Depuis fin juillet, le hashtag ou balise #HarcelementDeRue fait le buzz sur Twitter. Il sert à marquer et regrouper tous les témoignages de femmes sur le harcèlement qu'elles subissent dans la rue ou les espaces publics, de la part d'hommes bien sûr. Le buzz a été si fort qu'il a atteint la ministre.
#harc èlementderue: la nouvelle loi s'appliquera partout. La libération de la parole des femmes est importante. Restons mobilisé(e)s !
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Najat Belkacem (@najatvb) August 03, 2012
si vous avez été victime de harcelement dans la rue merci de le dire via #harcelementderue pr montrer à @ mathieuge l'importance du truc.
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CrêpeGeorgette (@valerieCG) July 31, 2012
L'idée est apparue suite à un documentaire, " Femmes de la rue " (1), réalisé par une étudiante belge qui a choisi ce sujet - dans le cadre d'un projet de fin d'études - parce qu'elle en était victime au quotidien.
Documentaire qui maintenant fait l'objet d'une polémique...
Et pourquoi ça donc ma pauvre germaine ?
Et bien parce que ce documentaire - qui a été tourné en caméra cachée à Bruxelles dans le quartier Anneessens où habitait la jeune réalisatrice - montrent des impétrants maghrébins francophones, bref des allochtones comme disent nos amis belges. Suivez mon regard : ce documentaire est donc entaché d'un soupçon de racisme.
Les gauchistes bien-pensant qui refusent toute " stigmatisation " affirment sans sourciller, tel un M. de La Palice au meilleur de sa forme, que " si elle avait tourné dans un autre quartier, elle n'aurait sans doute pas subie le même traitement ". En effet. Et si elle avait été un homme non plus. Sauf à choisir la partie gay de ce même quartier à la nuit tombante au coin de la rue Rapenstraat et.... Mais je m'égare.
Or donc, comme d'habitude, il ne faut pas dire les choses telles qu'elles sont quand les populations concernées ne sont pas blanches. Et oui, on en est toujours là... Certains n'hésitent pas à dire qu'elle aurait dû mener une étude sociologique dans les règles de l'art avant de tourner... La réalisatrice, consciente du risque, avait pris soin de faire témoigner des femmes de la même communauté (dont une voilée), puis d'avancer, dans un entretien, des arguments sociologiques improvisés :
" C'était une l'une de mes grandes craintes, comment traiter de cette thématique sans tourner un film raciste ? Car c'est une réalité : quand on se promène à Bruxelles, 9 fois sur 10, ces insultes sont proférées par un allochtone. Mais ces personnes ne sont pas représentatives de toute la communauté maghrébine. [...] Non, personne ne m'a jamais taxé de racisme. Car mon constat porte plus sur la condition sociale des individus que sur leur origine ethnique: s'il y a une forte proportion d'étrangers parmi les garçons qui me font des remarques, c'est parce qu'il y a aussi une forte proportion d'étrangers parmi les populations fragilisées." (source : Marianne 2, aout 2012).
Mais justement ce n'est pas une étude de sociologie. C'est un témoignage, une tranche de vie, qui donne à entendre ce qui d'habitude est tût, bref qui permet de révéler un tabou. Pourquoi ne devrions-nous pas l'entendre ? Car ce que l'on entend est effarant :
" Vous êtes belle mademoiselle. Je vous offre un verre ? "
- " Non merci "
- " Un verre ensemble ou quoi ? "- " Non merci "
- " Chez moi à la maison bien sûr, pas dans un café. L'hôtel, le lit, tu connais, direct "
- " Vous ne comprenez pas, je ne veux pas ! "
- " Si tu donnes envie, c'est normal non ? "
- " Chienne, Salope "
Quand ce n'est pas directement des insultes proférées sans aucune proposition ou drague. Et ceci alors même que sa tenue n'a rien de particulier : une robe simple et des bottes, " tenue on ne peut plus classique pour une étudiante européenne " comme le dit le journal L'Orient-Le jour.
Cela ressemble à du harcèlement sexuel - qui considère que toute femme jeune est disponible - mais ce n'est pas que sexuel. C'est aussi et peut-être surtout de la domination, une façon de rappeler aux femmes qu'elles sont sur le territoire des hommes et qu'elles doivent là comme ailleurs - mais surtout là - suivre leurs règles. Une forme de contrôle social des femmes diraient les sociologues. Car sinon, pourquoi les insulter, les traiter de chiennes et de salopes, sans même les aborder ?
Cela ressemble, à un degré moindre, à ce qui se passe au Caire et qui a été très bien montré dans le film " Le bus 678″ (2) : qu'elles soient maquillées ou non, voilées ou non, les femmes du Caire se font harceler en permanence, parfois jusqu'à l'agression ou le viol. Le réalisateur du film disait dans un entretien que cela n'était pas du tout comme cela dans les années 60-70.
Idem en Europe, où après la seconde guerre mondiale et surtout après 1968, ce type de comportements machistes avait largement régressé, au point que dans les années 80-90 on voyait émerger un " nouvel homme ", plus " doux ", plus " féminin ", bref plus respectueux et conscient de l'égalité, au grand désespoir d'Eric Zemmour.
