La réalité n'est en effet pas tout à fait celle qui a été peinte par la plupart des médias : le seul volet concret significatif de cet accord, en dehors de l'investissement de la chaîne de cafés dans la startup, consiste à faire de Square le processeur des transactions par carte de Starbucks aux États-Unis. Une victoire certes importante pour la jeune société mais qui restera totalement invisible des consommateurs.
Ainsi, malgré l'attention qu'elle a suscitée, la possibilité d'utiliser l'application "Pay with Square" n'a probablement pas vocation à devenir un moyen de paiement de prédilection pour une majorité de clients. A ce jour, un quart des transactions est réalisé avec la carte Starbucks, basée sur un compte prépayé et associée à un programme de fidélité attractif. Les consommateurs à qui s'adresserait la solution de Square continueront certainement à préférer la version mobile de cette option, dont la popularité ne se dément pas.
Derrière ces "détails", ce qui compte vraiment est la stratégie des deux partenaires. Pour Square, deux facteurs essentiels sont à considérer : le volume de transactions et la visibilité apportés par Starbucks. Le premier est celui qui peut rapprocher la société de la profitabilité, car le secteur des paiements est un marché de masse où les marges sont réduites, surtout quand les transactions passent par les réseaux de paiement traditionnels. Le second lui donne un surcroît de notoriété et, surtout, une légitimité difficile à acquérir pour une startup et dont l'absence pouvait lui nuire face aux solutions concurrentes de PayPal et Intuit.
Du côté de Starbucks, c'est une vision de l'avenir du commerce de proximité qui fait la valeur de l'accord. L'entreprise est déjà devenue, en 18 mois, une des pionnières du paiement sur mobile, traitant désormais plus d'un million de transactions par semaine avec son application et sa technologie, relativement "rustique", à base de QR Code, simple transposition de ses cartes traditionnelles.
Le succès est donc indiscutable, mais le système retenu n'est vraisemblablement pas viable à long terme, ne serait-ce que parce qu'il est fermé et propriétaire, alors que des solutions ouvertes vont progressivement s'imposer, avec les mêmes avantages pour les commerçants, mais sans que ceux-ci aient à investir dans un métier (de technologies) qui n'est pas le leur. Or, pour Starbucks, le choix est fait (et c'est bien à son initiative que la négociation a eu lieu) : Square est aujourd'hui la mieux positionnée pour répondre aux enjeux à venir.
La logique de l'entreprise n'est pas nouvelle et a déjà été expliquée par ses dirigeants : les consommateurs apprécient de pouvoir payer avec leur téléphone, si cela est plus simple et plus rapide que d'utiliser un autre moyen. L'application Starbucks répond précisément à cette demande, sans fioritures excessives et en assurant une compatibilité avec un maximum d'appareils, dès aujourd'hui. Cependant, les systèmes de paiement évoluent rapidement et l'entreprise souhaite rester à la pointe de la vague mobile à venir, avec des solutions pérennes.
Starbucks n'est qu'un "petit" acteur du commerce avec "seulement" 17 000 points de vente à travers le monde, en comparaison, par exemple, des centaines de milliers de boutiques équipées de terminaux de paiement compatibles NFC. Mais sa réputation d'innovateur fait automatiquement de ses initiatives des modèles qui retiennent l'attention de ses concurrents et pairs. Sa préférence persistante pour des approches de paiement mobile "basiques" va encore faire réfléchir les commerçants qui s'intéressent au sans contact...