Le matraquage médiatique des Jeux Olympiques s'achève. Un moment de distraction volontiers accepté en période estivale mais qui souffre d'un traitement médiatique indigent faute d'approche critique.
Ces Jeux du fric ne sont pourtant pas anodins tant ils symbolisent la mercantilisation des valeurs et la banalisation d'une pratique qui vise à mutualiser les pertes et à privatiser les recettes. L'organisation même du CIO fondée sur un modèle sulfureux (opacité, cooptation, situation de monopole et l'affranchissement des droits nationaux) a de quoi interpeller.
Une chose au moins est désormais largement partagée c'est qu'au-delà du spectacle sportif, les Jeux sont avant tout l'occasion de faire de l'argent. Sans que cela suscite pour autant de curiosité sur les bénéficiaires et les clés de répartition. Le côté Victorien de ces Jeux de Londres, où les pauvres sont conviés à admirer le luxe ostentatoire des millionnaires de la planète venus arrimer pour quelques jours leur yacht sur la Tamise, est pourtant saisissant.
Ultra-libéralisme et sport même combat dans cette Grande-Bretagne où les footballeurs croulent sous l'argent quand dans, le même temps, l'austérité imposée aux services publics a conduit à vendre depuis 1979 plus de 10 000 stades rattachés à des écoles secondaires, et quand, le budget sportif annuel alloué aux écoles publiques a été réduit de 190 millions d’euros en 2010.
Austérité pour les uns, cadeaux fiscaux pour les autres puisque dans le même temps, le gouvernement de David Cameron, sous motif de compétitivité, a baissé le taux d'imposition des revenus les plus élevés de 50% à 45% et réduit de l'impôt sur les sociétés de 26% à 22%.
Ce qu'il y a d'insupportable dans ces Jeux c'est la mise en avant des vainqueurs et l'oubli des perdants pourtant souvent si proches dans la performance. A l'image somme toute de Lakshmi Mittal et de son fils porteurs de la flamme olympique dans les quartiers londoniens de Kensington et Chelsea. Un choix qui a provoqué l'écoeurement des salariés européens du groupe éponyme qui pointent les 70 000 salariés licenciés dans le monde par le numéro un de l'acier. Les syndicats accusent le milliardaire indien de liquider les hauts-fourneaux dont il dispose en Europe "bénéficiaires, mais pas assez toutefois à ses yeux" pour acheter des mines de fer beaucoup plus rentables. La cupidité serait-elle devenue une "valeur" olympique ?
Une fois de plus, la curiosité vient du net. Le site Atlantico consacre un article sur le mystérieux CIO mais, format oblige, ne rentre pas dans le détail des scandales de corruption et de conflits d'intérêts qui l'ont frappé ces dernières années.
Il faut revenir à un excellent article de Sylvain Cypel dans les colonnes du Monde de 2005 "Le CIO, un géant opaque et incontrôlable" pour commencer à comprendre le fonctionnement de l'instance olympique. Et le journaliste de rappeler que "le CIO, "organisation internationale non gouvernementale à but non lucratif" soumise à la seule juridiction du canton de Genève, n'est toujours qu'un minuscule club privé de cent vingt- trois membres, qui se cooptent sans que quiconque - Etats ou organismes internationaux reconnus - ait son mot à dire".
Les dieux du CIO et leurs amis sponsors, affaires faites, laisseront aux mortels britanniques le soin de régler l'addition finale. On sera loin du coût annoncé de 3 milliards d'euros lors du choix de Londres en 2005. Selon un rapport parlementaire britannique, la facture risque d'atteindre plutôt 13 milliards. Mais si l'on prend en compte les coûts indirects pour les services publics, dont la présence policière et militaire, on arriverait à 29 milliards. Crise, vous avez dit crise ?