Une réussite, ce livre, qui restera probablement mon pavé de l’été 2012, non seulement par le nombre de ses pages (456) mais surtout par la richesse des thèmes évoqués et la complexité des personnages.
Roman choral à plusieurs voix annonce l’éditeur pour rester dans le registre musical du titre. Plusieurs voix se croisent, se complètent, se contredisent, s’explosent ou finissent par s’harmoniser dans un final de toute beauté. Au centre,
Alger la Blanche, la ville aimée ou haïe, tour à tour, celle de 1954, de la haine et de la violence, celle de l’expulsion des pieds noirs, de leur douleur et de leur incompréhension et celle des Algériens, de leur misère et de l’immigration vers la France, enfin celle d’aujourd’hui. Louise est la voix principale, la plus forte, la française qui par amour pour Kader, son jeune mari, a pris fait et cause pour le FLN et qui est restée après son divorce, dans son bel appartement avec une vue magnifique sur la baie d’Alger. Jeune fille superbe, courtisée, riche, gâtée, elle est devenue une vieille femme obèse, sans dents, pauvre et surtout très seule jusqu’à la rencontre de Sofiane, un jeune algérien fougueux et naïf mais plein de foi en l’avenir, droit et religieux, sans fanatisme, un très beau personnage dont l’ambition est de tourner dans un film du neveu de Louise, Marc, le grand réalisateur .C’est la troisième grande voix du texte, Marc, qui revient à Alger, après une trentaine d’années, non pour revoir Louise comme le croit celle-ci mais pour y faire des photos pour Paris-Match. Elle lui présente Sofiane. C’est le véritable début du récit. Toutes les générations sont représentées et en arrière-plan se jouent les aspirations de chacun vers une vie plus belle, vers la réalisation de soi qui passe par l’art, toutes les formes de l’art, musique, écriture, cinéma. La fuite du temps et les souffrances des corps, la présence constante des changements, voire des transformations et la mort obsédante, toujours en arrière-plan, comme la grande menace permanente, tous ces thèmes font de ce roman une fresque passionnante,
une mosaïque qui met en lumière soixante ans de schizophrénie, celle de deux pays qui refusent d’admettre leurs liens irrémédiables.
Un roman beau et fort. Donner le plus cher de soi, aimer sans réserve et, pour finir, crever de solitude. Et en prime, ce putain de cœur qui battait comme volaient ces oiseaux: inutile. Je n'avais rien vu venir.
Alger sans Mozart, Canesi et Rahmani (Éditeur :
Naïve - Date de parution : Avril 2012 - 455 pages)
En ont parlé:
Clara,
Alex, ...
Une maison d'édition qui a fait là un très bon choix et ce n'est pas le seul! Son site:
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