Alors quoi ?
Au Caire on peut mettre ça sur le compte d'une société encore traditionnelle, de la frustration sexuelle ou de la montée de l'intégrisme - ces deux phénomènes se renforçant mutuellement.
Mais en Europe, à Bruxelles en l'occurrence ?
Certains parlent d'un recul, d'un retour en arrière. Certes, de fait cela en est un.
Mais on ne peut évacuer d'un geste la dimension " culturelle " ou " ethnique " du phénomène, et pour tout dire le caractère importé de tels comportements, à l'heure où en Europe ils devenaient résiduels.
On peut y voir aussi un repli identitaire ou une influence de l'intégrisme sur des hommes confrontés à des images de femmes dénudées dans la publicité. Un des hommes interrogé dans le documentaire évoque d'ailleurs comme explication cette confrontation. On ne saurait alors trop leur conseiller un séjour dans un camp naturiste...
Beaucoup de jeunes femmes européennes, élevées dans un esprit d'égalité des sexes, de respect de l'autre, tombent des nues. D'autant qu'elles ont été bercées aussi par un discours dominant sur les immigrés toujours lénifiant - discours compréhensible en son temps pour lutter contre le racisme ambiant à l'époque de la décolonisation - mais discours qui a tordu la réalité. Dans son documentaire, la réalisatrice en voix off dit : " j'étais naïve, je croyais au multiculturalisme "...
Accuser ce documentaire de racisme est non seulement faux mais aussi contre-productif car il entretient le tabou. Faut-il avoir un père algérien pour pouvoir évoquer certains problèmes ?
En refusant de parler de ces comportements machistes spécifiques ou en faisant mine qu'ils concernent au même degré tous les hommes, on ne rend service ni aux victimes qui sont niées, ni aux auteurs qui s'enferment dans des comportements inappropriés, ni au féminisme que l'on peut accuser de caricaturer les hommes, ni à l'anti-racisme qui se dé-crédibilise. Car non, tous les hommes ne sont pas machistes.
Levy a très bien résumé le problème dans son article " Guerre des polices de la pensée " (Causeur, 9-08-2012) [c'est moi qui graisse] :
" Ce machisme-là n'est pas tout à fait " ordinaire ". [...] Mais le dire, parait-il, ce serait raciste. De même qu'il est raciste, en France, d'observer que, dans les cités à forte concentration immigrée, la condition des femmes a plutôt tendance à régresser, alors qu'elle a plutôt tendance à s'améliorer dans l'ensemble des sociétés européennes - en dépit des pleurnicheries et criailleries de certaines féministes qui répètent à l'envi que " nous n'avons pas de leçon à donner ", comme si l'Europe ne valait guère mieux que l'Afghanistan ou l'Arabie saoudite du point de vue du statut des femmes. En réalité, si nous avons une seule leçon à donner au monde, c'est que des relations égalitaires entre hommes et femmes - qui n'empêchent nullement la séduction - sont infiniment préférables (on ne dira pas " supérieures " pour éviter la guéantisation) à des rapports de domination. Et on ne voit pas pourquoi il serait raciste de souhaiter que nos concitoyens de souche récente profitent de ce trésor.
Soyons clairs : pendant des siècles, l'Occident chrétien s'est parfaitement débrouillé sans l'islam pour dominer les femmes et maltraiter les infidèles. Mais il faut être aveugle ou fanatique de la repentance pour ne pas voir que depuis au moins un demi-siècle, il combat ses vieux démons, au point que ceux-ci sont désormais hors-la-loi. Que tout ne soit pas parfait, on en conviendra, mais les femmes et les immigrés sont aujourd'hui placés sous la protection de la collectivité et c'est tant mieux.
[...] Logiquement, le même mécanisme de recouvrement est à l'œuvre avec l'antisémitisme : alors que celui qui progresse aujourd'hui est essentiellement arabo-musulman, on continue à se battre contre des fantômes d'extrême droite (qui n'ont certes pas disparu mais n'ont guère le vent en poupe).
Bien entendu, on n'est pas antisémite ou macho parce qu'on est arabe ou musulman. Faut-il pour autant ignorer pudiquement que l'acculturation d'une partie des musulmans européens aux valeurs libérales des sociétés européennes connaît de sérieux ratés ? Ce ne sont pas l'immigration ou l'islam en tant que tels qui sont en cause, mais l'incapacité des sociétés d'accueil à exiger de leurs nouveaux arrivants le respect des codes et des usages en vigueur dans l'espace public.
Ceux qui nient les évidences et traitent ceux qui les voient de salauds franchouillards (ou belgeouillards) jouent un jeu dangereux : s'il est raciste de voir ce qu'on voit, nombre de nos concitoyens finiront par penser qu'être raciste, ce n'est pas si grave. "
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(1) Le documentaire in extenso commence dans cette vidéo à 7 min 30. Il est précédé d'un interview de la réalisatrice. Il est essentiellement en flamand sous-titré en anglais :
Voici un lien vers un extrait : http://www.dailymotion.com/video/xsnyje
(2) Bande-annonce du film " Le bus 678″ :