” Ce qui est étonnant c’est qu’il ne touche pas ses malades, il ne les opère pas, il ne leur administre pas de médicaments. Non, aucun rapport avec les rebouteux habituels ou les sorciers de village. A ce qu’il paraît, il se contente de discuter avec ses patients. Je n’y crois pas une seconde, je le répète. Une sorte de mage avec des formules ésotériques. On parle beaucoup de lui à Vienne, on le considère comme le dernier salut des incurables. Une personnalité très controversée, je dois avouer. Pour les uns, c’est un charlatan, pour les autres, un grand savant. A mon avis, la réalité se situe quelque part entre les deux. En tout cas, il devient le médecin à la mode. Il s’appelle Sigmund Freud.”
En lisant la quatrième de couverture, j’ai tout de suite pensé à un film que j’aime beaucoup, The Hours. La composition du roman est à peu près similaire en effet puisque les existences de trois personnages féminins, issus de trois époques et lieux différents nous sont racontées jusqu’à être scellées ensemble à la fin du roman. Dans The Hours (adapté du roman de M. Cunningham), c’était la figure de Virginia Woolf qui réunissait les trois destinées, ici c’est celle d’Anne de Bruges.
Anne vit à Bruges au temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale de Sigmund Freud et Anny est une star de cinéma vivant à Hollywood de nos jours. Au début, à part la ressemblance de leurs prénoms et le fait qu’elles se sentent étrangères à la société dans laquelle elles évoluent, différentes en un mot, ces trois femmes ne mènent pas la même existence. Les jeux d’échos, ou de miroir pour renvoyer au titre du roman, se retrouvent dès les premières pages et trouvent leur point d’aboutissement à la fin du texte, grâce à un petit clin d’oeil au Véritable Saint Genest, de Jean Rotrou.
Si j’ai été un peu sceptique au début de ma lecture, j’ai finalement énormément aimé ce roman. J’ai trouvé que les personnages gagnaient en épaisseur et en intérêt au fil des pages (surtout pour Anne et Anny).
J’ai été particulièrement intéressée par les chapitres qui revenaient sur la vie d’Hanna, une jeune femme tout juste mariée, qui découvre la vie dans la bonne société, qui fait bonne figure lors des réceptions mais qui souffre profondément. Sa rencontre avec l’un des disciples de Freud va bouleverser sa vie. Les principaux mécanismes et les effets de la cure analytique sont d’ailleurs assez bien expliqués et mis en scène dans le roman.
Ce roman illustre parfaitement la dichotomie entre notre moi profond et la vision qu’autrui peut en avoir, comme à travers un miroir déformant.
Un beau texte, bien construit. Un bel hommage à la psychanalyse.
Billet rattaché au challenge psy à l’initiative de Métaphore.
Eric – Emmanuel SCHMITT, La femme au miroir, éditions Albin Michel