Parmi toutes les stars italiennes qui ont illuminé nos écrans, la flamme qu’alluma Sofia Villani Scicolone dans « L’Or de Naples » en 1954 n’est pas près de s’éteindre. Restée très populaire dans le monde entier, la toujours séduisante septuagénaire est devenue une institution dans son pays. Pour preuve, c’est en sa compagnie et en parcourant sa brillante carrière que la chaine de télévision Rai Uno a fêté le 150e anniversaire de la réunification de l’Italie.
Une revanche à prendre sur la vie est un formidable moteur quand il s’agit de renverser des obstacles. A cet égard, Sophia, née en 1934, avait de quoi assurer. Elle a connu la honte d’être une enfant illégitime et l’horreur de la guerre : la peur, la souffrance, la faim. Elle a appris à redresser la tête quoi qu’il arrive. Regardez le port de reine de la pizzaiola déambulant dans les rues mouillées de Naples sous la direction de Vittorio De Sica ! Regardez la tête altière de « La Ciociara » coiffée de sa valise en carton, progressant dans un paysage ravagé par la guerre ! Tournée par Vittorio De Sica, encore lui, d’après le roman d’Alberto Moravia, ce film valut une double récompense à la Loren : le Prix d’Interprétation au Festival de Cannes, en 1961, et l’Oscar en 1962.
A cette époque, elle a surtout tourné des comédies, un genre dans lequel elle excelle. Ainsi, « Dommage que tu sois une canaille » où elle se lie d’une amitié qui se révélera indéfectible avec Vittorio De Sica et Marcello Mastroianni. Le premier la dirigera dans huit films dont celui qui remportera l’Oscar du meilleur film étranger en 1965 « Hier, aujourd’hui et demain ». Le second sera son partenaire à quatorze reprises, notamment et pour la dernière fois, dans « Prêt-à -porter » de Robert Altman en 1994.
Côté cœur, Sophia est liée au producteur Carlo Ponti, marié, et de 23 ans son aîné. Ce que tout un chacun prend pour de l’opportunisme pur et simple. Certes, c’est grâce à lui qu’elle tourne « Orgueil et passion » en 1956 au grand dam de Stanley Kramer et de Gary Grant qui auraient préféré Ava Gardner… Mais l’actrice se montre suffisamment fine mouche pour se faire accepter et apprécier. (La suite est connue, c’est Sophia qui fermera les yeux de son Carlo en 2007, il avait 97 ans)
Napolitaine pure souche, la Loren n’a pas dû apprendre à chanter pour entonner « Bing, Bang, Bong » dans « La Péniche du bonheur » (1958) et amuser la marmaille de Gary Grant… Ni apprendre à danser en chantant pour surprendre et scandaliser Clark Gable dans « C’est arrivé à Naples » (1960)… Son numéro « Un Americano » dans un accoutrement des plus kitchs est tout simplement jouissif !
Naturelle, rieuse ou dramatique, mais toujours talentueuse dans l’art de faire partager le bonheur qu’elle éprouve à jouer, la Loren est partie à la conquête du monde. Elle va tourner avec les plus grands réalisateurs, donner la réplique à bien des stars du box-office et faire le plein de spectateurs avec des films tels : « Arabesque » de Stanley Donen avec Gregory Peck ; « La Comtesse de Hong Kong » de Charlie Chaplin avec Marlon Brando ; « Verdict » d’André Cayatte avec Jean Gabin ; « Une journée particulière » d’Ettore Scola avec Marcello Mastroianni, etc.
Tourner avec des enfants a toujours été un pur bonheur pour Sophia Loren qui n’a jamais fait un mystère de son désir de devenir « mama ». En 1963 et en 1967, deux fausses couches anéantissent ses espérances. Le risque zéro n’existe pas, mais rester alitée et quasi cloîtrée pendant la grossesse, ça peut marcher ! L’actrice le prouve par deux fois, accouchant de Carlo junior en 1968 et d’Eduardo quatre ans plus tard. Elle n’en démordra jamais : le plus beau film de sa vie, c’est voir vivre ses deux fils.
Etre « mama » lui ouvre plus largement encore les cœurs féminins, d’autant qu’elle vient de livrer ses recettes préférées dans un livre « La cuisine à l’italienne » (1972). Sophia Loren n’est pas perçue comme une vamp briseuse de ménage. Et même si sa plastique fait fantasmer les hommes, elle s’en dédouane non sans humour auprès des femme, disant « Mon sex- appeal ? C’est à 50% ce que les hommes imaginent à mon sujet ! »
Son producteur de mari et elle ont amassé des millions au cours de leurs carrières respectives et le fisc italien était aux aguets. Confiscation puis restitution de leur somptueuse villa et de son contenant riche en œuvres d’art. En mai 1982, Sophia est condamnée à dix-sept jours de prison ferme ! Elle en ressort en star, la tête haute, devant la presse médusée. Par la suite, bien que tournant très peu, elle est restée présente sur la scène internationale, apparaissant, à 71 ans, dans le fameux calendrier Pirelli ; jouant dans « Nine » de Rob Marshall, en 2007 ; faisant la voix d’une voiture italienne dans « Car 2 » en 2011 (mais oui !) ; assistant toujours, dont le 3 juillet dernier, aux défilés de son ami et couturier préféré Giorgio Armani… Quant au style « Sophia Loren », il a été remis en vedette voici peu par les stylistes d’un grand magazine de mode ainsi que par le maquilleur Robin pour la marque Déborah de Milan. Pas mal pour une grande dame de 78 ans qui vient d’être grand-mère pour la quatrième fois !