salive, celle qui crie un cri qu’on croit solitaire mais qui rejoint l’agitation qui prend toutes les femmes dans les baraques, les sœurs Langlais maîtrisant tout. Vous les croyiez enfermées dans leur monomanie, mais le geste que celle-ci me fait m’incitant au silence quand j’approche du landau où gît un chien, le regard de cette autre enfermée dans le blanc qui m’écrira un mot, le don d’un morceau de plâtre à cette visiteuse, tout cela laisse un goût étrange : pendant quelques minutes, une relation s’installe. Nous ne sommes pas que voyeurs de monstres, nous sommes dans leur monde. Et elles nous saluent avant de rejoindre, troupe brinquebalant, la nuit d’où elles sont sorties pour nous rencontrer.