Rentrée littéraire : Le livre à lire absolument : Trois fois le loyer

Le livre dont je vais vous parler est le quatrième de l'un des auteurs fétiches du Journal d'un Journaliste.
J'ai en effet parlé de son premier roman ici, interviewé l'auteur là, et parlé de son "Match Aller/Retour". Il s'appelle Julien Capron et son quatrième roman s'intitule "Trois fois le loyer". Ce devrait être l'un des livres évènements de la rentrée littéraire si les critiques autorisés ne se laissaient pas tous happer par les dix mêmes ouvrages. En effet, "Trois fois le loyer" est un livre dense, abouti, contemporain, drôle, dramatique et passionnant.
Le pitch est assez simple Jeunes parisiens idéalistes, Cyril et Pauline décident de s’installer ensemble. Lui est photographe de presse, elle cuisinière free-lance. Lorsque le deux-pièces qu’il convoitaient leur échappe à la dernière minute, le jeune couple n’a que n’a que quelques jours pour trouver une solution de rechange. Afin de s’en sortir, ils sont forcés de se tourner vers le moyen le plus rapide de gagner de l’argent : le poker. Ils devront apprendre à jouer et bluffer, mettant ainsi leur amour à l’épreuve dans les méandres du jeu.
Cette fois-ci et à l'inverse de ses trois premiers livres, Capron abandonne les pays imaginaires où il avait choisi d'ausculter brillamment la justice (Amende honorable), ou le monde du sport professionnel (Match Aller/retour), il se place résolument dans le présent. Dans le Paris d'aujourd'hui. Ce Paris où un couple qui gagne 6000 euros à deux par mois ne peut pas acheter un appartement, sans apport conséquent. Ce Paris où les couples sans enfants ou avec un enfant, qui ont des revenus élevés (8345 euros à deux par mois contre 4986 dans le reste de la France) ou qui bénéficient d'un apport familial conséquent, ne peuvent pas forcément accéder à la propriété. Ce Paris où le montant moyen de l'apport est 2,5 fois supérieur à l'ensemble du pays: 176000 euros dans la capitale contre 68000 euros ailleurs. Et enfin, ce Paris, où le prix moyen des transactions: 455000 euros contre 253000 euros ailleurs en France.
"Je veux écrire un roman contemporain autour de l’histoire d’un couple de trentenaires. Ce sera, je l’espère, un roman qui se frottera aux réalités que nous vivons, nous, trentenaires. Je crois que nous sommes bien placés pour voir les failles du monde à venir", nous confiait en février 2011, Julien Capron.
Voilà pour le décor du roman de Capron. Les trentenaires de ce monde contemporain qui ont choisi de poursuivre leur rêve et d'en faire leur métier. Avec toutes les difficultés que cela comporte.
Mais Capron n'est pas du genre à écrire une thèse. Il distille par petite touches et à travers la descente aux enfers de ce couple dans un tournoi de poker filmé en télé-réalité, on comprend le désarroi des personnages. Leur volonté de reconnaissance dans une société où il n'y a pas vraiment de place pour eux. Eux qui font partie de ceux qui sont restés un brin rêveurs. Ce livre est peut-être le plus aboutit de Julien Capron. Amende honorable était son meilleur, mais il était peut-être parfois un peu trop dense, "Trois fois le loyer" est le livre d'un auteur qui trouve petit à petit son style, sans perdre les promesses délirantes et fabuleuses de son premier livre, Amende Honorable.
Bref, "Trois fois le loyer" est un livre sur les trentenaires, sur le poker - comme pour Match Aller/retour sur le rugby, Capron parle ici du poker comme un professionnel - sur les failles du monde à venir mais aussi sur ce que l'on peut faire par amour. Au bout de quatre romans, Julien Capron continue de tisser sa toile et de poursuivre son envie d'une oeuvre globale, d'une littérature qui mêle habilement esthétisme stylistique, puissance de l’intrigue, et volonté de résonance universelle. Julien Capron est un auteur qui comptera. Vous l'aurez lu ici en premier, et ce depuis 2007. "Trois fois le loyer", qui paraît chez Flammarion le 22 août, doit être un succès en librairie pour que Capron ait enfin la reconnaissance totale qu'il mérite. C'est à vous de jouer, chers lecteurs.

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