Que François Hollande reçoive quelques dictateurs à l'Elysée, et voici que la droitosphère s'empare du thème pour mieux fustiger la prétendue hypocrisie du nouveau président. A gauche, certaines voix grincent également. Pourtant, le candidat Hollande n'avait jamais annoncé ni promis une quelconque rupture des relations diplomatiques avec les dictatures du monde.
Qu'importe ! Le sujet fait florès, jusque dans les colonnes de Rue89, dans un article signé Camille Polloni, le 7 août dernier: « Bahreïn, Gabon, Maroc... : François Hollande en plein dictateur-tour ».
Pour un peu, on oublierait presque le quinquennat qui s'est achevé le 6 mai dernier. Pendant ses 100 premiers jours, Nicolas Sarkozy était déjà très prometteur.
Jugez plutôt.
Hollande ?
Le billet de Rue89 est factuel, et répertorie les rencontres de François Hollande avec des autocrates (version soft) et dictateurs (version hard) depuis son élection. Au total, outre le roi du Barheïn, « au moins six autres représentants de pays autoritaires ou franchement dictatoriaux ont été reçus par François Hollande depuis son élection. »
- Hamed ben Issa Al Khalifa, Bahreïn (23 juillet)
- Mohammed VI, roi du Maroc (24 mai)
- Le Premier ministre du Qatar (7 juin)
- Le fils du roi Abdallah d’Arabie Saoudite (11 juin)
- Abdallah II de Jordanie (3 juillet - un pays limitrophe de la Syrie où un convoi humanitaire français vient de partir)
- Ali Bongo, président du Gabon (5 juillet - Sarkozy avait rencontré le père... pendant sa campagne)
- Le prince héritier d’Abou Dhabi (11 juillet - Sarkozy y a installé une base militaire!)
Sur Twitter et ailleurs, on lit ce type d'accusations: "Hollande a reçu en trois mois plus de
Sarkozy !
Attardons-nous sur ce macabre mais délicieux comptage: mais combien de dictateurs le président de la République irréprochable avait-il rencontré durant les 3 premiers mois de son mandat, entre mai et août 2007 ? Une jolie flopée !
Et Sarkozy avait fait grand: il s'est déplacé avec avions, tapis rouge, ministres et contrats commerciaux ou militaires. Ce fut d'ailleurs l'une des marques de fabrique de ce quinquennat et l'un des reproches systématiques qui lui fut adressé en la matière: pourquoi tant de fastes, tant de reconnaissance ?
1. Fin mai 2007, l'émir du Qatar, le cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, est le premier chef d'Etat arabe convié à l'Elysée. Le 14 juillet suivant, il est même invité à assister aux cérémonies nationales.
2. Le 4 juillet, Sarkozy recevait le Roi Abdullah II Ibn Hussein de Jordanie.
3. Le 5 juillet, il recevait Denis Sassou-Nguesso, Président de la République du Congo et objet, quelques mois plus tard, d'une plainte pour détournement de fonds en France.
4. Début juillet, il se rendait au Maghreb. En Algérie, le 10, il salua par Bouteflika.
5. En Tunisie le 11, sa première embrassade officielle avec l'autocrate Ben Ali est restée célèbre, tout comme la présence de sa secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme Rama Yade.
6. Le 18 juillet, Nicolas Sarkozy est à Paris pour recevoir le chef de l'Etat béninois, Boni Yayi.
7. Le 20 juillet, Sarkozy reçoit le Cheik Khalifa bin Zayyed Al Nahyan, des Emirats arabes unis.
8. Le 25 juillet, il se rend en Libye, remercier le colonel Kadhafi. Son épouse Cécilia était revenue la veille, avec les infirmières bulgares. On comprit plus tard que la négociation avait été entamée bien plus tôt, dès 2005-2006 quand Sarkozy n'était que ministre, sur fond de contrats commerciaux très étranges.
9. Le 26 juillet, au Sénégal, Sarkozy livre son fameux discours de Dakar ( «Jamais [l’Africain] ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin»). L'opposition au président Abdoulaye Wade venait de boycotter les élections législatives.
10. Le 27 juillet, Sarkozy se déplace au Gabon, il rencontrait l'autocrate Omar. Pendant sa visite, quelques opposants sont jetés en prison. Fin 2006, Sarkozy lui avait déjà fait une discrète visite.
Qui dit mieux ?